EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le jeudi 17 novembre 2005 sous la présidence de M. Jean Arthuis, la commission a procédé à l'examen du rapport spécial de MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Ville et logement » et l'article 93 rattaché.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , a tout d'abord rappelé les circonstances bien particulières, liées aux dernières violences urbaines, dans lesquelles les deux rapporteurs spéciaux étaient amenés à présenter la mission « Ville et logement ».

Il a ajouté que les mesures annoncées le 8 novembre 2005 devant l'Assemblée nationale par le Premier ministre auraient évidemment des répercussions budgétaires, qui seraient précisées prochainement. Il a indiqué que ces mesures comprenaient la création de 15 zones franches urbaines supplémentaires, l'attribution de 25 % de moyens supplémentaires à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) sur une période de deux ans, le doublement du nombre des équipes de réussite éducative, l'attribution de 100 millions d'euros supplémentaires pour les associations en 2006 et la réunion, d'ici à la fin de l'année, d'un comité interministériel des villes sur l'avenir des contrats de ville qui arrivent à échéance.

Il a ensuite présenté l'économie générale de la mission ministérielle « Ville et logement », indiquant qu'elle était une des trois missions dépendant du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement avec la mission « Travail et emploi » et la mission « Solidarité et intégration ».

Il a souligné qu'au sein de ces trois missions, la mission « Ville et logement », qui ne concerne que 3.000 emplois, était au deuxième rang en termes budgétaires, mais au premier rang en ce qui concernait les dépenses fiscales avec près de 10 milliards d'euros de dépenses fiscales en forte augmentation par rapport à 2005 (+ 9 %), soit 138 % des crédits budgétaires de la mission.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , a précisé que les crédits budgétaires de la mission s'élevaient à 7,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement soit, environ, 2,1 % du total des crédits des missions du budget général.

Il a observé que la faible diminution des crédits de la mission « Ville et logement » provenait pour plus de la moitié, de la modification du système d'aide à l'accession sociale à la propriété qui était intervenue en 2005 et qui avait fiscalisé le financement du prêt à taux zéro.

Il a noté également que la mission « Ville et logement » regroupait quatre programmes très inégalement dotés, dont deux portaient sur la politique de la ville, pour 12 % du total des crédits de la mission, et deux sur la politique du logement.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , a insisté ensuite sur le caractère partenarial et interministériel de la politique en faveur de la ville. Il a souligné en particulier que la loi de programmation du 18 janvier 2005 pour la cohésion sociale avait introduit une modification majeure dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine (DSU) en doublant en 5 ans le volume de la dotation à répartir entre les communes (soit une augmentation de 120 millions d'euros sur la seule année 2006) et en privilégiant, pour sa répartition, les villes qui devaient assumer des charges socio-urbaines lourdes du fait de la présence sur leur territoire de populations en difficulté. Il a déclaré que, selon l'état récapitulatif de l'effort financier consacré à la politique de la ville (« jaune » budgétaire), la politique de la ville bénéficierait au total, en 2006, d'un effort financier de 7.213 millions, en augmentation de 13,1 % par rapport à 2005.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , a ensuite brièvement présenté les deux programmes « Rénovation urbaine » et « Equité sociale et territoriale et soutien » en soulignant les éléments permettant d'apprécier l'application des deux lois de programmation : la loi pour la ville et la rénovation urbaine du 1 er août 2003 et la loi du 18 janvier 2005 pour la cohésion sociale.

S'agissant du programme « Rénovation urbaine » qui retrace pour l'essentiel les interventions de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), il a fait part de ses interrogations quant à une augmentation du nombre des projets, qui faisait naître des espoirs chez les habitants des quartiers, mais dont le financement devait avant tout être garanti. Il a indiqué que, selon les dernières informations disponibles, l'ANRU avait validé 15,8 milliards d'euros de travaux sur les 5 années à venir, dont 5 milliards d'euros seront financés par l'agence et que 139 projets correspondant à 251 quartiers étaient retenus. Il s'est félicité du respect des engagements financiers du programme national de rénovation urbaine, en souhaitant que le principe de réaliser une reconstruction pour chaque démolition de logement ne se traduise pas par une densification de l'habitat dans certains quartiers.

Sur le deuxième programme « Equité sociale et territoriale et soutien », M. Philippe Dallier, rapporteur spécial , a souligné que les différentes opérations, « ateliers santé ville », « adultes-relais », « réussite éducative » et « programme ville, vie, vacances » avaient fait l'objet de diminutions de crédits, mais que cette évolution était plus que compensée par l'augmentation de la DSU.

Prenant l'exemple du département de Seine-Saint-Denis, il a indiqué qu'il avait enregistré, en 2005, une baisse de 2,5 millions d'euros de ses crédits déconcentrés, mais une augmentation de 10 millions d'euros de sa DSU.

S'agissant des nouvelles subventions qui seront destinées aux associations en application de la décision prise par le Premier ministre, M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a indiqué que les maires seront étroitement associés à leur attribution.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, a, en préalable, regretté le manque de vision globale du problème du logement trop souvent abordé de manière parcellaire, en privilégiant le seul logement social et en oubliant le logement intermédiaire et le logement privé.

