TITRE XII - DE LA GESTION DU PATRIMOINE DES MINEURS ET MAJEURS EN TUTELLE

L'intitulé de ce titre a été simplifié par l'Assemblée nationale.

CHAPITRE IER - DES MODALITÉS DE LA GESTION

Après avoir défini les obligations du tuteur et du subrogé tuteur, ainsi que les modalités du contrôle exercé par les tiers, ce chapitre détermine les compétences respectives du conseil de famille ou du juge, d'une part, et celles du tuteur, d'autre part.

Art. 496 du code civil : Principes généraux

Cet article maintient le principe général, actuellement prévu au premier alinéa de l'article 450, de représentation du tutélaire par son tuteur dans la gestion de son patrimoine .

Le deuxième alinéa de l'article 450 fait actuellement obligation au tuteur d'administrer les biens du tutélaire « en bon père de famille ». Cette notion figure dans diverses branches du droit civil : elle implique des obligations différentes selon que le gestionnaire s'occupe de tout ou partie du patrimoine, exerce une mission légale ou conventionnelle, générale ou spéciale. En matière de tutelle, elle est interprétée comme obligeant le tuteur à une gestion prévoyante, active, prudente, selon la volonté réelle ou présumée du tutélaire s'il avait été capable, ce qui implique à la fois des obligations de moyens et de résultats. Le projet de loi consacre cette interprétation, en substituant à la notion générale de gestion en bon père de famille une obligation , plus explicite, d'apporter des soins prudents, diligents et avisés à la gestion du patrimoine de la personne protégée .

Par ailleurs, le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'État la classification des actes de gestion patrimoniale entre actes d'administration et actes de disposition . Il étend ainsi à l'ensemble des biens une disposition que le dernier alinéa de l'actuel article 456 du code civil limite à la gestion des valeurs mobilières. Cette classification des actes civils joue en effet un rôle central pour l'ensemble de la gestion patrimoniale, en répartissant les initiatives entre les organes de la tutelle. Cependant, nonobstant ce renvoi au pouvoir réglementaire, l'accomplissement des actes les plus importants, comme la vente immobilière, l'acceptation ou le partage amiable d'une succession, continuent de faire l'objet de dispositions spécifiques 111 ( * ) .

Les actes d'administration regroupent les actes courants d'exploitation du patrimoine sans atteinte au capital. Le tuteur est autorisé à les accomplir seul. Cette catégorie recouvre la vente des meubles courants ou des fruits, les réparations d'entretien ou les grosses réparations indispensables, les contrats d'assurance, l'examen et le paiement des dettes.

Les actes de disposition impliquent un transfert de propriété ou plus généralement de droit réel, ils engagent durablement et substantiellement le patrimoine et requièrent une autorisation. On classe habituellement dans cette catégorie l'emprunt, la vente d'immeubles ou de fonds de commerce, ainsi que le placement des capitaux.

Les règles de fonctionnement de la tutelle 112 ( * ) distinguent en outre les actes conservatoires. Ceux-ci se définissent comme des actes nécessaires et urgents qui préviennent un risque ou une perte : interruption d'une prescription, paiement d'une dette incontestable, travaux indispensables... La liste de ces actes n'est pas renvoyée à un décret en Conseil d'État dans la mesure où les actes d'administration et les actes conservatoires sont soumis au même régime : le tuteur peut les accomplir sans autorisation. Par ailleurs, le caractère conservatoire d'un acte s'identifie le plus souvent non par sa nature mais par son contexte. Un acte de disposition d'un bien peut, dans certains cas, être conservatoire au regard du patrimoine, par exemple pour les biens périssables.

Art. 497 du code civil : Contrôle de la gestion des biens par le subrogé tuteur

Cet article précise le rôle du subrogé tuteur, investi d'une mission générale de surveillance de la gestion tutélaire 113 ( * ) , dans le contrôle de l'administration des biens par le tuteur.

Aux termes de l'actuel article 453, le tuteur ne peut recevoir des capitaux au nom du tutélaire sans le contreseing du subrogé. Cette disposition ne s'applique pas à l'administration légale, ce régime ne comportant pas de subrogé tuteur.

Le projet de loi élargit cette mission de surveillance : le subrogé tuteur est désormais chargé d'attester auprès du juge du bon déroulement des opérations que le tuteur a l'obligation d'accomplir. Outre les actes prévus par la loi, entrent dans cette catégorie tous les actes que le conseil de famille aura ordonnés.

Cette mission trouvera particulièrement à s'exercer pour le contrôle de la gestion des fonds du tutélaire. Ainsi, le subrogé tuteur attestera que l'emploi ou le remploi des capitaux est conforme aux prescriptions données par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge. En application de l'article 501, il appartiendra en effet au conseil de famille ou, à défaut, au juge de fixer les règles de gestion des fonds. Le respect de ces règles sera donc attesté par le subrogé tuteur.

L'attestation du bon déroulement des opérations devra être expresse, ce qui n'interdira pas qu'elle se concrétise par une mention manuscrite du subrogé tuteur sur le compte rendu que le tuteur lui adresse.

Art. 498 du code civil : Obligation de verser directement les capitaux sur un compte personnel

Actuellement, l'ouverture d'un compte personnel au nom du tutélaire n'est requise que pour le dépôt des capitaux ; le tuteur dépose les fonds sur un compte au nom de la personne protégée.

