EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 19 octobre 2005 sous la présidence de M. Jacques Valade, président , la commission a examiné le rapport de M. Jacques Legendre sur la proposition de loi n° 59 (2004-2005) de M. Philippe Marini relative à l'emploi de la langue française .

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Bernard Fournier a jugé tout à fait pertinente la proposition de loi et a cité quelques exemples concrets de dérives qu'il avait constatées personnellement dans les pratiques linguistiques et contre lesquelles il convenait de lutter avec vigueur : la tendance des services de la Commission européenne à utiliser exclusivement l'anglais dans le montage de certains dossiers d'appels d'offres, même quand elle a pour partenaire un syndicat départemental d'électricité français ; l'absence totale d'annonces en français, deux heures durant, à l'aéroport Charles de Gaulle pour annoncer le retard d'un vol à destination de l'Italie ; l'absence de personnels francophones dans les services de réservation de quatre hôtels d'une station française de sports d'hiver. Il a jugé qu'il convenait de ne pas céder devant ces pratiques inacceptables.

M. Ivan Renar a également déploré le recul du français dans les organisations internationales. Il a estimé que la télévision constituait un autre secteur sujet à des dérives importantes susceptibles de saper les efforts positifs réalisés par l'école en matière d'apprentissage du français. Il a déploré à cette occasion les effets collatéraux du recul des enseignements artistiques sur la capacité d'expression des élèves.

M. Jacques Valade, président , a relevé les efforts réalisés en matière de lutte contre les anglicismes dans les émissions télévisées par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, M. Dominique Baudis.

M. Louis de Broissia a regretté que des considérations de rivalités linguistiques locales pénalisent l'affirmation du français comme langue internationale à Bruxelles. Il a suggéré que, sans tomber dans les excès d'une « police des langues », les chaînes de télévision réalisent un bêtisier des dérapages linguistiques les plus manifestes des présentateurs et des hommes politiques.

M. Jean Paul Emin s'est alarmé du caractère « policier » de certaines dispositions de la proposition de loi, estimant que la défense de la langue française n'avait pas vocation à figurer parmi les priorités du comité d'entreprise ou des inspecteurs du travail.

M. Jacques Valade, président , s'est déclaré très réservé à l'égard de la reconnaissance aux agents des associations de consommateurs, et de défense de la langue française, d'une sorte de statut d'inspecteur de la langue française.

M. Louis Duvernois a rappelé les menaces qui pèsent sur l'emploi de la langue française, regrettant que la « loi Toubon » ne soit pas suffisamment opérante. Il a indiqué qu'il ne serait pas opposé à l'idée de confier de nouvelles responsabilités aux associations, tout en souhaitant qu'une grande attention soit portée à leurs modalités d'exercice.

M. Jacques Valade, président , a relevé un certain nombre de facteurs favorables à la pénétration de l'anglais : l'internationalisation de certains groupes qui sont dans l'obligation de recourir à une langue véhiculaire, les congrès scientifiques où un orateur réduit ses chances d'être écouté s'il s'exprime en français, même avec une traduction, les publications scientifiques anglo-saxonnes, mieux à même d'assurer la notoriété des travaux des chercheurs. Tout en étant favorable à un certain durcissement de la position de la France, il a estimé que la recherche d'une solution équilibrée et réaliste était cependant délicate.

M. Serge Lagauche a remarqué que l'anglais n'avait aucun besoin d'un encouragement législatif pour progresser, au contraire du français, qui nécessitait l'intervention du législateur pour être défendu. Cette défense était nécessaire pour rappeler un certain nombre de règles face aux tentations de céder à la facilité pour des considérations économiques.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Legendre, rapporteur , a apporté les précisions suivantes :

- les exemples cités par M. Bernard Fournier sont précis et ne sont, hélas, pas isolés ;

