ARTICLE 20 bis (nouveau) - Relèvement du plafond de ressources ouvrant droit au prêt à taux zéro

Commentaire : le présent article a pour objet d'étendre le bénéfice des prêts à taux zéro à un nombre accru de ménages par le relèvement des plafonds de ressources dans les zones où la hausse des prix de l'immobilier est la plus forte.

I. L'ÉLARGISSEMENT PROGRESSIF DE L'ACCÈS AU PRÊT À TAUX ZÉRO

Depuis 1995, le prêt à taux zéro (PTZ), dont la mission initiale consistait à relancer la construction de logements neufs dans un marché déprimé, est le principal instrument de la politique d'accession sociale à la propriété.

Accessible aux ménages dont les revenus sont inférieurs à des plafonds de ressources qui dépendent de la taille de la famille et de la zone géographique d'acquisition, il a été créé par le décret n° 95-1064 du 29 septembre 1995 ainsi que par deux arrêtés du 2 octobre 1995. Cette aide, sous forme d'avance remboursable sans intérêt, s'applique depuis le 1 er octobre 1995 et s'est substituée aux prêts aidés à l'accession à la propriété (PAP) et à des avantages fiscaux attachés à l'accession à la propriété (exonération de longue durée de la taxe foncière sur les propriétés bâties, réduction d'impôt sur intérêts d'emprunt).

Néanmoins, ce dispositif a vu son efficacité s'éroder au fil des années. Les ménages disposant de ressources modestes qui souhaitaient réaliser une première acquisition en centre-ville, où l'offre de logements neufs est limitée, n'avaient quasiment plus recours à cette aide.

Le dispositif du prêt à taux zéro a fait l'objet, en conséquence, d'une réforme importante en 2005, l'objectif étant de rendre le dispositif «  plus social », «  plus familial » et de l'étendre à l'habitat ancien.

A. UN PRÊT OUVERT À L'ANCIEN

La loi de finances pour 2005 a étendu le prêt à taux zéro à l'acquisition de logements anciens sans conditions de travaux alors que l'ancien prêt à 0 % ne pouvait être attribué pour l'acquisition d'un logement existant qu'à la condition que des travaux représentant plus de 50 % du prix de ce logement y soient réalisés.

Afin d'éviter que cette extension à l'ancien n'encourage l'acquisition de logements dégradés, des normes de surface et d'habitabilité ont été imposées.

Les opérations désormais éligibles au prêt à taux zéro sont :

- les opérations de construction ou d'acquisition d'un logement neuf ;

- les opérations d'acquisition d'un logement existant avec ou sans travaux d'amélioration ;

- les opérations de location-accession pour chacun des types d'opérations précédents.

En outre, les montants maxima du prêt à taux zéro ont été augmentés de 12 % en moyenne, la progression des montants de prêt avec la taille du ménage a été améliorée, et les plafonds d'éligibilité on été relevés de 3 % en moyenne en faveur des familles.

Le tableau suivant montre l'évolution, entre l'ancien et le nouveau dispositif, des montants maxima de prêts à taux zéro pour l'acquisition d'un logement neuf.

(en euros)

Ancien prêt à taux zéro

Nouveau prêt à taux zéro

Nombre de personnes destinées à occuper le logement

Ile-de-France

Autres régions

Zone A (140 ( * ))

Zones B et C

1 personne

15 250

10 700

16 000

11 000

2 personnes

21 350

15 250

22 500

16 500

3 personnes

22 900

16 800

25 000

19 000

4 personnes

24 400

18 300

27 500

21 500

5 personnes

25 900

19 800

30 000

24 000

6 personnes et plus

27 450

21 350

32 500

26 500

Le tableau suivant indique les montants maxima de prêts à taux zéro désormais applicables pour l'acquisition d'un logement ancien.

(en euros)

Nouveau prêt à taux zéro

Taille de ménage

Zone A

Zone B

Zone C

1 personne

14 400

8 800

8 250

2 personnes

20 250

13 200

12 375

3 personnes

22 500

15 200

14 250

4 personnes

24 750

17 200

16 125

5 personnes

27 000

19 200

18 000

6 personnes et plus

29 250

21 200

19 875

Enfin, des conditions de remboursement plus avantageuses, se traduisant par une augmentation de 6 mois à 1 an de la durée du prêt, ont été instaurées pour les ménages disposant des ressources les plus modestes.

L'ouverture du prêt à taux zéro à l'acquisition de logements anciens et l'amélioration des barèmes ont permis de porter le nombre de ménages aidés par l'Etat à accéder à la propriété de moins de 100.000 à plus de 200.000 par an .