Cet article exige du tuteur qu'il verse les capitaux revenant au tutélaire sur un compte ouvert exclusivement à son nom et mentionnant l'existence de la tutelle. Ce versement devra être fait directement par le débiteur (compagnie d'assurance, notaire en cas de partage), sans possibilité de faire transiter les fonds par un autre compte.

Propre à la tutelle, cette obligation d'individualiser le versement des capitaux s'ajoute à celle, prévue à l'article 427 pour toute mesure de protection juridique d'un majeur, d'individualiser les opérations bancaires de paiement de gestion patrimoniale. Elle bénéficiera aux mineurs, auxquels l'article 427 ne s'applique pas : si le tuteur pourra toujours faire des opérations de gestion patrimoniale à partir de ses comptes personnels sans être obligé d'ouvrir un compte au nom du mineur, les capitaux lui revenant devront être versés directement sur un compte ouvert à son seul nom. Par exemple, le versement d'une indemnité d'assurance à un mineur victime devra être débloqué directement sur le compte du mineur. Il s'agit d'éviter que les tuteurs n'utilisent les sommes en cause.

Lorsque la tutelle est confiée au préposé d'un établissement de santé, ou médico-social soumis aux règles de la comptabilité publique, il est prévu que l'obligation d'individualisation du versement des capitaux ne fait pas obstacle à l'application des modalités d'ordonnancement et d'encaissement des recettes propres à l'établissement, c'est-à-dire au respect du principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable.

Art. 499 du code civil : Contrôle des intérêts de la personne en tutelle par les tiers et droits des créanciers

Cet article maintient l'irresponsabilité des tiers dans la gestion des capitaux, actuellement prévue par le dernier alinéa de l'article 455.

Ainsi, la responsabilité d'un établissement bancaire qui laisserait s'accomplir des malversations lors des mouvements de capitaux ne peut, en principe, pas être mise en oeuvre.

Néanmoins, afin d'assurer la protection des intérêts du tutélaire, deux dispositions nouvelles sont prévues :

- si, par un acte ou par une omission, c'est-à-dire par son action ou son inaction, le tuteur semble porter préjudice aux intérêts du tutélaire, un tiers peut en aviser le juge ;

- s'il est manifeste que l'emploi des capitaux par le tuteur compromet l'intérêt du tutélaire, le tiers qui a connaissance des faits doit en informer le juge.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit que seuls les créanciers du tutélaire peuvent faire opposition aux autorisations données par le conseil de famille ou par le juge, et uniquement en cas de fraude à leurs droits. Aujourd'hui, faute de disposition spécifique, le droit commun de la tierce opposition prévu par les articles 582 et suivants du nouveau code de procédure civile s'applique. Le projet de loi comble ce vide juridique dénoncé par les praticiens. Il n'y a de tierce opposition que contre les décisions du juge ou du conseil de famille, en raison du caractère juridictionnel des premières ou quasi juridictionnel des secondes. La contestation des actes du tuteur par les créanciers, en cas de fraude à leurs droits, s'effectue par l'action paulienne prévue à l'article 1167 du code civil.

Section 1
Des décisions du conseil de famille ou du juge
Art. 500 du code civil : Établissement du budget de la tutelle

Cet article, qui reprend et précise les dispositions de l'actuel article 454, charge le conseil de famille d'établir le budget de la tutelle.

Actuellement, cette mission consiste à régler la somme annuellement allouée à l'entretien du tutélaire, les dépenses nécessaires à l'administration de ses biens et les éventuelles indemnités allouées au tuteur. Ces montants sont fixés « par aperçu » et « selon l'importance des biens régis ».

Il lui reviendra désormais de déterminer, en fonction de l'importance des biens de la personne protégée et des opérations qu'implique leur gestion, les sommes annuellement nécessaires à l'entretien de celle-ci et au remboursement des frais d'administration de ses biens. Peu claire, la notion de règlement par aperçu est supprimée. Est également supprimée l'éventualité d'indemnités versées au tuteur, les modalités de rémunération de celui-ci étant désormais régies par des dispositions différentes selon qu'il s'agit d'un mineur 114 ( * ) ou d'un majeur 115 ( * ) .

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait qu'en l'absence de conseil de famille, hypothèse ne pouvant concerner qu'un majeur protégé, le budget de la tutelle serait arrêté par le tuteur.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a prévu que cette compétence serait exercée par le juge des tutelles. En effet, s'il revient au tuteur de faire une proposition de budget, c'est au conseil de famille ou au juge de l'arrêter.

Le conseil de famille conserve la faculté d'autoriser le tuteur à porter en compte les rémunérations des administrateurs particuliers dont il peut demander le concours : cabinet de placement en bourse, bureau de gestion patrimoniale, avocat ou notaire... . Il peut notamment s'agir des tiers mentionnés au nouvel article 452 pour l'accomplissement de certains actes.

De même, le conseil de famille conserve la possibilité d'autoriser le tuteur à conclure un contrat pour la gestion des valeurs mobilières du tutélaire. Étendue à la gestion de tous les instruments financiers, la conclusion de ce contrat est soumise aux mêmes conditions que celles actuellement en vigueur : le tuteur doit choisir le contactant en fonction de son expérience professionnelle et de sa solvabilité ; il peut résilier le contrat à tout moment au nom du tutélaire, toute stipulation contraire étant nulle.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé qu'en l'absence de conseil de famille, ces compétences seraient elles aussi exercées par le juge des tutelles.

