Article 71 (art. L. 622-10 nouveau du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 29-3 nouveau de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte)
Destruction ou immobilisation des embarcations ou véhicules ayant servi à commettre des infractions d'aide à l'entrée ou au séjour irrégulier en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte

Cet article tend à permettre au procureur de la République d'ordonner la destruction d'embarcations fluviales en Guyane et l'immobilisation de véhicules terrestres en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte, lorsque ces moyens de transport ont servi à commettre les infractions d'aide à l'entrée ou au séjour des étrangers en France.

Compte tenu de l'importance de l'immigration illégale dans ces trois territoires, il est nécessaire que les moyens matériels grâce auxquels les étrangers en situation irrégulière ont pu pénétrer ou se déplacer puissent être mis hors d'état de nuire.

Une première démarche législative a été faite dans ce contexte lors de l'adoption de la loi n° 2005-371 du 22 avril 2005 relative aux pouvoirs de l'Etat en mer. Son article 12 a en effet introduit dans la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer la faculté de détruire les embarcations dépourvues de pavillon ayant servi à commettre les infractions à l'entrée et au séjour des étrangers 203 ( * ) . Cette disposition, également prévue pour lutter contre le trafic de stupéfiants, s'inspire des dispositions de l'article 140 du code minier, mises couramment à profit par les forces de l'ordre dans le cadre des opérations « Anaconda » de lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane.

Cette mesure a consacré un progrès évident dans la lutte contre ces vecteurs d'immigration illégale. Avant la loi du 22 avril 2005, la juridiction ne pouvait prononcer cette destruction qu'après saisie des embarcations et des moteurs, et absence de revendication du propriétaire légitime, s'il n'était pas le passeur lui-même. La procédure issue de la loi du 22 avril 2005 est plus rapide et la saisie n'est plus nécessaire. Ainsi, si 33 barques et 69 moteurs ont été détruits en 2005, 40 barques et 67 moteurs l'ont déjà été au 4 mai 2006, ce qui démontre l'efficacité de cette mesure. Matériellement, les moteurs sont écrasés par un engin de travaux publics et les barques en bois réduites en morceaux et enfouies.

Toutefois, ce dispositif reste incomplet et ne permet pas de rendre inopérationnels les véhicules terrestres ou les embarcations fluviales concernées. Le présent article complèterait donc le dispositif actuel par des mesures à caractère pérenne.

Le premier paragraphe (I) de cet article prévoirait de créer au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un article L. 622-10 permettant au procureur de la République d'ordonner :

- en Guyane , la destruction des embarcations fluviales non immatriculées qui ont servi à commettre les infractions « visées aux articles L. 622-1 et L. 622-2 » , c'est-à-dire les dispositions visant les infractions d'aide directe ou d'indirecte à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers .

Pour ce faire, ces infractions devront avoir été constatées par procès-verbal.

En outre, cette destruction ne pourrait être ordonnée que « lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions ». Cette mesure s'inspire de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer, dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi du 22 avril 2005, ainsi que du troisième alinéa de l'article 140 du code minier.

Elle vise à faire face, compte tenu de la situation particulière de la Guyane, à un phénomène d'ampleur qui affecte ce département. En effet, les voies fluviales constituent un mode de déplacement naturel en Guyane, où le réseau routier est peu développé. En l'absence de pont sur le Maroni ou l'Oyapock, l'entrée sur le sol guyanais se fait nécessairement au moyen d'embarcations. Eu égard aux conditions de navigabilité des deux fleuves concernés, il s'agit concrètement de pirogues non immatriculées.

Les forces de l'ordre se situent généralement en forêt, à plusieurs jours de distance de la ville la plus proche et une simple immobilisation s'avérerait non seulement inopérante mais également irréalisable : les « embarcations » dont il s'agit sont, en pratique, des troncs évidés et dotés d'un moteur. L'immobilisation du moteur n'empêcherait en réalité nullement la réutilisation quasi-immédiate de la pirogue

Le dispositif proposé répond donc au souci d'assurer une certaine proportionnalité dans la réponse de l'autorité judiciaire à la commission de l'infraction, la destruction devant être envisagée au cas par cas ;

- en Guadeloupe et en Guyane, l'immobilisation des véhicules terrestres qui ont servi à commettre les infractions visées aux articles L. 622-1 et L. 622-2. Cette neutralisation s'effectuerait, techniquement, par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule .

Pour ce faire, les infractions devraient également être constatées par procès-verbal. En outre, une telle mesure ne pourrait être prise que s'il « n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions ».

Une mesure relative à l'immobilisation des véhicules terrestres est nécessaire dans ces deux départements d'outre-mer. En effet, si l'entrée sur ces territoires se fait au moyen d'embarcations fluviales ou maritimes, les étrangers en situation irrégulière doivent ensuite utiliser les réseaux routiers pour se rendre dans les zones urbanisées où ils résident ou sont employés clandestinement la plupart du temps. Pour ce faire, les clandestins rejoignent les villes par véhicules terrestres, en empruntant un réseau routier qui traverse d'importantes zones isolées. Les forces de l'ordre ont ainsi trouvé, à plusieurs reprises, des véhicules volés et cachés dans la forêt en bord de routes avec des réserves de nourriture prêtes à l'emploi.

Dans les conditions matérielles difficiles de la lutte contre l'immigration clandestine en Guyane, l'immobilisation simple suivie d'une mise en fourrière s'avère inopérante dans la mesure où seules Cayenne et Saint-Laurent du Maroni disposent d'une fourrière. La situation est semblable en Guadeloupe.

De ce point de vue, la destruction pure et simple du véhicule s'avèrerait au contraire une mesure disproportionnée. Mais il importe de mettre hors d'usage -au moins momentanément- le véhicule qui a servi à la commission des infractions relatives à l'entrée des étrangers en France.

Le second paragraphe (II) de cet article modifierait l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

Selon un dispositif similaire à celui prévu pour la Guyane et la Guadeloupe, le procureur de la République pourrait ordonner l'immobilisation des véhicules terrestres ayant servi à commettre les infractions relatives à l'aide, au séjour et à la circulation des étrangers à Mayotte .

Ces infractions devraient être constatées par procès-verbal et l'immobilisation pourrait s'opérer par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule, s'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 71 sans modification.

* 203 Visées à l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

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