N° 59

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 novembre 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Dominique LECLERC,

Sénateur.

Tome IV :

Assurance vieillesse

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ . ) : 3362 , 3384, 3388 et T.A. 613

Sénat : 51 et 60 (2006-2007)

Sécurité sociale.


Les propositions de la commission des affaires sociales
pour la branche vieillesse en 2007

Afin de préparer le rendez-vous de 2008 sur la réforme des retraites, la commission a adopté, sur proposition de son rapporteur Dominique Leclerc, dix amendements sur la partie consacrée à la branche vieillesse par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ces amendements poursuivent quatre objectifs principaux :

Sécuriser les prochains adossements de régimes spéciaux de retraite sur le régime général en renforçant l'effectivité des principes de transparence et de neutralité qui s'imposent à ces opérations :

- accorder à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav) une clause de révision figurant dans chaque convention d'adossement, similaire à celle obtenue par les régimes complémentaires Agirc et Arrco lors de l'adossement du régime des industries électriques et gazières de 2005 ;

- rendre obligatoire la consultation du conseil d'administration de la Cnav sur les modalités de chaque adossement pour qu'il s'assure du respect du principe de neutralité financière à l'égard de ses assurés sociaux.

Préserver l'esprit de la réforme des retraites de 2003 :

- mettre un terme à l'utilisation, par certains assurés sociaux, du mécanisme de rachat d'années d'études et d'années incomplètes de cotisations pour bénéficier du dispositif des carrières longues. En effet, ces rachats interviennent dans des conditions financières qui pénalisent le régime général ;

- conforter la mise en extinction, d'ici à 2010, des possibilités de mise à la retraite d'office avant soixante-cinq ans. La réforme des retraites de 2003 a été sur ce point vidée de sa substance par les 122 accords de branche signés par les partenaires sociaux.

Favoriser l'emploi des seniors et décourager les dispositifs de préretraite :

- porter à 200 % du Smic le plafond de cumul emploi-retraite applicable aux assurés du régime général ;

- assujettir désormais l'ensemble des préretraites « maison » à la contribution créée en 2003 en faveur du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Faire de la prospective une priorité de l'assurance vieillesse :

- publier chaque année, à partir de 2008, dans les rapports annuels des caisses de retraite, une estimation sur trente ans de l'évolution de leurs équilibres financiers ;

- renforcer la représentation des parlementaires au sein du Conseil d'orientation des retraites et introduire la possibilité d'y nommer des actuaires.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Après une longue période de statu quo , la réforme des retraites de 2003 a conçu un mécanisme régulier de « clauses de rendez-vous », prévu pour intervenir tous les quatre ans à partir de 2008. Son objectif est d'améliorer le pilotage de l'assurance vieillesse. Ce mode de gouvernance s'inspire de l'exemple de nombreux pays européens qui ont su, bien mieux que la France, faire évoluer leur système de protection sociale par des adaptations successives.

Compte tenu de la poursuite du processus de vieillissement de la population, chacun sait bien qu'il sera indispensable dans deux ans de prendre de nouvelles mesures pour garantir l'avenir du système de retraite par répartition. Mais pas plus que la précédente, la prochaine réforme des retraites ne sera un exercice facile à réaliser. Il convient de s'y préparer dès maintenant.

L'assurance vieillesse se situe aujourd'hui entre deux réformes. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2007 ne constitue pas pour autant un simple texte de transition. Il comporte notamment plusieurs mesures importantes visant à accroître le taux d'activité des seniors. S'y ajoute une disposition concernant les assurés sociaux ayant déjà atteint l'âge de soixante ans et souhaitant prolonger leur activité professionnelle. Le Gouvernement veut leur garantir qu'ils pourront partir en retraite demain, tout en continuant à bénéficier des conditions de liquidation d'aujourd'hui. Le débat qui s'ouvre au Sénat fournira également l'occasion d'apprécier la situation de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav), dont le déficit s'est nettement creusé au cours des deux dernières années.

Dans ce contexte, votre commission entend contribuer à animer le débat public sur les retraites. Et, comme elle a pris l'habitude de le faire depuis le début de cette législature, elle souhaite continuer à agir comme une force de propositions, en se fondant sur quelques principes simples :

- la nécessité de garantir l'équilibre financier des régimes de retraite ;

- la recherche d'une plus grande justice entre les différentes catégories d'assurés sociaux ;

- le souci de l'équité entre les générations, notamment en faveur des jeunes actifs ;

- la promotion de la transparence dans le fonctionnement très complexe de l'assurance vieillesse ;

- la nécessité d'améliorer le pilotage et la gouvernance des régimes de retraite, en particulier dans la fonction publique d'Etat ;

- la simplification des transferts financiers des mécanismes de compensation démographique et la garantie, pour les assurés sociaux du secteur privé, de la neutralité des opérations d'adossement de régimes spéciaux.