Article additionnel après l'article 500 du code civil : Possibilité de conclure un contrat de fiducie

Votre commission vous soumet un amendement tendant à insérer un article 500-1 dans le code civil afin de permettre, au cours de la tutelle, la gestion des biens du majeur protégé dans le cadre d'un contrat de fiducie.

Lorsque les biens du majeur protégé s'avèrent importants, la fiducie peut en effet constituer un instrument de gestion particulièrement efficace et un outil juridique complémentaire au mandat de protection future créé par le présent projet de loi.

La mise en fiducie des biens du majeur peut être, dans certaines hypothèses, un moyen d'assurer au mieux la protection de son patrimoine tout en lui garantissant un revenu stable et adapté. Ses biens, gérés par un professionnel de la gestion de patrimoine, pourront ainsi être placés dans le cadre d'un patrimoine affecté et géré dans son seul intérêt. Rappelons en effet que la fiducie permet, dans une relation triangulaire, le transfert de biens ou de droits du patrimoine d'une personne (le fiduciant ou constituant) vers celui d'une autre personne (le fiduciaire) pour le bénéfice d'une troisième (le bénéficiaire) 116 ( * ) .

Comme le relevait notre excellent collègue Philippe Marini dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi instituant la fiducie 117 ( * ) , « l'intérêt pour des personnes « vulnérables » de recourir à la fiducie ne peut pas non plus être négligé ; au contraire, il milite même fortement en faveur de l'adoption de la fiducie. »

La proposition de loi instituant la fiducie, adoptée au Sénat le 13 octobre 2006, ne permet toutefois pas de remplir une telle fonction, le Gouvernement ayant souhaité, malgré les réticences de nombreux intervenants au débat parlementaire -dont votre rapporteur-, restreindre la qualité de constituant aux seules personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés.

Aussi votre commission, soucieuse d'assurer au mieux les intérêts du majeur protégé, vous propose-t-elle d'autoriser le recours au mécanisme fiduciaire dans le cadre d'une mesure de protection ordonnée par le juge. Toutefois, dès lors que ce contrat opère transfert de patrimoine, fût-ce à titre temporaire, elle a souhaité particulièrement encadrer ce recours .

En premier lieu, dans le cadre du dispositif qu'elle vous propose, le recours à un contrat de fiducie ne pourra être décidé que si l'importance du patrimoine de la personne protégée le justifie.

En deuxième lieu, le bénéficiaire du contrat de fiducie ne pourra être que la personne protégée elle-même, à l'exclusion de toute autre personne.

En dernier lieu, sur le plan procédural, pour conclure un contrat de fiducie, le tuteur devra avoir obtenu, au préalable, l'autorisation du juge des tutelles . Votre commission a souhaité réserver ce pouvoir à ce seul magistrat en excluant le conseil de famille.

Dans le cadre de l'exécution du contrat de fiducie, le fiduciaire devra rendre compte de sa mission dans les conditions prévues à l'article 513 du code civil tel que rédigé par l'article 7 du présent projet de loi.

Afin de garantir, à tout moment, les intérêts du majeur, le contrat de fiducie pourra, à tout moment et nonobstant toute clause contraire, être résilié au nom de la personne protégée.

Il prendra fin, en principe, par la survenance du terme ou, si ceux-ci interviennent avant le terme, par la réalisation du but poursuivi, la mainlevée de la mesure de protection ou le décès de la personne protégée. Dans ce dernier cas, les biens transférés sont rapportés à sa succession.

Votre commission vous propose également que la fonction de fiduciaire puisse être exercée, outre par les personnes mentionnées dans la proposition de loi adoptée par le Sénat, par les membres de professions juridiques réglementées, sous réserve que ceux-ci satisfassent à des conditions de formation professionnelle et de garanties en cas de mise en jeu de leur responsabilité civile professionnelle.

Si le dispositif proposé s'inscrit dans le cadre des règles relatives à la tutelle, il sera également applicable lorsque la personne est soumise à une curatelle. En effet, compte tenu du libellé général de l'article 467 du code civil tel que rédigé par le présent projet de loi, la personne vulnérable ne pourra faire, sans l'assistance du curateur, aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge. Le contrat de fiducie ne sera donc valable pour une personne sous curatelle que s'il a été conclu avec l'assistance du curateur.

Votre commission estime que, sous réserve des spécificités évoquées dans l'amendement proposé, le contrat de fiducie devra obéir au même régime que celui prévu par le texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 13 octobre 2006. Elle vous proposera néanmoins, avant l'article 20 du présent projet de loi, de prévoir un dispositif fiscal applicable aux personnes physiques constituantes, destiné à assurer une transparence fiscale parfaite de l'opération fiduciaire. En outre, cet amendement prévoira que ces personnes ne pourront opposer le secret en matière de blanchiment de capitaux et de lutte contre le financement du terrorisme 118 ( * ) .

Votre commission a décidé, lors de l'examen du présent rapport, que cet amendement devrait être rectifié, le cas échéant, afin de prendre en considération le texte de cette proposition de loi, dans la rédaction qui aura été adoptée par l'Assemblée nationale lors de sa séance du 7 février 2007.

Art. 501 du code civil : Fixation des modalités d'emploi des capitaux

Cet article donne au conseil de famille ou, à défaut, au juge compétence pour fixer les modalités d'emploi des capitaux.

