CHAPITRE VI - DE L'ADMINISTRATION DE LA SUCCESSION PAR UN MANDATAIRE

Le projet de loi, poursuivant son objectif de simplification et de raccourcissement de la durée des règlements successoraux, insère dans le titre Ier du livre III du code civil un nouveau chapitre VI relatif à l'administration de la succession par un tiers mandaté à cet effet comprenant trois sections, respectivement consacrées :

- au nouveau mandat à effet posthume , le futur de cujus choisissant de son vivant un mandataire chargé de gérer la succession pour le compte de tout ou partie de ses héritiers (art. 812 à 812-8) ;

- au mandat conventionnel , qui permet aux héritiers de désigner un tiers ou l'un d'eux après l'ouverture de la succession, conformément au droit en vigueur (art. 813) ;

- au mandat successoral désigné en justice , qui permet de faire nommer un tiers en justice en présence de successions difficiles (art. 813-1 à 814-1).

Ces différentes dispositions, conjuguées avec celles réformant la gestion de l'indivision, devraient permettre une meilleure administration des indivisions successorales et éviter la perte de valeur des biens successoraux.

Dispositions du projet de loi relatives aux mandataires
et à l'exécuteur testamentaire

Mandat posthume

Mandat judiciaire

Mandat conventionnel

Exécuteur testamentaire

Mandat

Le futur défunt

Le juge peut désigner un mandataire successoral représentant l'ensemble des héritiers dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés.

Les héritiers d'un commun accord.

NB.- Le mandat conventionnel n'est envisageable qu'en cas d'acceptation pure et simple des héritiers.

NB.- Lorsque l'un des héritiers a accepté la succession à concurrence de l'actif, le mandataire est désigné en justice. Le juge nomme alors une personne qualifiée en qualité de mandataire. Il s'agit d'un mandat successoral soumis aux règles des articles.

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Le testateur.

Mandataire

Une ou plusieurs personnes

Toute personne qualifiée désignée par le juge à la demande :

- d'un héritier ;

- d'un créancier ;

- de toute personne intéressée ;

- du ministère public.

NB.- Le notaire commis pour préparer les opérations de partage peut également être désigné par le juge comme mandataire successoral. Le juge fixe la durée de cette mission.

NB.- En cas d'acceptation à concurrence de l'actif : à la demande de l'héritier, toute personne qualifiée peut être désignée par le juge, à l'effet de le substituer dans la charge d'administrer et liquider.

Toute personne (héritier ou tiers).

- Une ou plusieurs personnes.

- S'il y a plusieurs exécuteurs testamentaires acceptant, l'un d'eux peut agir à défaut des autres sauf dispositions contraires du défunt.

Forme

Le mandat doit être donné et accepté en la forme authentique . Cette acceptation doit intervenir avant le décès du mandant

Il s'agit d'une « représentation judiciaire ». Ce mandat n'a pas une origine conventionnelle.

C'est le juge qui désigne le mandataire.

La décision désignant le mandataire successoral est enregistrée et publiée.

Régie par le droit commun du mandat.

Nomination de l'exécuteur testamentaire dans le testament.

Pouvoirs

Administrer ou gérer tout ou partie de la succession du mandant pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers.

Dispositions générales

Le mandataire :

- administre provisoirement la succession ;

- accomplit des actes

. purement conservatoires

. de surveillance

. d'administration provisoire de la succession.

NB.- Dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, le mandataire successoral représente l'ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et en justice.

NB.- Le mandataire successoral exerce ses pouvoirs alors même qu'il existe un mineur ou un majeur protégé parmi les héritiers.

NB.- Le paiement fait entre les mains du mandataire successoral est valable.

Cas particuliers

- Tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le juge peut autoriser tout autre acte que requiert, dans l'urgence, l'intérêt de la succession. Il peut même d'office autoriser le mandataire successoral à dresser un inventaire dans les formes de l'article 789.

- En cas d'acceptation pure et simple par un ou plusieurs héritiers et par d'autres à concurrence de l'actif, le juge peut également autoriser le mandataire à effectuer :

- l'ensemble des actes d'administration de la succession ;

- et à tout moment les actes de disposition rendus nécessaires pour la bonne administration de la succession, aux prix et stipulations qu'il détermine.

