III. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ADOPTER PARTIELLEMENT LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI

A. PRENDRE L'INITIATIVE DE LA RÉFORME DU MODE DE SCRUTIN DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE

Votre commission constate tout d'abord que les règles électorales du « statut Joxe » de 1991 sont aujourd'hui inadaptées car elles ne permettent pas à l'Assemblée de Corse de disposer d'une majorité stable de gestion.

Elle tient ensuite à saluer l'initiative de notre collègue Alfonsi, non seulement car elle souligne l'urgence de régler une question trop longtemps en suspens mais aussi car elle illustre la vocation du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République aux termes de l'article 24 de la Constitution, à mettre en lumière les difficultés que connaissent ces dernières et à proposer des solutions pour les régler.

Elle insiste notamment sur l'effet néfaste de l'absence de seuil de fusion des listes entre les deux tours de l'élection, ainsi que sur la faiblesse de la prime majoritaire.

En effet, en Corse, où « la faiblesse numérique du corps électoral (...), l'existence d'une micro-société où l'on ne mesure pas toujours le prix du suffrage et dans laquelle les relations personnelles jouent un rôle important et dépassent les considérations idéologique » et « constituent autant de raisons conduisant à la multiplication des listes » 22 ( * ) , les règles actuelles permettent à des minorités peu représentatives d'être intégrées sur des listes présentes au second tour de l'élection et de siéger à l'Assemblée de Corse, et contribuent à la dispersion de la représentation politique au sein de cette dernière.

Cela a été rappelé, à l'heure actuelle, neuf groupes politiques (dont trois comprennent seulement deux élus) siègent à l'Assemblée de Corse, favorisant de facto son instabilité et la nécessité de compromis permanents pour trouver des majorités de « circonstance » lors des votes.

L'adoption de décisions importantes pour l'avenir de la collectivité en est retardée, au risque de fragiliser la confiance des citoyens envers l'efficacité des instances élues qui les représentent.

L'augmentation des seuils permettrait de limiter l'accès à l'Assemblée de Corse aux seules sensibilités politiques représentatives et d'assurer plus facilement l'existence d'une majorité stable de gestion.

En 2003, lors du débat en première lecture au Sénat, sur la loi n° 2003-1201 du 18 décembre 2003 relative à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse, notre collègue Nicolas Alfonsi avait déjà présenté cette réforme par voie d'amendement (le seuil de fusion proposé étant alors de 3% des suffrages exprimés). Le Sénat avait alors rejeté cette proposition en constatant la proximité des élections à l'Assemblée de Corse. Le Gouvernement avait aussi insisté sur l'absence d'accord local quant à la modification du mode de scrutin.

A cet égard, votre commission note avec intérêt qu'aujourd'hui, tous les parlementaires de Corse consultés par votre rapporteur, ainsi que M. Ange Santini, président du conseil exécutif de Corse, ont indiqué partager l'objectif de notre collègue de dégager une majorité stable de gestion au sein de l'Assemblée. Ils se différencient néanmoins sur les moyens d'y parvenir.

MM. Paul Giacobbi, député, et notre collègue François Vendasi, sénateur, ont considéré que la solution retenue par la proposition de loi n°156 semblait opportune.

M. Camille de Rocca Serra, député et président de l'Assemblée de Corse, s'il estime nécessaire la réforme du mode de scrutin selon des modalités proches de celles de la proposition de loi, en conteste le calendrier. Lors de son audition par le rapporteur, il a estimé que la réflexion sur ce sujet ne pouvait avoir lieu sereinement avant les échéances électorales nationales de cette année et, tout comme M. Ange Santini, que l'Assemblée de Corse, quel que soit le vecteur législatif utilisé, devait être nécessairement consultée sur la réforme envisagée de son mode de scrutin.

M. Simon Renucci, député, a souhaité le maintien d'un seuil d'accès au second tour inchangé à 5% des suffrages exprimés mais s'est déclaré favorable à l'augmentation de la prime majoritaire à 5 sièges ainsi qu'à la fixation d'un seuil de fusion des listes égal à 5% des suffrages exprimés.

M. Emile Zuccarelli, député, était lui aussi intervenu lors du débat sur la loi n° 2003-1201, à l'Assemblée nationale mais pour proposer d'aligner le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse sur celui qui existe pour l'élection des conseils régionaux. Il a rappelé, lors de son audition, qu'il avait depuis déposé une proposition de loi pour procéder à cette harmonisation, estimant qu'aucune spécificité corse ne justifiait aujourd'hui le maintien de règles dérogatoires pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse 23 ( * ) .

Votre commission constate que ces différences exprimées par les élus de l'île sur l'évolution nécessaire des modalités d'élection de l'Assemblée de Corse ne sont pas insurmontables et, que la proposition de notre collègue Alfonsi constitue une solution « médiane » équilibrée qui peut servir de base aux discussions à venir sur la réforme du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse.

D'autres seuils, peut-être mieux adaptés à la situation locale et plus consensuels, pourront être ultérieurement fixés lors de ces discussions à venir, la navette parlementaire n'ayant pas de tempo impératif en la matière.

Elle constate que la présente réforme, même adoptée par le Sénat, ne saurait être examinée par l'Assemblée nationale avant la fin de la législature en raison de l'encombrement du calendrier parlementaire.

La consultation de l'Assemblée de Corse sur la modification envisagée de son mode de scrutin , qui n'est pas légalement obligatoire s'agissant d'un dispositif issu d'une proposition de loi, apparaît cependant nécessaire pour trouver la solution la plus équilibrée .

En effet, un consensus local est une condition du succès de la réforme.

Aussi, après l'adoption du présent texte par le Sénat, ce texte pourrait-il être soumis à l'Assemblée de Corse en attendant d'être éventuellement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale renouvelée.

Si cet accord était trouvé, la modification du mode de scrutin pourrait être utilement complétée par une adaptation du règlement intérieur de l'Assemblée de Corse destinée à augmenter le nombre d'élus nécessaire pour former un groupe en son sein.

Sous ces réserves, votre commission vous propose d'adopter la modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse prévue par la proposition de loi n° 156 . Le seuil de fusion des listes serait donc fixé à 5% des suffrages exprimés et la prime majoritaire attribuée à la liste victorieuse serait établie à 6 sièges.

Cependant, dans un souci de clarté et d'harmonisation avec les dispositions de droit commun du code électoral (qui fixent généralement les divers seuils d'une élection à l'aide de nombres entiers), votre commission vous propose dans ses conclusions, de fixer à 7% des suffrages exprimés le seuil d'accès des listes au second tour.

* 22 Exposé des motifs de la proposition de loi n° 156.

* 23 Proposition de loi n° 1569 (douzième législature) relative à la réforme du mode de scrutin pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse.

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