II. LA NÉCESSITÉ D'UN MEILLEUR CONTRÔLE DE CES MESURES D'ALLÉGEMENT

Afin de corriger cette anomalie, la Mecss a suggéré de donner aux lois de financement un rôle central en matière de contrôle des niches sociales, en en faisant le « passage obligé » de l'ensemble des mesures d'exonération ou d'allégement de charges.

Ce faisant, elle fait écho à une proposition présentée précédemment par la commission des affaires sociales lors de l'examen de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Une solution identique a également été défendue dans le rapport de la mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales sur l'articulation entre les finances de l'Etat et de la sécurité sociale, présenté en mars 2007.

La présente proposition de loi organique constitue simplement la traduction de cet objectif commun .

Elle propose que la création ou la modification d'exonérations ainsi que les changements apportés aux règles d'assiette puissent continuer d'intervenir dans le cadre des lois ordinaires, mais en n'accordant à ces mesures qu'un caractère provisoire.

En effet, toute prorogation au-delà de l'exercice en cours nécessitera une approbation en loi de financement . Cela permettra d'accompagner les dispositifs concernés d'une première étude d'impact. Cela donnera aussi au Parlement la possibilité de s'assurer d'un niveau adéquat de compensation.

Cette procédure devrait surtout interdire le contournement, trop souvent constaté, du principe, de valeur organique, selon lequel il ne peut être dérogé à la règle générale de compensation qu'en loi de financement de la sécurité sociale 3 ( * ) .

Dans ce cadre, la rédaction retenue pour l'article unique de cette proposition de loi organique n'a pas pour objet d'instaurer un monopole de la loi de financement sur les mesures d'exonération de charges sociales . Un tel monopole ne serait en effet pas conforme à la Constitution car il remettrait en cause le droit d'initiative parlementaire.

En revanche, conférer une sorte d'exclusivité de la loi de financement pour la prolongation de ces dispositifs paraît de nature à lever ces objections.

En tout état de cause, comme le souligne le rapport de la mission Igas-IGF, « les mécanismes juridiques, aussi élaborés soient-ils, sont impuissants à juguler un problème s'ils ne sont pas accompagnés par une volonté soutenue. Ainsi, l'adoption de la loi organique n'a pas empêché le vote de mesures non compensées hors PLFSS et il serait d'ores et déjà possible aux décideurs publics d'arrêter la multiplication de ces mesures ou à tout le moins, d'en étudier l'impact et de consulter les acteurs pertinents (direction de la sécurité sociale, Acoss, Urssaf) avant de les soumettre au vote ».

Le dispositif proposé par l'article unique de la proposition de loi a reçu par avance l'approbation du Gouvernement . Tant Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, lors du débat sur les prélèvements obligatoires du 8 novembre dernier, qu'Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, en ont approuvé la démarche et ont souligné tout l'intérêt qui s'attachait à son adoption.


J ournal Officiel - Débats du Sénat -
Séance du 8 novembre 2007 - p. 4437

Mme Christine Lagarde , ministre (...) En réponse [à M. Vasselle], qui avait proposé que la loi de financement de la sécurité sociale soit un passage obligé pour ratifier les exonérations créées, nous ne pouvons qu'être d'accord et nous souhaitons avancer sur ce sujet important pour nos finances publiques.

De même, nous partageons son analyse selon laquelle il faut que les recettes soient le moins partagées possible entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, pour la clarté de nos débats.

M. Alain Vasselle, rapporteur . Très bien !

Mme Christine Lagarde , ministre . C'est d'ailleurs ce que fait le Gouvernement dans le projet de loi de finances, vous l'avez rappelé, en affectant tous les droits sur les tabacs et la taxe sur les salaires à la sécurité sociale.

En ce qui concerne les niches sociales,...