Administrer la succession
du défunt.

Pouvoirs généraux

L'exécuteur doit veiller à l'exécution des volontés du testateur. A cet égard :

- il intervient pour soutenir la validité ou exiger l'exécution des dispositions litigieuses ;

- il prend des mesures conservatoires utiles à la bonne exécution du testament ;

- il peut faire procéder à l'inventaire de la succession en présence ou non des héritiers, après les avoir dûment appelés ;

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- il peut provoquer la vente du mobilier à défaut de liquidités suffisantes pour acquitter les dettes urgentes de la succession.

Pouvoirs accrus : une saisine spéciale

Le testateur peut charger l'exécuteur testamentaire de procéder lui-même à l'exécution de ses dernières volontés.

Il peut habiliter l'exécuteur testamentaire à prendre possession, en tout ou partie du mobilier de la succession et à le vendre s'il est nécessaire pour acquitter les legs particuliers dans la limite de la quotité disponible.

En l'absence d'héritiers réser-vataires acceptant , l'exécuteur testamentaire peut être habilité à :

- disposer en tout ou partie des immeubles de la succession ;

- recevoir et placer les capitaux ;

- payer les dettes et charges ;

- attribuer ou partager les biens substituant entre les héritiers et les légataires.

Conditions

Le mandat doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime, précisément motivé.

Le mandataire est désigné en raison :

- de l'inertie, la carence, la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans l'administration de la succession ;

- de la mésentente des héritiers ;

- d'une opposition d'intérêts entre les héritiers ;

- de la complexité de la situation successorale.

NB.- Les actes accomplis par le mandataire successoral dans le cadre de sa mission et visés à l'article 813-4 sont sans effet sur l'option héréditaire.

Droit commun

( le mandat est régi par les articles 1984 à 2010 du Code civil ).

Aucune condition n'est expressément prévue par le texte.

Durée

Principe : Sa durée ne doit pas excéder deux ans.

Exceptions : il peut être à durée indéterminée lorsqu'il est donné en raison, soit :

- de l'incapacité ;

- de l'âge du ou des héritiers ;

- de la nécessité de gérer des biens professionnels ;

- de la nécessité de posséder des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine.

Fixée par le jugement.

Durée déterminée ou indéterminée.

Mais il ne peut être perpétuel.

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Habilitations spécifiques des articles 1030-1 et 1030-2 (saisine spéciale) : pas plus de 2 ans à compter du décès sauf prorogation par le juge.

NB.- Cette prorogation ne peut ex céder un an.

Rémunération

Le mandat est gratuit sauf stipulation contraire figurant dans le mandat.

La rémunération éventuelle correspond à une part des fruits et revenus perçus par l'héritier et résultant de la gestion et de l'administration du mandataire.

A défaut, elle peut prendre la forme d'un capital.

Possibilité de révision judiciaire en cas d'excès ou d'atteinte à la réserve.

Aucune précision dans le texte.

Le mandat est gratuit, sauf convention contraire.

En principe mission gratuite

Sauf libéralité rémunératoire.

NB.- Les fais supportés par l'exécuteur testamentaire dans l'exercice de sa mission sont à la charge de la succession.

Cessation de mandat

Le mandat prend fin :

- à l'arrivée du terme prévu ;

- à la dissolution judiciaire (disparition de l'intérêt sérieux et légitime, mauvaise exécution et mauvaise gestion) ;

- à la conclusion d'un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandataire titulaire du mandat à effet posthume ;

- à l'aliénation de tous les biens concernés ;

- au décès ou à la mise sous mesure de protection du mandataire ou de l'héritier concerné ;

- à la renonciation du mandataire.

NB.- Un même mandat donné pour le compte de plusieurs héritiers ne cesse pas entièrement pour une cause d'extinction ne concernant que l'un d'eux.

NB.- La renonciation du mandataire est notifiée aux héritiers ou à leurs représentants. Sauf convention contraire, elle ne prend effet qu'à l'issue d'un délai de trois mois à compter de cette notification.

Le mandat cesse :


De plein droit par l'effet :

- d'une convention d'indivision ;

- de la désignation du notaire pour préparer les opérations de partage .