B. UN DISPOSITIF À VOCATION SOCIALE

Le nouveau prêt à taux zéro est destiné, comme le précédent dispositif, aux personnes physiques qui n'ont pas été propriétaires de leur résidence principale au cours des deux années précédant l'offre de prêt. Les ressources de ces personnes doivent être inférieures à des plafonds qui ont été relevés à l'occasion de cette réforme.

Les ressources sont examinées sur la base de la somme des revenus fiscaux de référence des personnes destinées à occuper le logement, en distinguant deux périodes selon la date d'émission de l'offre :

- du 1 er janvier au 31 mars : ressources de l'avant-dernière année précédant celle de l'offre de prêt ; cette période est portée à trois mois au lieu de deux dans le dispositif antérieur ;

- du 1 er avril au 31 décembre : ressources de l'année précédant celle de l'offre de prêt.

Ces modalités, qui étaient déjà en vigueur dans le cadre de l'ancien dispositif, ont été définies de façon telle que le prêt à taux zéro soit attribué sur la base de ressources qui reflètent le plus fidèlement possible les moyens financiers dont disposent les ménages pour accéder à la propriété.

Les nouveaux plafonds de ressources varient en fonction du nombre de personnes composant le ménage accédant à la propriété et de la zone d'implantation du logement ; ils ont été relevés de 3 % en moyenne pour les familles.

(en euros)

Nombre de personnes destinées à occuper le logement

Zone A

Zones B ou C

1personne

22 110

18 950

2personnes

28 420

25 270

3 personnes

32 390

29 230

4personnes

35 540

32 390

5 personnes et plus

38 690

35 540

Enfin, les modalités de remboursement du prêt à 0 % dépendent du revenu fiscal de référence du ménage. Cette modulation des conditions de remboursement de l'aide publique permet d'ajuster la mensualité à la charge des ménages en fonction de leurs moyens financiers.

C. UNE DÉPENSE FISCALE EN PROGRESSION

La loi de finances pour 2005 a instauré également un nouveau mode de financement du prêt à taux zéro qui rend possibles ces améliorations. Auparavant, le coût de l'absence d'intérêts perçus par les établissements de crédit distributeurs du prêt à taux zéro était compensé par l'Etat au moyen de subventions budgétaires. Désormais, le coût de l'absence d'intérêts sur le nouveau prêt à taux zéro est compensé aux établissements de crédit distributeurs par un crédit d'impôt sur les sociétés .

Les établissements de crédit conventionnés bénéficient d'un crédit d'impôt au titre des avances remboursables sans intérêt versées au cours d'une année. Le montant du crédit d'impôt est égal à la somme actualisée des écarts entre les mensualités dues au titre de l'avance remboursable sans intérêt et les mensualités d'un prêt consenti à des conditions normales de taux à la date d'émission de l'offre de prêt à 0 %.

Ces nouvelles dispositions sont applicables aux avances remboursables émises entre le 1 er février 2005 et le 31 décembre 2009. Le décret n°2005-70 du 31 janvier 2005 prévoit la mise en extinction du dispositif antérieur du prêt à taux zéro, à compter du 1 er février 2005.

Du fait de l'élargissement de l'accès au prêt, le coût du dispositif, de l'ordre de 550 millions d'euros en 2004, devrait atteindre à terme 1,4 milliard d'euros par an.

Cette augmentation très forte a été simplement «  masquée » en 2005 par le passage au système de crédit d'impôt qui a reporté d'une année la charge de cette aide.

Coût du prêt à taux zéro

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

780

525

265

515

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été inséré dans le projet de loi de finances pour 2006, par l'adoption d'un amendement du gouvernement. Il vise à étendre le bénéfice du prêt à taux zéro aux ménages gagnant jusqu'à 7.000 euros par mois dans les grandes agglomérations.

Annoncée par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement au congrès des HLM le 22 septembre 2005 comme une des dispositions phares du pacte national pour le logement , cette mesure avait été confirmée en conseil des ministres le 5 octobre dernier.

Le développement de l'offre de logements

(communication du gouvernement en date du 5 octobre 2005)

La France connaît une crise du logement qui frappe plus particulièrement les ménages à revenus modestes ou moyens et qui concerne de nombreuses régions et la plupart des grandes agglomérations. Cette crise est principalement due à un niveau de construction très insuffisant au cours de la décennie passée, qui nécessite aujourd'hui de relancer de façon massive et durable la construction de logements.