Comme l'actuel article 455, il lui fait obligation de déterminer la somme à partir de laquelle commence, pour le tuteur, l'obligation d'employer les capitaux liquides et l'excédent des revenus, et de prescrire toutes les mesures qu'il juge utiles quant à l'emploi ou au remploi des fonds soit par avance soit à l'occasion de chaque opération.

Alors que le tuteur a actuellement l'obligation d'employer les capitaux et les revenus dans les six mois qui suivent leur versement, sous peine d'être débiteur des intérêts, ce délai sera désormais fixé par le conseil de famille ou le juge. Passé ce délai, le tuteur ne sera plus de plein droit débiteur des intérêts mais pourra le devenir si une action en responsabilité est engagée, selon l'importance de la demande, soit devant le tribunal d'instance, soit devant le tribunal de grande instance. Il n'y a en effet pas lieu de prévoir un débit de droit des intérêts, car l'emploi des capitaux n'est pas en soit synonyme de perte d'intérêts, en particulier si les fonds sont en attente sur un compte rémunéré.

Par ailleurs, afin de sécuriser la gestion des biens de la personne protégée, le projet de loi donne explicitement au conseil de famille ou au juge la possibilité d'ordonner deux mesures conservatoires : le dépôt sur un compte indisponible sauf mainlevée par le conseil de famille ou le juge, et l'obligation pour le tuteur de gérer le patrimoine du tutélaire en utilisant exclusivement des comptes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations. Cette dernière mesure ne pourra être décidée qu'en considération de la situation particulière du tutélaire, qui pourra notamment résulter de l'opposition d'intérêts avec les banques concernées, de l'importance du patrimoine ou de la suspicion des convoitises de la part de l'entourage de la personne protégée.

Art. 502 du code civil : Pouvoir d'autorisation du conseil de famille ou du juge

Cet article confie au conseil de famille ou, à défaut, au juge le pouvoir d'autoriser les actes que le tuteur ne peut pas accomplir seul. Sans changer le droit en vigueur, il édicte ainsi un principe qui trouvera à s'appliquer pour tous les actes prévus aux articles 505 à 508.

Par ailleurs, est maintenue la possibilité, actuellement prévue à l'article 468, de remplacer une autorisation du conseil de famille par une autorisation du juge pour les dépenses les moins importantes. Ainsi, pour la tutelle d'un mineur ou pour celle d'un majeur fonctionnant avec un conseil de famille, le juge pourra toujours se substituer à celui-ci, en autorisant les actes portant sur des biens dont la valeur en capital n'excède pas une somme fixée par décret. En application de l'article 8 du décret n° 65-961 du 5 novembre 1965, cette somme est actuellement fixée à 15.300 euros.

Section 2
Des actes du tuteur
Paragraphe 1
Des actes que le tuteur accomplit sans autorisation
Art. 503 du code civil : Obligation d'inventaire

Cet article maintient l'obligation qui est actuellement faite au tuteur, par l'article 451, de faire procéder à un inventaire des biens de la personne protégée.

Cet inventaire devra être réalisé dans les trois mois suivant l'ouverture de la tutelle , le délai actuel de dix jours suivant la nomination du tuteur étant impossible à respecter, puis transmis au juge. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a maintenu l'obligation faite au tuteur d'établir l'inventaire en présence du subrogé tuteur, que le projet de loi tendait à supprimer au motif qu'elle était d'ordre réglementaire.

À défaut d'inventaire dans le délai prescrit, il appartient actuellement au subrogé tuteur de saisir le juge à l'effet d'y faire procéder, à peine d'être responsable solidairement avec le tuteur de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées au profit du tutélaire. Le juge peut prononcer une injonction contre le tuteur défaillant, voire le condamner, en application de l'article 395 du code civil, à une amende civile.

Pendant la durée de la tutelle, l'inventaire permet au juge d'apprécier la consistance du patrimoine du tutélaire et donc de vérifier les comptes annuels. À la fin de la mesure, il permet au mineur devenu majeur ou au majeur qui a recouvré ses facultés de juger de la gestion faite de ses biens.

Si l'inventaire doit décrire à la fois les biens meubles ou immeubles, il suffit cependant qu'il donne une idée d'ensemble du patrimoine. Le juge admet les inventaires sous seing privé. Il peut cependant exiger un acte notarié si l'importance du patrimoine du mineur ou des circonstances particulières le justifient.

Désormais, l'inventaire devra être actualisé , ce qui facilitera le contrôle de la gestion pendant la durée de la mesure, et il faudra, à la fin de celle-ci, mettre à disposition du tutélaire ou de ses héritiers un état actualisé des biens.

Pour l'établissement de l'inventaire, le tuteur pourra obtenir communication des renseignements et document s nécessaires auprès de toute personne publique ou privée sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire . Ces dispositions permettront notamment d'obtenir des établissements bancaires les relevés des comptes du tutélaire.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi exigeait de requérir l'autorisation du juge pour accéder aux informations nécessaires à l'inventaire. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé cette obligation, au motif qu'elle serait « inutilement lourde » car elle « pourrait en effet conduire les personnes détentrices de ces informations à exiger systématiquement une décision préalable du juge, même pour des informations qui ne seraient protégées par aucun secret professionnel ». Dans la mesure où il s'agit d'une autorisation donnée pour un délai court, il n'y a pas d'obstacle à ce qu'elle soit conférée par la loi de façon générale. L'autorisation par le juge, au cas par cas, n'est donc pas nécessaire. L'amendement de l'Assemblée nationale assure par ailleurs la cohérence de la sous-section, puisque celle-ci est consacrée aux actes que le tuteur peut faire sans autorisation.