Par décision du juge en cas de manquement caractérisé du mandataire dans l'exercice de sa mission.

Le mandat prend fin :

- par la révocation du mandataire ;

- par la renonciation de celui-ci au mandat ;

- par la mort, la tutelle des majeurs ou la déconfiture du mandant ou du mandataire.

Le mandant peut révoquer sa procuration dans les conditions des actuels articles 2004 à 2006 du code civil.

Sa mission prend fin :

- au plus part deux ans après l'ouverture du testament sauf prorogation du juge ;

- par le décès de l'exécuteur testamentaire ;

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- par décision du tribunal pour motifs graves.

Obligations du mandataire

En fin de mandat, il rend compte aux héritiers concernés ou leurs représentants de l'ensemble des actes accomplis.

En cas de décès, cette obligation incombe à ses héritiers.

Le mandataire a l'obligation de :

- à tout moment, laisser les héritiers qui en font la demande, consulter les documents afférents à l'administration de la succession ;

- chaque année et à la fin de sa mission, remettre au juge et sur demande à chaque héritier un rapport sur l'administration de la succession.

Actuels art. 1991 à 1997 :

Accomplir le mandat et rendre compte de sa gestion.

- Rendre compte de sa mission dans les six mois de son terme.

- Assumer la responsabilité d'un mandataire à titre gratuit.

NB.- S'il accepte la mission, l'exécuteur testamentaire est tenu de l'accomplir.

Hiérarchie des pouvoirs des différents mandataires

Le mandataire posthume agit sous réserve des pouvoirs de l'exécuteur testamentaire.

Son mandat prend fin à la mise sous mesure de protection de l'héritier concerné (et du mandataire).

NB.- Il prend fin également par la conclusion d'un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandat à effet posthume.

Le mandataire agit sous réserve des pouvoirs d'un administrateur de l'indivision désigné en application de l'alinéa 3 de l'article 815-6, ou du mandataire posthume ou encore de l'exécuteur testamentaire.

Voir colonne ci-contre.

Voir colonne ci-contre.

SECTION 1 - Du mandat à effet posthume

Le projet de loi procède à une innovation substantielle en introduisant un mécanisme similaire à la fiducie .

La fiducie, définie comme l'acte par lequel une personne (le constituant ou fiduciant) transfère à une autre (le fiduciaire) la propriété temporaire de certains biens avec pour mission d'en faire un usage convenu et d'agir dans un but déterminé, en vue de la restitution de ces biens au profit d'un bénéficiaire ou du constituant lui-même, permettrait par exemple au futur défunt de désigner un « successeur temporaire », en attendant de savoir quel héritier serait le plus apte à reprendre l'entreprise qu'il possède et dirige, ou jusqu'à ce qu'un héritier ait atteint un niveau d'études souhaité.

Cependant, contrairement au fiduciaire, le mandataire posthume n'aura aucun droit de propriété sur les biens et ne pourra pas accomplir d'acte de disposition .

Le mandat à effet posthume se distingue par ailleurs très nettement du mandat classique. Il prend effet lorsque le mandat classique s'interrompt, au décès du mandant (art. 2003), et est passé par ce dernier pour le compte d'un tiers, sans obligation d'information de ce dernier avant le décès du mandant.

Sa portée est considérablement étendue par rapport aux hypothèses très limitées acceptées par la jurisprudence en considération de la nature de la mission depuis le XIX e siècle -comme le mandat de retrait d'argent sur un compte bancaire après le décès. Il trouvera principalement à s'exercer en présence, d'une part, d'un patrimoine successoral complexe ou comprenant une entreprise, d'autre part, d'héritiers trop jeunes ou trop inexpérimentés. Il pourra durer des années.

Il convient donc d'encadrer le recours au mandat à effet posthume, afin de s'assurer qu'il réponde aux intérêts des héritiers et non du mandataire et qu'il n'aboutisse pas à ce que « le défunt continue de gérer la succession depuis sa tombe ».

Il faut toutefois observer qu'il parait plus opportun de prévoir à l'avance la gestion de la succession par une personne compétente et motivée, plutôt que de laisser le juge désigner un mandataire qui ne connaît pas l'entreprise ultérieurement.

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