Il a également souligné l'explosion des prix de l'immobilier, qui a rendu inabordable le logement privé pour les ménages à revenus moyens.

Il s'est interrogé sur la contradiction entre les déclarations attribuant une priorité forte au logement et les mesures récentes dont la lisibilité n'est pas certaine. Il a cité, à cet égard, l'extension du prêt à taux zéro et la suppression du Fonds de garantie pour l'accession sociale (FGAS).

Il a estimé, par ailleurs, que nombre d'éléments positifs devaient être mis en valeur, comme la progression exceptionnelle du nombre des logements mis en chantier en 2005.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial , a ensuite présenté les deux programmes concernant plus particulièrement le logement : le programme 109 « Aide à l'accès au logement » doté de 5,11 milliards d'euros soit 71,1 % des crédits de paiement de la mission et le programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement », doté de 1,23 milliard d'euros soit 17,1 % des crédits de paiement de la mission. Il a noté que ce dernier programme avait été choisi pour regrouper toutes les actions de soutien de l'ensemble de la mission et centralisait, à ce titre, les crédits de personnel du titre 2.

Il a souligné que le programme « Aide à l'accès au logement » était le programme des aides personnelles au logement et qu'il comprenait deux actions, sans commune mesure en termes budgétaires, concernant d'une part les aides personnelles, qui utilisaient 99,9 % des crédits du programme avec plus de 5 milliards d'euros de dépenses et, d'autre part, les subventions aux associations spécialisées dans le domaine du logement : l'Agence nationale et les associations départementales pour l'information sur le logement (ANIL et ADIL).

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial , a précisé que 18 dépenses fiscales étaient rattachées au programme, pour un montant évalué à 1,5 milliard d'euros en 2006, représentant 30 % des dépenses budgétaires directes.

Il a indiqué que l'augmentation sensible de l'évaluation des mesures fiscales en 2006 par rapport à 2005 (+ 58,7 %) résultait, pour sa quasi-totalité, de l'intégration du nouveau dispositif du prêt à taux zéro, dont le financement n'est plus assuré par une subvention versée sur crédits budgétaires, mais grâce à un crédit d'impôt sur les sociétés accordé aux établissements prêteurs. Il s'est interrogé sur le sens du rattachement au programme relatif aux aides personnelles du dispositif du prêt à taux zéro qui est présenté comme un élément déterminant du programme suivant relatif à l'aide à la pierre. Il a noté qu'en outre, 8 mesures fiscales figuraient simultanément dans les deux programmes concernant la politique du logement.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial , a ensuite indiqué que les crédits de l'action « Aides personnelles » correspondaient, pour leur totalité, soit 5.107 millions d'euros, à la contribution de l'Etat au fonds national d'aide au logement (FNAL) qui assure le financement de l'aide personnalisée au logement (APL), de la prime de déménagement et de l'allocation de logement sociale (ALS). Il a ajouté que cette dotation, en légère diminution de 1,4 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances pour 2005, était justifiée par les paramètres retenus pour déterminer l'évolution tendancielle des prestations : une poursuite plus modérée en 2006 de la hausse des loyers, une diminution du chômage et la prise en compte des mesures décidées en 2005, en particulier la revalorisation de 1,8 % des loyers plafonds.

Concernant les objectifs et les indicateurs, il a regretté l'absence d'indicateur mesurant les taux d'effort en accession à la propriété. Il a ajouté que, de manière générale, les indicateurs n'étaient pas à la hauteur des enjeux du programme et des moyens budgétaires mis en oeuvre.

Il s'est interrogé sur l'efficacité, dans un contexte de flambée des loyers, du système des aides personnelles, alors que les chiffres des enquêtes logement de l'INSEE font apparaître que le taux d'effort brut moyen des locataires était passé de 15 % à 20 % entre 1988 et 2002, en augmentation de 4,4 % en HLM et 5,3 % dans le secteur privé.

S'agissant du programme « Développement et amélioration de l'offre de logement », M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial , a rappelé qu'il regroupait les interventions de l'Etat pour la construction de nouveaux logements et l'amélioration du parc existant, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les aides à la pierre.

Il a précisé qu'il représentait 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement et que ces crédits étaient respectivement en augmentation de 6,4 % et en diminution de 9,5 %.

Il a également noté qu'à ce programme étaient rattachées, à titre principal ou complémentaire, pas moins de 31 dépenses fiscales, pour un montant évalué à 9,2 milliards d'euros en 2006, à rapporter au 1,2 milliard de crédits budgétaires, le montant des mesures fiscales strictement rattachées à la mission étant ainsi plus de 6,5 fois supérieur au montant de ses crédits budgétaires.

Il a noté aussi que, du fait de la baisse des taux d'intérêt qui s'était répercutée sur le coût de l'épargne logement, les dépenses fiscales concourrant au programme avaient connu une quasi stabilité entre 2004 et 2005 et que les estimations pour 2006 prévoyaient une augmentation de 3,6 %, due essentiellement au coût du « dispositif Robien ». Il a souligné, enfin, que les mêmes critiques sur les choix de répartition des dépenses fiscales s'appliquaient au présent programme, comme au programme précédent.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial , a ensuite présenté les cinq actions du programme.