Les conditions dans lesquelles le tutélaire peut pallier la défaillance de son tuteur sont inchangées : en absence d'inventaire, le tutélaire pourra toujours faire la preuve de la valeur et de la consistance de ses biens par tous moyens. Cette disposition, qui s'appliquera désormais non seulement en l'absence d'inventaire, mais aussi en cas d'inventaire incomplet ou inexact, vise à faciliter les moyens par lesquels le tutélaire peut prouver son patrimoine, en l'autorisant notamment à recourir à la commune renommée.

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de préciser qu'après le décès de la personne protégée, ses héritiers peuvent, dans le cadre de l'action en reddition de comptes, contester par tous moyens la valeur des biens lorsqu'il n'y a pas eu d'inventaire.

Les dispositions du dernier alinéa de l'article 451 sont supprimées. Elles faisaient obligation au tuteur de déclarer dans l'inventaire des créances qu'il détient sur le tutélaire, à peine de déchéance. Comme le souligne M. Emile Blessig dans son apport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale : « Cette déchéance automatique paraît en effet excessive : on ne voit pas pourquoi le tuteur serait privé de la possibilité de réclamer une créance sous prétexte qu'il l'a oubliée dans l'inventaire . »

Art. 504 du code civil : Pouvoir du tuteur d'accomplir seul les actes conservatoires et d'administration

Cet article laisse au tuteur le pouvoir d'accomplir seul les actes conservatoires et d'administration.

Contrairement aux actes de disposition, ces actes ne portent pas atteinte au droit de propriété, dans la mesure où ils n'altèrent pas définitivement et de manière importante la valeur du patrimoine. Ils ne nécessitent donc pas une autorisation préalable.

Cette règle est actuellement prévue par l'article 456 : le pouvoir de représentation du mineur autorise son tuteur à accomplir seul les actes d'administration. Il peut ainsi, sans autorisation, aliéner à titre onéreux des meubles d'usage courant et des biens ayant le caractère de fruits.

Ces dispositions assurent au tuteur une large capacité de gestion. Il peut inscrire une hypothèque sur les biens du tutélaire, souscrire un contrat d'assurance en son nom ou payer ses dettes. Il peut percevoir et utiliser les revenus du tutélaire, et notamment procéder à leur réception et les retirer à la banque où il les a déposés. Si le tuteur ne peut pas disposer à titre gratuit, l'aliénation de meubles de peu de valeur est considérée comme un acte d'administration qu'il peut accomplir seul. Le tuteur peut également exploiter les biens du tutélaire et assurer la gestion courante des valeurs mobilières. Lorsqu'ils sont accomplis par le tuteur, tous ces actes sont réputés faits par le tutélaire lui-même.

Le projet de loi précise que les pouvoirs du tuteur s'exercent sous réserve de ceux laissés au tutélaire par le juge. Ainsi, en cas de tutelle allégée d'un majeur, décidée sur le fondement du second alinéa du nouvel article 473, le tuteur ne pourra pas faire seul les actes d'administration pour lesquels le juge aura maintenu la capacité du majeur en l'autorisant à les accomplir seul ou avec l'assistance du tuteur.

En revanche, le tuteur pourra toujours faire seul des actes conservatoires parce qu'ils sont, par nature, nécessaires en tout état de cause à la préservation du patrimoine. Il serait d'ailleurs paradoxal et contraire à la notion de protection que le juge ordonne une tutelle allégée en réservant à la personne protégée le droit exclusif de faire les actes conservatoires.

En outre, le projet de loi supprime les règles particulières actuellement prévues pour le renouvellement des baux. En application du troisième alinéa de l'article 456, les baux consentis par le tuteur ne confèrent au preneur, à l'encontre du mineur devenu majeur ou du majeur ayant recouvré ses facultés, aucun droit de renouvellement et aucun droit de se maintenir dans les lieux à l'expiration du bail, nonobstant toutes dispositions légales contraires. Ces dispositions sont applicables aux baux consentis avant l'ouverture de la tutelle ou renouvelés par le tuteur. Elles régissent ainsi non pas la passation du bail, mais le renouvellement des baux en cours à la fin de la mesure. En revanche, les dispositions régissant la durée des baux en cours au moment de la fin de la mesure, ainsi que leur renouvellement par anticipation avant celle-ci restent applicables.

Sur le fondement de l'article 1718 du code civil, les dispositions prévues par l'article 595 du même code pour les baux passés par l'usufruitier continueront d'être applicables aux baux passés par le tuteur sans l'autorisation du conseil de famille. Ainsi, les baux passés par le tuteur sans autorisation du conseil de famille pour une durée supérieure à neuf ans ne seront, en cas de cessation de la tutelle, obligatoires à l'égard du tutélaire que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si les parties s'y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de manière que le preneur n'ait que le droit d'achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve.

En outre, les baux d'une durée inférieure ou égale à neuf ans que le tuteur a passés ou renouvelés sans autorisation du conseil de famille plus de trois ans avant la fin de la tutelle s'il s'agit de baux ruraux, ou plus de deux ans avant la même époque s'il s'agit de maisons, resteront sans effet, à moins que leur exécution n'ait commencé avant la cessation de la tutelle.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé la rédaction de l'article, maintenu les dispositions de l'actuel article 456 du code civil concernant l'opposabilité des baux conclus au nom de la personne protégée et prévu explicitement que le tuteur peut agir en justice sans autorisation pour faire valoir les droits patrimoniaux de la personne protégée.

