CHAPITRE III - DISPOSITIONS APPLICABLES EN CAS D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE EN RAISON D'UN TROUBLE MENTAL

Article 3 (titre XXVIII nouveau, chapitre premier nouveau, art. 706-119 à 706-128 nouveaux, chapitre II nouveau, section 1 nouvelle, art. 706-129 à 706-132 nouveaux et section 2 nouvelle, art. 706-133 et 706-134, chapitre III nouveau, art. 706-135 A à 706-139 nouveaux du code de procédure pénale) - Décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

Cet article tend à introduire un nouveau titre XXVIII dans le code de procédure pénale intitulé « De la procédure et des décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ». Ce titre comporte trois chapitres, le premier relatif aux dispositions applicables devant le juge d'instruction et la chambre de l'instruction (dix articles) ; le deuxième portant dispositions applicables devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises (deux sections et six articles) ; le troisième, enfin, concernant les mesures de sûreté susceptibles d'être ordonnées en cas de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (six articles).

TITRE XXVIII - DE LA PROCÉDURE ET DES DÉCISIONS D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL

CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS APPLICABLES DEVANT LE JUGE D'INSTRUCTION ET LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Article 706-119 nouveau du code de procédure pénale - Information des parties et du procureur de la République par le juge d'instruction

Cet article prévoit que le juge d'instruction informe le procureur de la République et les parties de l'éventualité de l'application de l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental au moment où s'ouvre la phase contradictoire pendant l'ordonnance de règlement.

Actuellement, en vertu de l'article 175 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, le juge d'instruction, lorsqu'il estime que l' information est terminée et avant de prendre l'ordonnance de règlement 73 ( * ) , transmet le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les parties. Dans un délai d'un mois, si la personne est en détention provisoire, ou de trois mois dans les autres cas, le procureur de la République adresse ses réquisitions au juge d'instruction. Les parties disposent des mêmes délais pour communiquer leurs observations écrites au juge d'instruction. Dans le même temps, copie des réquisitions est adressée aux parties et, réciproquement, copie des observations est adressée au procureur de la République.

A l'issue des délais précédents, s'ouvre un nouveau délai de dix jours si la personne est en détention provisoire ou d'un mois dans les autres cas afin de permettre au procureur de la République et aux parties d'adresser des réquisitions et des observations au vu des observations ou des réquisitions dont la copie leur a été communiquée.

C'est alors seulement que le juge d'instruction peut rendre son ordonnance de règlement.

Le nouvel article 706-119 que le projet de loi propose d'insérer dans le code de procédure pénale prévoit que si le juge d'instruction estime possible d'appliquer l'article 122-1 du code de procédure pénale, il en informe les parties lorsqu'il les avise que l'information lui paraît terminée et, dans le même temps, le parquet, lorsqu'il lui communique le dossier.

Votre commission vous soumet un amendement de cohérence rédactionnelle avec le premier alinéa de l'article 175.

Le parquet, dans ses réquisitions, et les parties, dans leurs observations, indiquent alors s'ils demandent la saisine de la chambre de l'instruction afin que celle-ci statue sur l'irresponsabilité mentale pour cause de trouble mental.

Article 706-120 nouveau du code de procédure pénale - Saisine de la chambre de l'instruction

Le présent article définit les conditions de saisine de la chambre de l'instruction.

En l'état du droit, la chambre de l'instruction ne peut examiner l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qu'en cas d'appel de l'ordonnance de non lieu rendue par le juge d'instruction.

Aux termes du nouvel article 706-120, la chambre de l'instruction pourrait être saisie hors de tout contentieux, à l'initiative du juge d'instruction.

En effet, à l'issue de la phase contradictoire au cours de laquelle le procureur de la République a présenté ses réquisitions et les parties, leurs observations, le juge d'instruction peut, d'une part, constater qu'il existe contre la personne mise en examen des charges suffisantes d'avoir commis les faits reprochés et, d'autre part, estimer que l'article 122-1 du code pénal est applicable.

En premier lieu, le juge, si le procureur de la République ou une partie en a formulé la demande, serait tenu d'ordonner la transmission du dossier de la procédure par le procureur de la République au procureur général près la cour d'appel aux fins de saisine de la chambre de l'instruction. Il pourrait aussi ordonner d'office une telle transmission. Ce cas se présenterait notamment si le juge d'instruction éprouvait des doutes sur l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal ou s'il estimait nécessaire la mise en oeuvre des mesures de sûreté prévues aux articles 706-135 A et 706-135 qu'il n'a pas, pour sa part, compétence de décider.