Face à cette crise, le Gouvernement a déjà adopté en juin 2004 le Plan de cohésion sociale, afin de développer l'offre de logements locatifs accessibles dans le parc public et dans le parc privé ainsi que l'accession sociale à la propriété. Ces actions sont venues s'ajouter au mécanisme d'aide à l'investissement locatif privé « Robien « , créé en 2003 et qui a contribué à la relance du niveau de construction, qui devrait atteindre 400 000 logements mis en chantier cette année. Enfin, le Gouvernement a lancé dès 2003 un ambitieux programme de rénovation urbaine pour redonner un meilleur cadre de vie aux habitants des quartiers dégradés.

Le Gouvernement a décidé de donner une nouvelle impulsion à sa politique en faveur du logement. L'objectif est, d'une part, de conforter les actions déjà entreprises en mobilisant plus efficacement la ressource foncière et, d'autre part, d'intervenir de façon plus globale sur toute la chaîne du logement.

Il a ainsi décidé d'engager un plan national comprenant les principales mesures suivantes :

La mobilisation du foncier : l'Etat montrera l'exemple en mobilisant ses propres terrains pour permettre la mise en chantier de 20 000 logements en 3 ans ; parallèlement, les collectivités locales seront encouragées à développer des politiques et des outils fonciers beaucoup plus ambitieux en faveur du logement ; en outre, des mesures fiscales seront proposées afin de favoriser la construction et lutter contre la rétention foncière ; enfin, le Gouvernement souhaite engager une réflexion, en concertation avec les élus locaux, sur une meilleure prise en compte de l'effort de construction dans les ressources des communes.

Le développement de l'offre de logement locatif social : il est prévu une nette amélioration des conditions des prêts de la Caisse des dépôts et consignations, la création de prêts dédiés à l'acquisition de terrains et enfin l'accélération du versement des subventions de l'Etat aux organismes de logement social.

La relance du « logement intermédiaire » dans les grandes agglomérations qui souffrent d'une pénurie d'offre : une diminution importante du taux des prêts a été décidée pour le locatif intermédiaire ; par ailleurs, un nouveau dispositif fiscal favorisant l'investissement locatif pour les titulaires de revenus modestes ou intermédiaires va être étudié ; enfin, il est envisagé de mieux cibler le dispositif d'encouragement fiscal actuel sur les zones à marché tendu.

Le développement de l'accession à la propriété : il est proposé d'ouvrir le prêt à taux zéro à davantage de ménages bénéficiaires , d'appliquer un taux de TVA à 5,5 % pour l'accession sociale dans les quartiers en rénovation urbaine et de relancer la location-accession ; enfin, il est prévu de développer la « maison à 100 000 € » pour laquelle une charte sera prochainement signée avec les élus locaux et les professionnels.

Enfin, les drames humains survenus cet été conduisent à engager dans les meilleurs délais un plan spécifique d'accroissement de l'offre d'hébergement pour les plus démunis, comprenant 5000 logements d'urgence et d'insertion ainsi que 5000 places en résidence hôtelière à vocation sociale.

L'ensemble de ces mesures, avec d'autres mesures concernant l'accès au logement, la modernisation des opérateurs, l'amélioration de la qualité du parc et la lutte contre l'habitat indigne, forme un plan d'actions cohérent dont les éléments législatifs seront présentées au Parlement en novembre 2005 lors de la discussion du « projet de loi portant engagement national pour le logement ».

Par son ampleur, ce plan devra mobiliser l'ensemble des acteurs nationaux et locaux intervenant dans le champ du logement : opérateurs, financeurs, collectivités... De son côté, l'Etat mobilisera tous les ministères concernés. Pour une meilleure coordination, ont été créés un comité interministériel présidé par le Premier ministre ainsi qu'un délégué interministériel placé auprès du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Par ce nouveau plan d'ensemble en faveur du logement, l'Etat poursuit et amplifie son action dans ce domaine prioritaire et répond ainsi à l'une des toutes premières attentes des Français.

Le paragraphe I du présent article modifie l'article 244 quater J du code général des impôts pour augmenter de 38.690 euros à 62.500 euros le plafond de ressources maximum du foyer fiscal ouvrant droit au PTZ. Ce montant sera celui applicable dans la zone A, où le marché est le plus tendu.

Il autorise aussi, en cas d'opérations de restructuration des établissements accordant des PTZ, le transfert de la créance de crédit d'impôt au titre des avances remboursables ne portant pas intérêt. Cette modification répond au souci de ne pas disjoindre le prêt à taux zéro de la créance de crédit d'impôt qui lui est attachée.