Il s'agit, en l'espèce, de ne pas donner au preneur le droit au renouvellement qui existe dans les législations particulières (baux d'habitation y compris).

Paragraphe 2
Des actes que le tuteur accomplit avec une autorisation
Art. 505 du code civil : Autorisation des actes de disposition

Cet article fixe les modalités d'autorisation des actes de disposition.

Le régime général

Le projet de loi reprend les termes du premier alinéa de l'article 457 du code civil, afin de soumettre les actes de disposition à une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge.

Cette disposition a pour effet d'obliger le tuteur à la requérir pour emprunter au nom du tutélaire ou pour aliéner ou grever de droits réels des immeubles, des fonds de commerce, des valeurs mobilières, des droits incorporels (créances, brevets, rentes ...) ou des meubles précieux ou constituant une part importante du patrimoine.

En matière de baux, le périmètre des actes devant être regardés comme de disposition a été délimité par la jurisprudence. Ainsi, le troisième alinéa de l'actuel article 456 ne concernant que les baux conclus par le tuteur seul, le conseil de famille ou le juge peut autoriser le tuteur à consentir sur les biens du tutélaire un bail ouvrant droit à renouvellement envers le tutélaire devenu ou redevenu capable 119 ( * ) . De même, la location en gérance d'un fonds de commerce appartenant au tutélaire est un acte de disposition qui excède les pouvoirs d'administration du tuteur 120 ( * ) .

Le projet de loi précise le contenu de l'autorisation : le conseil de famille ou, à défaut, le juge devra déterminer les stipulations et, en cas d'aliénation d'un bien, le prix de vente ou la mise à prix. Ces exigences qui ne sont, en l'état du droit, explicitement prévues que pour la vente d'un immeuble ou d'un fonds de commerce, s'appliqueront pour tout acte de disposition, sous réserve des actes d'usage que le tutélaire peut faire lui-même.

Le tuteur n'aura pas à solliciter une autorisation lorsqu'un jugement aura déjà ordonné la vente forcée des biens, par exemple à la suite d'une expropriation, ou autorisé une vente amiable, par exemple en cas de licitation à la demande d'un copropriétaire indivis. Il importe en effet que les décisions du conseil de famille ou du juge des tutelles ne puissent pas remettre en cause celles de l'autorité publique. Admise par la jurisprudence, cette dérogation n'était jusqu'à présent explicitement prévue qu'en cas de licitation (article 460 du code civil).

Les régimes particuliers

Le projet de loi modifie les dispositions spécifiques à l'aliénation d'immeubles, de fonds de commerce ou d'instruments financiers.

En l'état du droit (premier et deuxième alinéas de l'article 459 du code civil), la vente d'immeubles ou de fonds de commerce doit en principe se faire aux enchères publiques, à moins que le conseil de famille ou, à défaut, le juge n'autorise une vente à l'amiable soit par adjudication, soit de gré à gré.

La vente aux enchères publiques, c'est-à-dire par adjudication judiciaire, obéit aux prescriptions des articles 1271 et suivants du nouveau code de procédure civile. La vente doit être préalablement autorisée par une délibération du conseil de famille (ou, pour les tutelles sans conseil de famille, par une décision du juge des tutelles), fixant la nature des biens vendus et leur valeur approximative. La mise à prix est déterminée par le tribunal, au besoin après estimation ou expertise, et constituera le prix minimum en deçà duquel le tuteur n'est pas tenu de vendre. La vente aux enchères se déroule soit à la barre du tribunal de grande instance, soit en l'étude d'un notaire commis à cette fin par le tribunal. Elle doit se faire, le subrogé tuteur - s'il existe - présent ou appelé. Celui-ci doit en outre recevoir notification de la vente à peine de nullité. Après la vente, une surenchère peut intervenir au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l'adjudication a eu lieu ; le tribunal ou le notaire est alors à nouveau saisi.

La vente amiable est devenue le mode normal de vente des immeubles appartenant aux personnes protégées, dès lors que leurs intérêts ne commandent pas une autre solution ou que la loi ne l'impose pas. Elle est autorisée par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge des tutelles qui peut décider soit une vente par adjudication amiable - auquel cas il fixe la mise à prix -, soit une vente de gré à gré - auquel cas il fixe le prix et les stipulations du contrat. En pratique, le sérieux du prix est garanti soit par une expertise, soit par une attestation d'un notaire établissant qu'un acquéreur offre un prix égal à la valeur vénale du bien.

L'apport en société d'un immeuble ou d'un fonds de commerce est soumis à des formalités moindres : il a lieu à l'amiable sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles, sur le rapport d'un expert judiciaire (troisième alinéa de l'article 459).

La vente de valeurs mobilières obéit également à des formalités allégées, prévues aux deux derniers alinéas de l'article 459. S'il s'agit de valeurs cotées, la vente s'effectue par le ministère d'une société de bourse. Dans le cas contraire, la vente a en principe lieu aux enchères par une société de bourse ou un notaire ; le conseil de famille ou, à défaut, le juge des tutelles peut néanmoins autoriser une vente de gré à gré dont, sur le rapport d'un expert judiciaire, il fixe le prix et les stipulations.

Ainsi, la formalité des enchères est battue en brèche par la pratique, tant judiciaire que notariale, qui recourt presque systématiquement à la vente à l'amiable. En règle générale, celle-ci débouche, en effet, sur un meilleur prix.

