II. LE PROJET DE FUSION ENTRE L'ANPE ET LES ASSEDIC

Le projet de loi propose une ambitieuse réforme de structure, dont le succès dépendra de la préservation de certains équilibres soigneusement négociés.

A. LE PÉRIMÈTRE DE LA FUSION

On l'a dit, le projet de fusion concerne l'ANPE et le réseau opérationnel de l'Unedic ; cette dernière va subsister avec pour tâche de gérer la convention d'assurance chômage.

1. Le nouvel opérateur issu de la fusion

La fusion donnera naissance à un nouvel opérateur du service public de l'emploi, qui remplira les missions aujourd'hui dévolues aux deux institutions.

a) L'organisation du nouvel opérateur


• Sa nature juridique

Divers éléments, tels que les modalités de désignation de son directeur général ou son mode de financement, apparentent le nouvel opérateur à la catégorie des établissements publics administratifs.

Le projet de loi ne retient pourtant pas cette qualification juridique et désigne simplement l'opérateur comme une « institution nationale », dont le statut serait donc sui generis .

Ceci conduit à préciser dans le projet de loi les règles statutaires applicables à la nouvelle institution, par exemple sur le plan comptable. Dans le même esprit, votre commission juge utile d'en compléter le texte pour déterminer les règles applicables à l'opérateur en matière de passation de marchés.


• Ses missions

Le nouvel opérateur sera chargé du placement des demandeurs d'emploi et de leur indemnisation. Il s'adressera à deux catégories d'usagers : les demandeurs d'emploi et les employeurs. Les personnes qui disposent déjà d'un emploi mais qui veulent en changer auront bien sûr également accès à ses services.


• Sa gouvernance

Au niveau national, l'opérateur sera gouverné par un conseil d'administration de dix-huit membres, dans lequel les partenaires sociaux seront majoritaires. Sa direction opérationnelle sera assurée par un directeur général nommé par le Gouvernement.

Afin de renforcer le lien entre le conseil d'administration et son directeur général, votre commission souhaite que le conseil d'administration puisse demander la révocation du directeur général, sous une condition de majorité renforcée.

L'opérateur disposera de directions régionales, qui concluront une convention annuelle avec le préfet de région pour déterminer de quelle manière les interventions de l'opérateur s'adapteront à la situation locale de l'emploi.

Pour mieux associer les collectivités territoriales à la définition des interventions au niveau local, votre commission suggère de faire figurer dans la loi les conseils régionaux de l'emploi, dont la création est prévue par décret.


• Son budget

Pour qu'il n'y ait pas de confusion possible entre les dépenses qui relèvent de l'assurance chômage et celles qui incombent à l'Etat ou au fonds de solidarité, le projet de loi prévoit de répartir ces dépenses entre deux sections, non fongibles, du budget du nouvel opérateur.

Une troisième section rassemblerait les dépenses de fonctionnement du nouvel opérateur (personnel, investissements immobiliers...) et les dépenses d'intervention consenties au profit des demandeurs d'emploi.

Votre commission redoute que le regroupement de ces deux types de dépenses dans une même section ne complique les négociations salariales au sein du nouvel opérateur : il conduit en effet à devoir arbitrer entre revalorisation des salaires et augmentation des dépenses qui bénéficient aux chômeurs. Pour éviter une telle situation, votre commission propose de séparer ces deux catégories de dépenses en créant une section supplémentaire dans le budget de l'opérateur.

b) Le personnel du nouvel opérateur


• Les perspectives d'évolution des effectifs

Le ministre de l'emploi, Christine Lagarde, a pris l'engagement que la fusion ne s'accompagnerait d'aucune suppression d'emploi et qu'aucun salarié ne se verrait imposer de mobilité forcée.

Les besoins sont considérables en matière d'accompagnement des demandeurs d'emploi, mais aussi d'aide au recrutement pour les entreprises, notamment dans les secteurs en tension, de sorte que les salariés dont le poste serait remis en cause du fait de la fusion devraient pouvoir aisément être réaffectés à d'autres fonctions, sous réserve d'un important effort de formation, qu'il convient de planifier dès à présent.

