C. UN DÉCALAGE CROISSANT À COMBLER FACE AUX UNIVERSITÉS ÉTRANGÈRES

Chaque année, à l'occasion du rapport sur le budget de l'enseignement supérieur qu'il présente à votre commission sur le projet de loi de finances, votre rapporteur analyse les récentes réformes engagées dans certains pays dans lesquels il a effectué de brèves missions. C'est ainsi, par exemple, qu'il a évoqué, au cours des dernières années, les systèmes d'enseignement supérieur en vigueur aux États-Unis, en Suède, en Allemagne et en Grande-Bretagne.

Si votre rapporteur a pleinement conscience que les traditions et cultures de ces pays sont différentes des nôtres et ne sauraient constituer un « modèle », il ne doute pas en revanche que, dans un contexte de mondialisation croissante et d'approches comparatives généralisées des systèmes d'enseignement supérieur et de recherche, les évolutions en cours dans les pays étrangers ne seront pas sans impact sur l'évolution de notre propre système, confronté aux mêmes défis et difficultés.

C'est pourquoi il lui a semblé intéressant de mettre en perspective, dans le présent rapport, les systèmes d'un certain nombre de pays de l'OCDE pour ce qui concerne les trois thèmes en relation directe avec le projet de loi :

- le statut des établissements et leurs relations avec les tutelles ;

- les doctrines et les pratiques relatives à l'autonomie des universités. Dans ce domaine, même si le contenu et l'ampleur reconnus à l'autonomie des universités varie d'un pays à l'autre, les solutions mises en oeuvre ont trait au statut et à la carrière des enseignants, au financement et à la gestion financière des institutions, au développement de l'offre de formation ;

- l'organisation interne des établissements. On relèvera, à cet égard, d'importantes disparités quant à l'identification des principaux responsables exécutifs des établissements, à leurs missions et à leur mode de désignation ainsi qu'une certaine diversité dans l'organisation et les modes de désignation des instances collégiales, toujours présentes dans les systèmes de gouvernance au niveau des établissements.

1. Le statut des établissements et leurs relations avec les tutelles

a) Les choix relatifs à l'homogénéité ou à l'hétérogénéité des établissements

La dualité entre universités et grandes écoles est souvent présentée comme un caractère distinctif du système français d'enseignement supérieur. De fait, l'analyse montre que tous les systèmes étudiés présentent un certain caractère d'hétérogénéité. Ce qui est caractéristique d'un pays à l'autre, ce n'est donc pas la disparité des institutions d'enseignement supérieur, c'est la façon dont celles-ci sont articulées au regard de trois options structurelles.

La place des universités parmi l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur

Dans certains pays, les universités de plein exercice sont les institutions d'enseignement supérieur de référence ; elles sont souvent les plus anciennes, les plus prestigieuses et les plus puissantes. Elles peuvent être organisées de façon à développer des écoles ou des collèges internes dans certains champs disciplinaires comme c'est le cas pour les grandes universités de recherche des États-Unis. Les écoles ou instituts qui existent par ailleurs hors des universités sont alors orientés vers des formations spécialisées, parfois à caractère technologique ; elles n'ont pas vocation à intervenir dans le champ des formations académiques de haut niveau (formations doctorales) ou en matière de recherche. Ainsi l'Allemagne a créé au début des années 1970, à côté des universités traditionnellement vouées à la formation par la recherche, des écoles supérieures de sciences appliquées (Fachhochschulen) répondant à des besoins de formations professionnalisantes. Ces établissements accueillent désormais près de 30 % des étudiants.

La place respective des universités publiques et des universités privées

Dans de nombreux pays étudiés, les universités sont des entités publiques.

Lorsque les universités privées existent, une distinction majeure doit être introduite parmi elles :

- Certaines d'entre elles sont des institutions anciennes dotées d'une large autonomie, garantie par des actes juridiques solennels (ce sont des chartes royales, des actes parlementaires ou l'octroi de privilèges qui ont fondé certaines universités traditionnelles) et par un patrimoine propre incluant des actifs liquides ou immobilisés de grande valeur (« l' endowment » des universités nord-américaines). Ces établissements disposent d'une assise institutionnelle et financière qui leur permet de développer des stratégies scientifiques à long terme, en leur garantissant une large indépendance dans leur choix d'orientation et dans le déploiement de leurs projets.

Dans certains pays, les institutions privées ont réalisé une véritable percée, en s'appuyant sur des liens privilégiés avec les milieux économiques et en facturant des droits d'inscription qui contribuent de façon significative à leur financement. C'est le cas dans plusieurs pays asiatiques et notamment au Japon, en Corée et en Inde.

- Dans d'autres pays, les universités privées restent des établissements dotés d'une structure académique et financière restreinte se cantonnant principalement dans des domaines professionnels et dans des formations exécutives pour lesquels un marché solvable de formation initiale ou de formation continue peut être identifié.

Qu'elles soient publiques ou privées, les grandes universités et les grands établissements de référence restent, le plus souvent, dépendants de sources de financement et de principes d'organisation ou de fonctionnement qui relèvent de mécanismes hors marché : financement public, intervention de fondations à but non lucratif, obtention de dotations en capital grâce à des libéralités, contributions volontaires d'anciens élèves stimulées par des incitations fiscales.

Le niveau de différenciation accepté entre les universités

À l'intérieur du réseau des universités, les pays se distinguent par leur attitude à l'égard de la différenciation entre établissements.

Dans certains d'entre eux, les universités de plein exercice bénéficient d'un statut homogène, voire uniforme, et de relations avec les tutelles fondées sur des modèles d'organisation et de financement standardisés. Dans d'autres, une très forte différenciation entre établissements universitaires est acceptée, voire encouragée par les autorités de tutelle.

Ainsi, la différenciation est bien acceptée aux États-Unis ou au Royaume-Uni entre grandes universités de recherche et établissements spécialisés. Elle s'applique soit dans certains champs disciplinaires, soit dans des formations à orientation technologique dédiées à des secteurs d'activité économique ciblés. Mais elle peut également être observée à propos de programmes de proximité (sur le modèle des « community colleges » aux États-Unis), qui développent une exigence de qualité dans le cadre de leurs missions propres : si de tels établissements ne peuvent ambitionner de collectionner les prix Nobel, ils peuvent chercher à servir le territoire dans lequel ils sont insérés de la façon la plus pertinente et la plus efficace.

De même, dans les pays d'Asie, la différenciation des établissements par leur niveau et la publication de classements qui la traduisent sont de règle. Loin de susciter des réserves inspirées par la crainte d'une « université à deux vitesses », l'étalonnage systématique des niveaux qualitatifs est alors perçu comme un facteur d'émulation et de dynamisation du dispositif.

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