B. LES OBSTACLES À L'ÉVOLUTION DE NOTRE DROIT SONT DÉSORMAIS LEVÉS

1. Le conflit des semences fermières a gêné l'adaptation du droit français

La pratique des semences de ferme, ancienne et fort répandue, a longtemps été tolérée de fait bien que non autorisée par le droit français. Plutôt que de s'imposer par la contrainte juridique, les obtenteurs avaient plutôt basé leur stratégie sur l'amélioration de l'attractivité de leurs produits (développement des semences certifiées par l'Etat, dynamisation des catalogues), avec pour résultat un triplement du taux d'utilisation de semences certifiées en France (de 20 % à 60 %) entre la fin des années 1950 et les années 1980.

Toutefois, la tendance s'est inversée au début des années 1980 17 ( * ) sous l'effet de plusieurs facteurs, dont la recherche d'économies par les exploitants de grandes cultures du fait des premières limitations apportées aux aides agricoles européennes. Les semences de ferme sans redevance venaient ainsi concurrencer dans de plus grandes proportions les semences achetées aux obtenteurs.

Aussi ces derniers envisagèrent-ils de faire valoir leurs droits sur les semences de ferme, par la voie de la négociation. Mais les premières tentatives, en 1982, se traduisirent par un échec, dans la mesure, notamment, où les semences de ferme apparaissaient, aux yeux des agriculteurs, comme une pratique habituelle et légitime dont une majorité ignorait de bonne foi qu'elle était interdite. Eurent alors lieu les premiers procès mettant en cause et condamnant des agriculteurs, dont le plus connu est celui qui s'est déroulé devant la Cour d'appel de Nancy 18 ( * ) .

Face à ces tensions, les pouvoirs publics ont recherché un nouvel équilibre moins défavorable aux agriculteurs que l'interdiction absolue. Inversement, les Etats autorisant les semences de ferme (comme le Royaume-Uni) exprimaient leur souci d'un rééquilibrage du dispositif dans l'autre sens (plus favorable aux obtenteurs). Aussi la France prit-elle l'initiative de la révision de 1991, premier encadrement de la pratique des semences de ferme dans le cadre de l'UPOV.

Toutefois, la réussite de cette négociation internationale ne signifiait pas ipso facto la résolution du conflit entre agriculteurs et obtenteurs français. C'est même l'absence d'une telle résolution qui a gêné l'adoption par la France du projet de loi de ratification de la convention de 1991, qui avait pourtant été déposé au Parlement en 1996 19 ( * ) .

En fait, ce n'est que cinq ans plus tard que les perspectives sont devenues plus favorables.

* 17 En 1983, la part des semences donnant lieu à paiement de redevances ne s'établissait plus qu'à 55 %.

* 18 CA Nancy, 13 septembre 1988, arrêt n° 1607/88.

* 19 Projet de loi n° 144 (1996-1997) déposé au Sénat le 11 décembre 1996.

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