Prenant acte de la généralisation des ventes amiables, le projet de loi simplifie et assouplit les conditions de vente des immeubles, des fonds de commerce et instruments financiers non cotés, en prévoyant un régime unique, commun à ces trois catégories. L'autorisation de la vente ou de l'apport en société ne sera désormais subordonnée qu'à la réalisation préalable d'une mesure d'instruction exécutée par un technicien ou par le simple recueil de l'avis d'au moins deux professionnels qualifiés. Le tuteur devra ainsi accompagner sa demande d'autorisation par des attestations émanant d'experts de son choix.

Par ailleurs, s'agissant d'une vente d'instruments financiers, le projet de loi maintient les dispositions du dernier alinéa de l'article 468 qui permet au juge de déroger à l'accord préalable du conseil de famille en cas d'urgence. Ainsi, si l'urgence le justifie, le juge pourra toujours autoriser le tuteur à vendre des instruments financiers, à charge pour celui-ci d'en rendre compte sans délai au conseil de famille qui décidera du remploi des fonds. Ces dispositions ne trouveront à s'appliquer qu'à la tutelle d'un mineur ou à celle d'un majeur pour laquelle un conseil de famille a été institué. L'obligation de faire réaliser une mesure d'instruction ou de recueillir l'avis de deux professionnels s'imposera au tuteur si les valeurs ne sont pas cotées.

Art. 506 du code civil : Autorisation des transactions et des compromis

Cet article étend aux compromis l'obligation d'autorisation actuellement prévue pour les transactions.

En application de l'article 467, le tuteur ne peut aujourd'hui transiger au nom du tutélaire qu'après avoir fait approuver par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge les clauses de la transaction.

Conformément à cet article, l'article L. 21-15 du code des assurances oblige l'assureur à soumettre au conseil de famille ou au juge des tutelles tout projet de transaction relatif à un mineur ou à un majeur en tutelle.

Il est explicitement prévu d'appliquer le même régime :

- aux compromis, c'est-à-dire aux conventions spécifiquement conclues pour faire régler par l'arbitrage un litige déjà né ;

- à toute clause compromissoire insérée dans un contrat pour définir les modalités de règlement, par l'arbitrage, d'un éventuel litige à venir dans l'exécution du contrat.

Ces deux catégories d'actes peuvent en effet avoir des conséquences importantes sur le patrimoine du tutélaire, équivalentes à celles d'un acte d'aliénation.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

Art. 507 du code civil : Autorisation du partage

Cet article maintient le régime du partage à l'égard du tutélaire, rénové par l'article 29 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Avant cette réforme, le partage judiciaire était la règle, et le partage amiable sous contrôle judiciaire l'exception, lorsque l'un des successibles était un mineur ou un majeur en tutelle. Il revenait au conseil de famille ou, à défaut, au juge d'autoriser le partage amiable, et de désigner un notaire. L'état liquidatif du partage était soumis à l'homologation par le tribunal de grande instance, et le non-respect des formes prescrites avait pour effet de ne rendre le partage que provisionnel.

Tout en maintenant la possibilité, pour le conseil de famille ou le juge de décider un partage judiciaire, la loi du 26 juin 2006 a simplifié la procédure de partage amiable, en supprimant l'obligation d'homologation judiciaire et en donnant au conseil de famille ou au juge le pouvoir d'approuver seul l'état liquidatif.

Le projet de loi modifie la rédaction issue de la loi du 26 juin 2006, afin de donner explicitement au juge, en cas de tutelle d'un majeur constituée sans conseil de famille, la possibilité d'exercer les pouvoirs normalement dévolus au conseil de famille.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

Art. 507-1 et 507-2 du code civil : Autorisation de l'acceptation d'une succession et de la renonciation à celle-ci

Ces articles maintiennent les règles selon lesquelles un tuteur peut accepter une succession ou y renoncer au nom du tutélaire, prévues par la loi du 26 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités et énoncées aux articles 460 et 461 actuels.

Si le tuteur peut accepter seul une succession à concurrence de l'actif net, il doit être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge des tutelles pour l'accepter purement et simplement. Cette autorisation se concrétise par une délibération spéciale du conseil de famille ou une décision spéciale du juge.

Il ne peut renoncer à une succession échue au tutélaire que sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge.

De même, le tuteur ne peut révoquer la renonciation à une succession échue au tutélaire qu'après avoir obtenu du conseil de famille (ou du juge) une nouvelle délibération (ou une nouvelle décision) autorisant une telle révocation. La renonciation peut également être révoquée par le mineur lorsqu'il devient majeur.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée a précisé qu'un majeur protégé devenu capable pouvait révoquer lui-même la renonciation à une succession future, tout comme un mineur devenu majeur.

Art. 508 du code civil : Autorisation exceptionnelle de l'achat et de la prise à bail ou à ferme d'un bien de la personne protégée par son tuteur

Cet article donne au conseil de famille le pouvoir d'autoriser le tuteur, lorsqu'il a été choisi parmi les proches de la personne protégée, à acheter ou prendre à bail ou à ferme les biens du tutélaire, par dérogation à l'article 509.

En l'état du droit, seule est autorisée la prise à bail d'un bien du tutélaire par l'intermédiaire du subrogé tuteur (dernier alinéa de l'article 450).