Votre commission se félicite d'ailleurs du fait que plusieurs des propositions qu'elle a formulées à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 soient entrées en vigueur. C'est le cas en particulier des garanties supplémentaires de neutralité et de transparence apportées aux opérations d'adossements de régimes spéciaux. A cela, s'ajoutent les dispositions prévoyant respectivement la mise en extinction des possibilités de mise à la retraite d'office avant soixante-cinq ans, ainsi que l'élargissement des modalités du cumul entre un emploi et une retraite pour les assurés sociaux du secteur privé. Ces mesures ont d'abord inspiré le plan national d'action concerté en faveur des seniors, avant d'être reprises par le Gouvernement dans le cadre des articles 54 et 55 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

La question qui se posera dans deux ans sera celle du choix entre un ajustement à court terme ou une réforme structurelle des retraites sur une perspective de long terme. Le principe d'équité entre les générations devrait à lui seul nous conduire à opter en faveur de la solution la plus ambitieuse. Notre système d'assurance vieillesse est en effet menacé par un choc démographique dont nous ne connaissons encore que les prémices. Si les réformes engagées en 1993 et 2003 n'étaient pas poursuivies, de nouvelles inégalités viendraient s'ajouter à celles déjà importantes existant entre les assurés sociaux des secteurs public et privé, sans même parler des ressortissants des régimes spéciaux.

Dans la perspective de la clause de rendez-vous de 2008, il conviendra aussi de traiter en priorité les problèmes de gouvernance de l'assurance vieillesse et de se demander si, comme l'Allemagne en 1992 et la Suède en 1998, notre pays n'aurait pas intérêt à abandonner le système des annuités et à généraliser aux régimes de base le recours à la technique de gestion des points.

I. UN DÉFICIT DE L'ASSURANCE VIEILLESSE EN AUGMENTATION MALGRÉ LA RÉFORME DE 2003

A. UNE DÉGRADATION DES COMPTES PLUS RAPIDE QU'INITIALEMENT ENVISAGÉE

1. Le creusement du déficit de la branche vieillesse

Depuis 2003, le rythme de croissance des dépenses de la Cnav est systématiquement supérieur à celui de ses recettes. Il en résulte logiquement une dégradation sensible de ses équilibres financiers. Son déficit devrait ainsi atteindre 2,36 milliards d'euros en 2006 , avant de s'élever à 3,55 milliards d'euros en 2007 , soit l'équivalent de respectivement 2,8 % et 4 % des prestations versées. Ces niveaux apparaissent d'autant plus significatifs que la Cnav est dépourvue de réserves importantes, ses excédents passés ayant été affectés au fonds de réserve des retraites (FRR), et que le fonds de solidarité vieillesse (FSV) lui doit au total 5,6 milliards d'euros de retards de paiements.

Comptes de la Cnav

(en millions d'euros)

Cnav

2003

%

2004

%

2005

%

2006

%

2007

%

Charges nettes

71.490,7

5,1

74.979

4,9

80.796

7,8

84.796

3,7

88.978

4,9

Produits nets

72.436,5

3,9

75.235

3,9

78.919

4,9

82.435

3,2

85.428

3,6

Résultat

945,9

255

-1.876

- 2.361

- 3.550

Source : Direction de la sécurité sociale - Commission des comptes de la sécurité sociale - Septembre 2006

Cette détérioration des comptes de la branche vieillesse intervient alors même que la situation financière des trois autres branches s'améliore nettement. Sur la base des estimations publiées par la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 2006, le déficit cumulé de la maladie, de la famille et des accidents du travail, qui est déjà revenu de 12,1 milliards à 9,7 milliards d'euros entre 2004 et 2005, ne serait plus que de 7,3 milliards en 2006 et de 5,8 milliards en 2007. La dégradation des équilibres des régimes de retraite « absorbe » donc une bonne partie de l'impact positif du redressement des autres branches.

Comme l'a souligné la présidente de la Cnav 1 ( * ) , ce déficit est de nature structurelle, pour des raisons essentiellement démographiques. Mais le déséquilibre de la vieillesse diffère radicalement de celui des autres branches de la sécurité sociale. Contrairement au risque maladie pour lequel il est possible d'agir sur les dépenses et de pratiquer des déremboursements, ou à la branche famille pour laquelle il est possible de redéployer les prestations, les retraites sont caractérisées par une grande inertie. Outre l'attachement légitime des assurés sociaux au niveau de prestations, il est heureusement impossible sur le plan juridique de revenir sur les pensions déjà liquidées. Dès lors, le déficit de la branche vieillesse apparaît sans doute comme le plus difficile à résorber dans le champ de la protection sociale, pour des raisons tant financières que politiques et sociales.

Evolution des grands équilibres de la Cnav sur la période 2006-2010

(en milliards d'euros courants)

2006

2007

2008

2009

2010

Solde de la Cnav
(PLFSS 2007 - Annexe B scénario économique bas)

- 2,4

- 3,5

- 4,5

- 5,1

- 5,1

Solde de la Cnav
(PLFSS 2007 - Annexe B scénario économique haut)

- 1,9

- 2,4

- 3,5

- 4,1

- 3,8

Il convient en outre de souligner que régime général est sans doute arrivé à maturité, dans la mesure où les plus jeunes cotisants à sa création en 1945, âgés alors de quinze à vingt ans, arriveront dans quelques années au terme de leur retraite. Et comme le soulignent les actuaires, on ne peut dans ce type de situation qu'espérer ralentir ou enrayer la tendance à l'aggravation, mais pas l'inverser. Au total, la croissance du déséquilibre de l'assurance vieillesse est un phénomène relativement lent mais inexorable. Compte tenu, à partir de cette année, du départ en retraite des trente classes d'âge du baby-boom, il est même possible que la Cnav ne soit plus jamais à l'équilibre dans un avenir prévisible.

* 1 Cf. audition du 25 octobre 2006 de Danièle Karniewicz, présidente de la Cnav - bulletin des commissions du Sénat n° 4 (session ordinaire 2006/2007) p. 57.

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