Le juge pourrait aussi appliquer directement le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal. Cependant, dans cette hypothèse, il rendrait une ordonnance d'irresponsabilité pour cause de trouble mental et pas, comme aujourd'hui, une ordonnance de non lieu.

Deux hypothèses seraient alors envisageables :

- soit une ordonnance de transmission de pièces aux fins de saisine de la chambre de l'instruction ;

- soit une ordonnance d'irresponsabilité pour cause de trouble mental.

Les députés, à l'initiative de leur commission des Lois, ont utilement précisé, en reprenant la formulation de l'article 177 du code de procédure pénale -article dont le projet de loi propose par coordination la suppression 74 ( * ) - issue de la loi du 9 mars 2004, que cette ordonnance doit préciser « qu'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés ».

Cette ordonnance pourrait être soumise en appel à la chambre de l'instruction (voir article 706-128 nouveau).

Votre commission vous soumet un amendement destiné à clarifier la rédaction de l'article 706-120 concernant ce dispositif.

Article 706-121 nouveau du code de procédure pénale - Détention provisoire et contrôle judiciaire

Cet article tend à préciser les conséquences de l'ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et de l'ordonnance de transmission de pièces sur la détention provisoire et le contrôle judiciaire.

Les effets de l'ordonnance d'irresponsabilité pour cause de trouble mental sont assimilés à ceux de l'ordonnance de non lieu (article 177 du code de procédure pénale) : il est mis fin à la détention provisoire et au contrôle judiciaire.

L'ordonnance de transmission de pièces ne mettrait pas fin, quant à elle, à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire qui se poursuivrait jusqu'à l'audience de la chambre de l'instruction. Le juge d'instruction conserverait cependant la faculté, par ordonnance distincte, d'ordonner la mise en liberté ou la levée du contrôle judiciaire. Le système est en quelque sorte l'inverse de celui retenu actuellement à l'issue d'une ordonnance de règlement (article 179 du code de procédure pénale) : l'ordonnance de règlement met fin en principe à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire ; cependant, le juge d'instruction peut, par ordonnance distincte spécialement motivée, maintenir le prévenu en détention ou sous contrôle judiciaire jusqu'à sa comparution devant le tribunal.

L'article 706-121 nouveau prévoit qu'en tout état de cause, s'il n'a pas été mis fin à la détention provisoire, la chambre de l'instruction doit statuer dans un délai de six mois à compter de la date d'ordonnance de transmission de pièces.

Cependant, constatant qu'en matière délictuelle, la durée de la détention provisoire ne peut, selon l'article 145-1, dépasser quatre mois sous réserve de cas particuliers, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a ramené à quatre mois ce délai si la personne a été mise en examen pour un délit.

Faute pour la chambre d'instruction d'avoir statué dans les délais prescrits, la personne serait remise en liberté si elle n'était pas détenue pour une autre cause.

Article 706-122 nouveau du code de procédure pénale - Procédure devant la chambre de l'instruction

Le présent article tend à organiser devant la chambre de l'instruction une véritable audience impliquant la personne mise en examen, la défense, les parties civiles mais aussi les experts et les témoins.

* La comparution de la personne

Comme tel est le cas aujourd'hui, cette comparution serait ordonnée par le président de la chambre d'instruction soit d'office, soit à la demande de la partie civile ou du ministère public.

Les députés ont prévu à l'initiative de M. Georges Fenech que la personne mise en examen pourrait également demander à comparaître personnellement.

Une double garantie est prévue pour la personne mise en examen.

D'abord, selon le principe déjà posé par l'article 199-1 du code de procédure pénale, cette comparution n'est possible que si l'état de la personne le permet.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la chambre de l'instruction peut rejeter la demande des parties civiles tendant à la comparution personnelle de la personne mise en examen si elle énonce, au vu d'un avis médical et sans s'en expliquer autrement, que l'état de santé de celui-ci ne permet pas sa comparution.

Ensuite, si la personne n'est pas assistée d'un avocat, le bâtonnier en désignerait un d'office à la demande du président de la juridiction. Cet avocat représenterait la personne même si celle-ci ne pouvait comparaître.