Le paragraphe II suivant tend à sécuriser et encadrer le nouveau dispositif, en reconduisant les sanctions prévues dans le cadre de l'ancien dispositif du prêt à taux zéro, régi par les dispositions des articles R. 317-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, applicables en cas de non respect de l'obligation de déclaration par les établissements de crédit des avances remboursables ne portant pas intérêt consenties à des personnes physiques. Il modifie en ce sens une référence de l'article 1649 A bis du code général des impôts.

Le paragraphe III du présent article précise, enfin, que le nouveau dispositif est applicable à compter du 1 er janvier 2006.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Alors qu'en 2004, selon les données du recensement de l'INSEE, 57 % des ménages français étaient propriétaires de leur résidence principale, soit un pourcentage inférieur à celui constaté chez la plupart de nos voisins européens, votre rapporteur général approuve l'objectif recherché par le présent article qui vise à permettre aux ménages intermédiaires d'accéder plus facilement à la propriété .

Le prêt à taux zéro constitue, à cet égard, un des mécanismes les plus efficaces dans la mesure où il peut se combiner avec d'autres aides : ainsi près de 36 % des accédants bénéficiant d'un prêt à taux zéro ont aussi contracté un prêt conventionné et 30 % un prêt à l'accession sociale.

Le succès de ce prêt ne s'est pas démenti depuis sa création et s'est encore renforcé avec l'ouverture aux acquisitions dans l'ancien. Entre début 1998 et début 2002, 334 000 ménages ont bénéficié d'un prêt à taux zéro (soit 18 % des accédants récents).

Ces mesures, associées à la baisse des taux d'intérêt, ont sans nul doute permis à un certain nombre de ménages modestes de rester solvables et d'alimenter ainsi la demande malgré la forte progression des prix.

Toutefois, la nouvelle extension des bénéficiaires de ce prêt, proposée par le présent article, n'est pas sans susciter certaines interrogations :

- en premier lieu sur la nécessité de modifier un dispositif moins d'un an après une réforme majeure , avant d'avoir pu en établir un bilan économique et social complet ;

- ensuite sur l'opportunité du doublement du plafond de revenus et ses conséquences sur le maintien du caractère social de ce prêt qui constituait pourtant une priorité en 2005 ;

- enfin, quant aux effets sur les prix de cette extension dans un contexte marqué par une forte tension du marché immobilier . A cet égard, votre rapporteur général a déjà exprimé la crainte que le bénéfice de l'extension du prêt à taux zéro soit immédiatement capté par une nouvelle hausse des prix immobiliers 141 ( * ) .

De manière plus générale, les dépenses fiscales représentent une part déjà très importante de l'effort de l'Etat en faveur du logement. La mesure d'augmentation ciblée des plafonds de ressources ouvrant droit au prêt à taux zéro, proposée par cet article, a un coût relativement limité, estimé à 16,5 millions d'euros selon les informations fournies à votre rapporteur général. Mais elle s'inscrit dans un mouvement général d'augmentation forte des dépenses fiscales dans le domaine du logement passées de 8,8 milliards d'euros en 2004 à un montant évalué à plus de 9,5 milliards d'euros en 2006 .

Encore cette évaluation ne tient-elle pas compte des annonces faites par le gouvernement ces derniers mois au titre desquelles on retiendra plus particulièrement d'un dispositif «  Borloo social » pour l'investissement locatif visant à inciter à l'achat de logements destinés à être loués à des loyers plafonnés, pendant une durée déterminée en contrepartie d'une déduction forfaitaire et d'un régime d'amortissement privilégié pour le propriétaire.

Pour engager le débat avec le gouvernement sur ces thèmes, votre rapporteur général vous propose, à ce stade, un amendement de suppression de cet article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

* 140 Le zonage est celui du dispositif d'investissement locatif «  Robien » (Zones A, B, et C), se substituant au découpage précédent (Ile-de-France/Province).

Les trois zones sont les suivantes :
Zone A : communes de l'agglomération parisienne, de la côte d'Azur et du Genevois français.
Zone B : communes des agglomérations de plus de 50.000 habitants et de agglomérations situées aux franges de l'agglomération parisienne et en zones littorales et frontalières.

Zone C : le reste du territoire national à l'exclusion des départements et territoires d'outre-mer.

La liste des communes concernées est fixée par arrêté.

* 141 Les perspectives d'évolution du marché immobilier et son contexte macroéconomique. Rapport d'information n° 6 (2005-2006) de M. Philippe Marini au nom de la commission des finances.

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