Rappelons que l'objectif du Gouvernement est de parvenir à ce que l'on compte, à terme, un conseiller pour l'emploi pour trente demandeurs d'emploi, contre cent vingt actuellement.


• Le statut du personnel

On l'a vu, les personnels de l'ANPE et des Assedic sont aujourd'hui soumis à des statuts très différents.

Le projet de loi fixe une règle de principe : les salariés du nouvel opérateur seront des salariés de droit privé, régis par le code du travail et par une convention collective qui leur apportera les garanties nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Cette convention sera négociée entre la direction et les syndicats représentatifs.

Toutefois, les agents de l'ANPE auront la possibilité, s'ils le souhaitent, de conserver leur statut de droit public. Ils disposeront d'un an, une fois la nouvelle convention collective signée et agréée, pour opter pour ce régime ou conserver leur statut public. Ce délai leur permettra de comparer les deux régimes et de choisir celui qui leur paraît le plus intéressant.

Les salariés des Assedic ne bénéficieront pas d'un tel droit d'option et seront soumis automatiquement à la nouvelle convention collective qui se substituera à celle qui les régit actuellement. Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur ont montré que cette automaticité suscite des inquiétudes chez les salariés des Assedic, qui craignent que le nouveau régime leur soit moins favorable.

Votre commission n'a cependant pas retenu l'idée de créer un « droit d'option » à leur profit, considérant que la coexistence, dans une même institution, de deux conventions collectives et d'un statut réglementaire entraînerait une excessive complexité de gestion.

Elle estime en outre très improbable que la nouvelle convention soit en recul par rapport à celle aujourd'hui en vigueur : pourquoi les représentants syndicaux accepteraient-ils de signer un accord moins favorable aux salariés ?

La nouvelle convention couvrira par ailleurs les salariés recrutés après la fusion, ce qui devrait inciter tous les syndicats, même ceux qui sont essentiellement représentés à l'ANPE comme l'Unsa 4 ( * ) ou le SNU 5 ( * ) , à se montrer exigeants.

Soucieuse de réussir la fusion, la direction du nouvel opérateur n'aurait également guère intérêt à conclure une convention en retrait par rapport à la convention Assedic, susceptible de provoquer le mécontentement du personnel et une méfiance peu propice à son succès.

Pour ces raisons, votre commission est persuadée que le nouveau statut retiendra « le meilleur » des deux statuts en vigueur. Compte tenu de l'écart positif existant entre les salaires versés aux Assedic et ceux versés à l'ANPE, la réforme pourrait d'ailleurs avoir un coût budgétaire non négligeable si un nombre important d'agents de l'ANPE opte pour la nouvelle convention collective.

c) Les biens immobiliers et le réseau de l'institution

Le projet de loi prévoit que les biens appartenant à l'ANPE seront transférés, en pleine propriété et à titre gratuit, au nouvel opérateur.

Pour les biens des Assedic, la situation est juridiquement plus complexe, une association ne pouvant donner son patrimoine qu'à une autre association. Selon Annie Thomas, présidente de l'Unedic, les Assedic, au moment de leur dissolution, transféreront leurs biens à l'Unedic, qui les mettra ensuite à disposition du nouvel opérateur pour un montant symbolique 6 ( * ) .

La fusion donnera l'occasion de réorganiser le réseau de l'ANPE et des Assedic, notamment dans les grandes agglomérations. En cas de proximité excessive entre une agence locale pour l'emploi et une antenne Assedic, il sera possible d'envisager, à terme, une implantation unique. Le nouvel opérateur définira la configuration de son réseau.

La fusion ne saurait en revanche servir de prétexte à un desserrement du maillage territorial de l'institution dans les zones rurales.

* 4 L'Unsa est l'union nationale des syndicats autonomes.

* 5 Le syndicat national unitaire (SNU), premier syndicat à l'ANPE, est affilié à la fédération syndicale universitaire (FSU).

* 6 Cf. compte rendu de l'audition p. 58.

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