Il a indiqué que les crédits de l'action « Construction locative et amélioration du parc » correspondaient aux subventions en faveur du parc locatif social (PLUS, PLAI, PALULOS), à la subvention, en crédits de fonctionnement et d'investissement, au profit de l'ANAH pour un montant total de 390 millions d'euros et, résiduellement, à des subventions pour l'accueil des gens du voyage. Il a noté que cette action bénéficiait d'une augmentation des moyens, qui progressaient de 6,8 % en crédits de paiement.

Concernant l'action « Soutien à l'accession à la propriété », il a fait remarquer que les crédits étaient en forte diminution, car ils correspondaient à deux chapitres en « déshérence » : la participation de l'Etat au système actuel de garantie de l'accession sociale à la propriété que l'article 21 du présent projet de loi de finances pour 2006 proposait de supprimer et le financement résiduel des prêts à taux zéro attribués en vertu du dispositif antérieur au 1er février 2005. Il a ajouté que cette situation illustrait la prédominance de l'outil fiscal comme instrument de soutien à l'accession sociale à la propriété.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial , a ensuite indiqué que les crédits de l'action « Lutte contre l'habitat indigne » représentaient 18 millions d'euros, en légère diminution par rapport aux crédits inscrits en 2005. Il a souligné que cette évolution devait être rapprochée de la montée en charge des dispositifs, en particulier dans le cadre de la lutte contre le saturnisme, qui avaient pour conséquence une sous-consommation des dotations.

S'agissant des indicateurs, il a constaté qu'ils avaient été améliorés par rapport à ceux qui figuraient dans l'avant-projet de programme, mais qu'ils conduisaient aussi à s'interroger sur la latitude dont disposait le responsable de programme en matière d'accession sociale à la propriété.

Il a par ailleurs noté, à cet égard, que selon le descriptif analytique fourni sur la ventilation des effectifs affectés à la politique du logement, 1 % seulement de ces effectifs se consacrait au soutien à l'accession à la propriété, contre 56 % à la construction locative et l'amélioration du parc.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial , a alors ajouté que les moyens budgétaires dévolus au logement social par le programme étaient complétés par les nouvelles dispositions financières et juridiques contenues dans le plan d'engagement national pour le logement et que ce plan, qui comportait des mesures de nature législative et réglementaire, prévoyait notamment : l'amélioration des conditions d'emprunt des organismes HLM et la mise à disposition de terrains pour la construction de logements sociaux ; l'application d'un taux de TVA réduit pour les opérations d'accession sociale à la propriété réalisées dans le cadre d'un projet de rénovation urbaine ; enfin, la simplification des procédures de lutte contre l'habitat indigne.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial , a présenté, en conclusion, quatre observations. Il a fait observer, tout d'abord, le fort enjeu de cette mission « Ville et logement » qui doit répondre aux priorités dégagées par le gouvernement à l'occasion du plan de cohésion sociale et du plan d'engagement national pour le logement. Il a considéré que l'effort consenti par le gouvernement était à la hauteur de cet enjeu.

Il a souligné également que la mission « Ville et logement » était doublement caractérisée par la masse des aides personnelles qui limitait les marges de manoeuvre et par le poids relatif très important de la fiscalité, devenue le levier principal de l'action gouvernementale.

Il a regretté que, de manière générale, dans le domaine du logement, l'efficacité des politiques conduites soit contrariée par la diversité des actions et il a souhaité un recentrage des politiques sur un nombre limité d'objectifs, ainsi qu'une évaluation systématique du bilan coût-avantage des nouvelles mesures proposées.

Enfin, concernant l'accession à la propriété, M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial , a déploré un manque de visibilité en la matière, dans une conjoncture très difficile et très risquée, compte tenu du coût du foncier et du risque de remontée des taux d'intérêt.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que la mission connaîtrait certainement des évolutions compte tenu des engagements pris par le Premier ministre le 8 novembre 2005. Il a convenu d'une nécessaire stabilisation de la législation, notamment fiscale, dans le domaine du logement et s'est interrogé, à cet égard, sur les dispositions du projet de loi portant engagement national pour le logement, qui allait être très prochainement examiné par le Sénat.

M. Yves Fréville a approuvé les observations des rapporteurs spéciaux sur l'évolution de la DSU et l'accession à la propriété.

Il a regretté que les interventions de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ne permettent pas toujours de disposer de statistiques fines sur les problèmes urbains. Il a souhaité obtenir des statistiques sur la répartition locale des attributions d'allocations logement.

A l'issue de ces interventions, à l'invitation de MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi, rapporteurs spéciaux, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission «  Ville et logement » pour 2006 et de l'article 93 rattaché.

Réunie le jeudi 24 novembre 2005 sous la présidence de M. Jean Arthuis, la commission a confirmé son vote favorable à l'adoption des crédits de la mission « Ville et logement » tels qu'amendés à l'Assemblée nationale, ainsi que de l'article 93 rattaché.

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