M. Alain Vasselle, rapporteur . Ah !

Mme Christine Lagarde , ministre . ...c'est une question importante, à laquelle le Gouvernement est sensible. La démarche qui me semble la plus fructueuse est celle du pragmatisme. Nous devons procéder au cas par cas, en examinant l'intérêt économique et social de chacune des niches, l'opportunité de leur pérennité pouvant être parfaitement appréciée à l'aune de leur caractère à durée indéterminée ou déterminée, ainsi que vous le suggériez, monsieur le rapporteur général. Cette piste intéressante me paraît digne d'être explorée et appliquée.


Journal officiel - Débats du Sénat -
Séance du 14 novembre 2007 - p. 4704

M. Eric Woerth , ministre . (...) Vous indiquez dans votre rapport que la multiplication des dispositifs d'exonération et le caractère non systématique de leur compensation ne sont pas acceptables, et vous proposez en conséquence la suppression de l'article 16.

J'en conviens volontiers, la situation n'est pas totalement satisfaisante.

La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a donné aux seules lois de financement de la sécurité sociale la capacité de prévoir - et tel est bien l'objet du débat - qu'une mesure d'exonération ne serait pas compensée.

Cette réforme, à laquelle vous avez pris, monsieur le rapporteur, une très large part, représente une avancée importante, notamment en termes de transparence, pour la sécurité sociale.

Il faut sans doute aller plus loin et ouvrir une nouvelle réflexion sur l'opportunité de confier au PLFSS le monopole de la création des dispositifs d'exonération ou, au moins, de confirmation systématique des décisions législatives prises par ailleurs.

C'est ce que vous avez proposé, monsieur le rapporteur, et le Gouvernement est prêt à y travailler : je vous l'ai dit lors de mon discours introductif et je vous le confirme.

Je suis également convaincu qu'il serait utile, dès que sont créées une exemption d'assiette ou une exonération ciblée, que soit précisément défini le financeur de cette « niche ». Trop souvent, le processus de décision déconnecte la mesure dépensière et, au bout du compte, le budget qui la porte, ce qui est déresponsabilisant.

Pour une bonne gestion des finances publiques, il faut déterminer immédiatement qui assurera la charge financière de la niche ou de l'exonération. Nous y veillerons pour tous les projets à venir.

Je pense aussi - et je rejoins en cela les propos tenus par Philippe Marini lors du débat sur les prélèvements obligatoires, voilà quelques jours - qu'il convient d'évaluer les effets économiques et sociaux de ces mécanismes. Il me paraît alors souhaitable d'adopter deux principes de bonne gestion.

Le premier consiste à fixer systématiquement une durée limitée à ces mécanismes, et ce pour deux raisons : d'une part, il serait ainsi possible de rappeler que la règle est celle de l'assujettissement de droit commun, les exemptions d'assiette ou exonérations spécifiques devant demeurer l'exception ; d'autre part, il est difficile de revenir sur ce qui a été accordé sans limite de durée. On doit pouvoir modifier les mécanismes au fur et à mesure de la montée en charge des dispositifs.

Le second principe est celui d'une évaluation des dispositifs actuels. Je ne serais pas opposé à une revue générale des exonérations, comme il en existe en d'autres domaines. Les parlementaires, notamment les sénateurs, sont également libres de se saisir de ce sujet. Cela pourrait conduire à fixer un terme à certains dispositifs, tout en se donnant un délai. Comme je le disais hier, il y a bien évidemment, derrière les dispositifs, des réalités.

Pour l'ensemble de ces motifs, votre commission vous demande d'approuver le texte de la proposition de loi organique.

* 3 En application des dispositions du IV de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale qui prévoient que « seules des lois de financement peuvent créer ou modifier des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale non compensées aux régimes obligatoires de base ». Ces dispositions ne sont pas toujours respectées, car des lois ordinaires écartant le principe de compensation entrent en vigueur sans avoir été déférées au Conseil constitutionnel qui n'est ainsi pas en mesure de faire respecter le texte de la loi organique.

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