L'achat ou la prise à bail ou à ferme d'un bien du tutélaire par son tuteur peut en effet être dans l'intérêt patrimonial du premier. Le tuteur est parfois la seule personne pouvant acheter un bien appartenant à la personne protégée, par exemple quand il possède des parcelles contiguës ou quand il est en indivision avec le tutélaire et souhaite racheter sa part indivise. Cette situation n'est pas rare dans le cas de tutelles comportant des propriétés foncières agricoles et lorsque le tuteur est agriculteur.

La dérogation prévue par cet article est strictement encadrée :

- elle ne peut jouer qu'en cas de tutelle confiée à l'entourage de la personne protégée, et ne peut bénéficier qu'au conjoint du tutélaire, au partenaire qui lui est lié par un pacte civil de solidarité, à un parent, à un allié ou à un proche. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs en sont donc exclus ;

- elle ne peut être décidée qu'à titre exceptionnel et si elle sert les intérêts du tutélaire ; en conséquence, une vente ou une mise à bail ou à ferme qui servirait les seuls intérêts du tuteur reste impossible.

En outre, pour la conclusion de l'acte, le tuteur sera réputé être en opposition d'intérêts avec le tutélaire. En conséquence, les dispositions des articles 410 et 455 s'appliqueront de droit : l'acte de vente ou de mise à bail ne pourra être passé que par le subrogé tuteur s'il a été institué ; dans le cas contraire, le tuteur devra demander au juge de nommer un tuteur ad hoc qui passera l'acte au nom du tutélaire.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi exigeait que l'achat ou la prise à bail d'un bien du tutélaire par son tuteur servît exclusivement l'intérêt du premier. Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé cette restriction et autorisé qu'une telle opération soit réalisée dans l'intérêt des deux parties.

Paragraphe 3
Des actes que le tuteur ne peut accomplir
Art. 509 : Interdiction de l'aliénation gratuite, de l'acquisition d'un droit ou d'une créance détenu par un tiers, de l'exercice du commerce ou d'une profession libérale, et de l'achat ou de la prise à bail ou à ferme

Cet article désigne les actes qui sont exclus de la gestion tutélaire. Il maintient le droit en vigueur, en regroupant des dispositions du code civil actuellement éparses.

Certains actes sont interdits au tuteur en raison de leur nature.

Ainsi, le tuteur ne peut jamais aliéner à titre gratuit des biens ou des droits du tutélaire (1°). Cette interdiction ne fait cependant pas obstacle à ce qu'il soit autorisé à consentir une donation au nom du majeur en tutelle en application des dispositions spécifiques prévues en la matière (actuel article 505 du code civil, repris à l'article 476). Sont visées :

- la remise de dette ;

- la renonciation gratuite à un droit acquis (dont l'interdiction ne résulte actuellement que d'une lecture a contrario de l'article 389-5 du code civil) ;

- la mainlevée d'une hypothèque ou d'une sûreté sans paiement de la créance garantie (par ailleurs interdite par l'article 2440 du code civil) ;

- la constitution gratuite d'une servitude ou d'une sûreté pour garantir la dette d'un tiers. Ainsi, conformément aux articles 2295 et 2415 du code civil, le tuteur ne peut ni faire cautionner la dette d'autrui par le tutélaire, ni hypothéquer un bien du tutélaire pour sûreté de la dette d'autrui.

De même, le tuteur n'est jamais autorisé à acquérir d'un tiers un droit ou une créance détenue contre le tutélaire (2°). Actuellement prévue par le troisième alinéa de l'article 450 du code civil, cette interdiction a pour but d'éviter les spéculations aux dépens du tutélaire.

Il est en outre interdit au tuteur de se substituer au tutélaire pour exercer le commerce ou une profession libérale (3°). Cette disposition reprend une règle actuellement prévue par l'article 487 du code civil.

Les actes visés au 4° sont interdits à raison de l'opposition d'intérêts qu'ils susciteraient : le tuteur ne peut ni acquérir les biens du tutélaire, ni les prendre à bail ou à ferme. Cette disposition reprend la règle actuellement prévue par le troisième alinéa de l'article 450 du code civil. Elle ne jouera désormais pas s'il est fait application de l'exception prévue à l'article 508 au bénéfice des tuteurs choisis parmi les proches de la personne protégée. En revanche, le projet de loi supprime la possibilité pour le subrogé tuteur, autorisé par le conseil de famille, de passer bail d'un bien du tutélaire au tuteur.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a interdit au tuteur de renoncer, au nom de la personne protégée, à exercer une action en réduction dans une succession et adopté un amendement de précision.

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de permettre au tuteur, avec autorisation du juge ou du conseil de famille, de renoncer au nom de la personne protégée à exercer l'action en réduction ou revendication contre les tiers détenteurs des immeubles faisant partie des libéralités en application de l'article 924-4 du code civil. Cette renonciation est indispensable pour assurer la sécurité juridique des ventes de biens ayant pour origine de propriété une donation.

* 111 cf. infra les articles 505 à 508.

* 112 cf. infra l'article 504.

* 113 Cf les articles 409 et 454.

* 114 Article 401.

* 115 Article 419.

* 116 Sur la notion de fiducie, voir le rapport n° 11 (Sénat, 2005-2006), p. 9.

* 117 Proposition de loi n° 178 (Sénat, 2004-2005).

* 118 Voir infra, le commentaire de l'article additionnel avant l'article 20.

* 119 Cass 1 ère civ, 21 juin 1989.

* 120 Cass 1 ère civ, 21 mars 1966.

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