- le problème principal n'est pas aujourd'hui d'extirper de notre langue certains emprunts à des langues étrangères, mais d'éviter que l'emploi de notre langue ne disparaisse de pans entiers d'activité comme la recherche ou les transports ; l'adoption en commission de l'UNESCO du projet de convention sur la diversité culturelle constitue une victoire dans le combat de la France pour la diversité culturelle ; il ne faudrait pas en affaiblir la crédibilité par un manque de conviction dans la défense de l'emploi de notre langue sur notre territoire ;

- le souci de mieux proportionner les contraintes imposées aux entreprises aux objectifs de la loi, l'a conduit à assouplir sensiblement les dispositions proposées initialement par M. Philippe Marini ; la politique ou les pratiques linguistiques des entreprises ne devraient être négligées, ni par les représentants des salariés, ni par l'inspection du travail, car elles sont susceptibles d'avoir des conséquences multiples sur la sécurité dans le travail, ou le déroulement des carrières des cadres ; instaurer un débat sur ces pratiques linguistiques dans l'entreprise n'est dans ces conditions pas choquant ; au demeurant, la présentation de ce rapport ne sera obligatoire que dans les grandes entreprises de plus de 500 salariés ;

- la possibilité pour les agents assermentés des associations de procéder au constat de certaines infractions ne relève pas d'une volonté d'instituer une quelconque « police linguistique », mais uniquement de mieux assurer l'application effective de la loi, l'administration conservant, à travers la procédure d'agrément, un contrôle sur la façon dont ces constats seront diligentés ;

- même si le monde scientifique est en effet largement acquis à la progression de l'anglais, il convient de continuer à insister sur l'intérêt de la traduction ;

M. Jacques Valade, président , s'est interrogé sur l'opportunité de compléter les pouvoirs déjà reconnus aux associations de défense de la langue française et de les étendre aux associations de défense des consommateurs.

M. Jacques Legendre, rapporteur , a estimé que la reconnaissance de la compétence des associations de consommateurs en matière de sanction des infractions à la « loi Toubon » était justifiée, dans la mesure où les prescriptions linguistiques de cette dernière tendaient notamment à garantir le droit des consommateurs à une information compréhensible, ce qui relevait manifestement de leur champ de préoccupations.

M. Serge Lagauche a rappelé les garanties qu'apporte déjà la législation relative à l'étiquetage en matière d'information du consommateur.

M. Jean-Claude Carle a indiqué que, s'il souscrivait à l'économie générale de la proposition de loi, cette disposition lui inspirait, en revanche, de fortes réticences. Il a souhaité que la législation actuelle soit maintenue.

M. Ivan Renar a exprimé son accord avec l'objectif de cette disposition, qui est d'améliorer le respect effectif de la loi, mais s'est demandé si celui-ci ne pourrait être également obtenu en stimulant, par l'envoi d'une circulaire, les moyens actuels de contrôles.

M. Jacques Legendre, rapporteur , a rappelé les insuffisances du contrôle actuel, et souligné tout l'intérêt que présentait le renfort que les associations sont prêtes à apporter.

M. Louis Duvernois a estimé que la mesure devrait faire l'objet d'une bonne explication pour n'être pas perçue comme une forme de « police de la langue ».

Tout en jugeant normal de reconnaître certains moyens d'intervention aux membres des associations, M. Jean-François Voguet n'a pas souhaité leur attribuer des pouvoirs de police.

M. Jean-Claude Carle a redouté que le dispositif proposé ne se retourne contre les objectifs poursuivis par la loi.

M. Jacques Valade, président , a souhaité qu'une position moyenne soit trouvée, prenant notamment en compte l'intérêt que les associations de consommateurs portent aux dispositions de la « loi Toubon ». Il a proposé d'étendre à ces dernières les compétences actuellement reconnues par l'article 2-14 du code de procédure pénale aux associations de défense de la langue française, de façon à leur permettre d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application des articles 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

La commission a ensuite adopté les conclusions du rapporteur ainsi modifiées sur cette proposition de loi.

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