EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Si les 8,5 millions de chiens qui vivent sur notre territoire ne sont pas tous menaçants en tant que tels, ce nombre important contribue par définition à accroître la probabilité d'attaques ou d'accidents impliquant ces animaux.

Et si leurs maîtres ne sont pas tous des inconscients, force est de constater la récurrence du problème posé pour la société par des animaux agressifs qui, en raison de leur mode de garde ou parce qu'ils échappent au contrôle de leurs détenteurs, attaquent les personnes et sont à l'origine de blessures graves. Ainsi, depuis 1989, 30 personnes ont été tuées par des chiens.

En 1999 pourtant, le développement rapide de l'utilisation des « pitbulls » par des délinquants pour menacer et attaquer les personnes avait entraîné une réaction rapide et ferme du législateur, qui avait défini les chiens susceptibles d'être dangereux en deux catégories, prévu l'extinction progressive des plus agressifs en imposant leur stérilisation, obligé leurs détenteurs à les déclarer à la mairie, limité leur circulation dans les espaces publics et donné aux maires les pouvoirs nécessaires pour isoler et faire disparaître les animaux constituant un danger.

Ce dispositif, complété en 2001 et en 2007, a permis de limiter le nombre de chiens d'attaque et de mieux assurer leur suivi. Les animaux représentant un danger grave et immédiat ont pu être maîtrisés et euthanasiés et les infractions pénales sanctionnant une utilisation illicite de ces chiens apparaissent dissuasives.

Toutefois, les tragiques accidents qui ont endeuillé l'année 2007, ont mis à jour l'impact trop limité du droit en vigueur pour lutter contre les chiens « mordeurs », à l'origine d'un nouveau sentiment d'insécurité dans la population.

Si elle a pu enrayer la délinquance utilisant des chiens, la loi de 1999 n'a pas permis de faire disparaître l'ensemble des chiens les plus dangereux, dits de « première catégorie », comme le souhaitait le législateur de l'époque. De plus, le nombre de chiens de deuxième catégorie demeure très important.

Certains propriétaires de chiens dangereux irresponsables ont pu refuser de les déclarer à la mairie et, pour les chiens de première catégorie, de les stériliser.

Mais surtout, ce sont des chiens non classés comme dangereux par la loi qui sont à l'origine des drames récents, qui, en outre, ont été moins le fait de délinquants que d'animaux non contrôlés dans un contexte familial ou de voisinage. Ces évènements ont malheureusement souligné l'incapacité de certaines personnes à maîtriser leur animal de compagnie .

Ce constat rappelle que tout chien peut être dangereux à cause de ses modalités de détention.

Une nouvelle adaptation de la législation semble donc aujourd'hui nécessaire, tant pour mieux contrôler la population des chiens dangereux, que pour responsabiliser leurs détenteurs.

I. LE RENFORCEMENT PROGRESSIF DU CONTRÔLE DES CHIENS DANGEREUX

A. LA LOI DU 6 JANVIER 1999 A PRÉVU L'EXTINCTION PROGRESSIVE DES CHIENS LES PLUS DANGEREUX ET IMPOSÉ UNE DÉCLARATION À LEURS DÉTENTEURS

1. Face à une violence inédite, en 1996, le législateur a assimilé un animal à une arme

Le phénomène des animaux dangereux n'est pas nouveau. Dans l'imaginaire collectif, un animal comme le loup demeure souvent perçu comme menaçant en souvenir de l'époque où il rôdait autour des villages.

Chiens et chats errants ont de même depuis longtemps été considérés comme des facteurs potentiels de troubles à l'ordre public, en raison des risques sanitaires qu'ils peuvent représenter mais aussi de leurs divagations sur les terrains privés ou sur la voie publique.

Le maire dispose traditionnellement, au titre de son pouvoir de police, des moyens de prévenir ou de mettre fin à la divagation de chiens et de chats sur le territoire communal , qui est susceptible de provoquer des dégradations et des accidents. La police municipale comprend ainsi « le soin d'obvier ou de remédier aux évènements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces » 1 ( * ) .

Par ailleurs, droit civil et droit pénal ont prévu de longue date la responsabilité du propriétaire ou du gardien d'un animal dangereux en cas de troubles.

Le code civil (article 1385) prévoit ainsi que « le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ».

Le code pénal, dans sa partie réglementaire, sanctionne de manière spécifique :

- le fait, par le gardien d'un animal susceptible de présenter un danger pour les personnes, de laisser divaguer cet animal, de l'amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe 2 ( * ) ;

- le fait, par ledit gardien d'exciter ou de ne pas retenir cet animal lorsqu'il attaque ou poursuit un passant, alors même qu'il n'en est résulté aucun dommage, de l'amende prévue pour les contraventions de troisième classe 3 ( * ) .

Mais, dans les années 90, est apparue une nouvelle forme de violence impliquant des chiens de type molossoïde , que M. Georges Sarre, auteur d'un rapport remis au ministre de l'intérieur sur le sujet 4 ( * ) , définissait en ces termes : « dans le public jeune et urbain en particulier, le pitbull et les autres chiens d'attaque sont un symbole de puissance et un reflet de l'agressivité du maître, ils sont utilisés pour établir un rapport de force, d'intimidation ou de violence envers autrui. Il semble incontestable que l'augmentation du nombre de ces chiens [alors au nombre de 40.000 selon une estimation du ministère de l'intérieur] va de pair avec l'aggravation de la crise économique, de la déstructuration sociale, ainsi qu'avec la précarité grandissante qui affecte des franges importantes de la population (...) Tous les spécialistes s'accordent pour dire que la majorité des acheteurs potentiels s'intéresse d'autant plus à un chien ou à une espèce de chien que celui-ci est agressif ou potentiellement dangereux, d'où l'évolution du marché, du pitbull vers d'autres hybrides encore plus redoutables ».

C'est pourquoi, en 1996, le législateur a assimilé à l'usage d'une arme 5 ( * ) l'utilisation d'un animal pour tuer, blesser et menacer .

Comme le soulignait notre ancien collègue Lucien Lanier, rapporteur pour avis de votre commission lors des débats sur la loi relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, « cette assimilation emporte deux conséquences :

- tout d'abord, elle entraîne une aggravation de la peine encourue en cas de violences graves, l'usage ou la menace d'une arme constituant une circonstance aggravante ;

- surtout, l'assimilation de l'animal à une arme conduit à transformer en délits des comportements qui, sans cette assimilation, constitueraient de simples contraventions . » 6 ( * )

* 1 Article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

* 2 Article R622-2 du code pénal.

* 3 Article R623-3 du code pénal.

* 4 Ce rapport concernait « les mesures à prendre pour réglementer la vente, la possession et l'usage des chiens d'attaque ».

* 5 Article 132-74 du code pénal.

* 6 Avis n°431 (1997-1998).

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