* La publicité de l'audience

Les débats se dérouleraient et l'arrêt serait rendu en audience publique conformément au principe général de publicité des débats posé par l'article 306 du code de procédure pénale 75 ( * ) .

La publicité serait ainsi de droit alors qu'elle n'est aujourd'hui possible, s'agissant de l'examen d'un recours portant sur une ordonnance de non lieu motivée par le premier alinéa de l'article 122-1, que si la comparution de la personne mise en examen a été ordonnée et si la partie civile ou son avocat en fait la demande dès l'ouverture des débats (art. 199-1 du code de procédure pénale).

Le huis clos s'appliquerait dans les cas où il est prévu par l'article 306 du code de procédure pénale. Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit, si la victime est partie civile et le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la partie civile ne s'y oppose pas.

L'arrêt sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique.

* Le déroulement de l'audience

L'audience devant la chambre de l'instruction suivrait dans ses grandes lignes le déroulement d'une audience correctionnelle.

Le président procèderait d'abord à l'interrogatoire de la personne mise en examen si elle est présente.

Les experts qui ont examiné l'intéressé seraient ensuite entendus dans les conditions prévues par l'article 168 du code de procédure pénale.

Si le président de la chambre de l'instruction le décidait, la juridiction pourrait aussi entendre dans les conditions de droit commun prévues par les articles 436 à 457 du code de procédure pénale, les témoins cités par les parties ou le ministère public.

L'audition des témoins qui n'est pas prévue actuellement par l'article 199-1 du code de procédure pénale, constituerait le principal apport du projet de loi concernant le déroulement de la procédure proprement dit.

Aux termes du projet de loi, cette audition doit être justifiée par deux finalités :

- établir, selon la rédaction adoptée par les députés à l'initiative de leur commission des lois, qu'il existe des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis les faits et non comme le texte initial l'indiquait que la personne a commis ces faits : en effet, comme le soulignait M. Georges Fenech, la chambre de l'instruction n'étant pas une juridiction de jugement, elle ne peut pas établir la commission de faits mais seulement établir l'existence de charges suffisantes en ce sens ;

- et déterminer si l'abolition du discernement prévue par le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal est applicable.

Votre commission vous soumet un amendement de clarification.

Conformément aux règles en vigueur pour l'audience correctionnelle (article 442-1 du code de procédure pénale), le procureur général et les avocats des parties peuvent poser directement des questions à la personne mise en examen, à la partie civile, aux témoins et aux experts. La personne mise en examen et la partie civile peuvent, quant à elles, poser des questions par l'intermédiaire du président.

Selon les principes inspirés de la procédure devant les juridictions de jugement, « une fois l'instruction à l'audience terminée », l'avocat de la partie civile serait entendu et le ministère public prendrait ses réquisitions. La personne mise en examen, si elle est présente, et son avocat présenteraient alors leurs observations. La partie civile et le ministère public pourraient répliquer mais la personne mise en examen et son avocat auraient toujours la parole les derniers.

Articles 706-123, 706-124 et 706-125 nouveaux du code de procédure pénale - Décisions de la chambre de l'instruction

Ces articles définissent les trois types de décisions que la chambre de l'instruction peut rendre :

- s'il n'existe pas de charges suffisantes pour établir que la personne a commis les faits qui lui sont reprochés, la chambre de l'instruction prononcerait un non lieu ;

- s'il existe des charges suffisantes pour établir que la personne a commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable, la chambre de l'instruction renverrait la personne devant la juridiction de jugement compétente ;

- s'il existe des charges suffisantes pour établir que la personne a commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l'article 122-1 est applicable la chambre de l'instruction rendrait un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental .

Le tableau suivant résume ces trois hypothèses.

Charges
contre la personne

Abolition du discernement (article 121, alinéa premier)

Décision de la chambre
de l'instruction

Non

Indifférent

Non lieu

Oui

Non

Renvoi devant
la juridiction de jugement

Oui

Oui

Déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

La chambre de l'instruction doit donc s'interroger sur l'imputabilité des faits puis sur l'existence d'un trouble mental au moment des faits.

Dans le cas où elle répond à l'affirmative sur ces deux points, le projet de loi prévoit une procédure en trois temps.

D'abord, la chambre de l'instruction rendrait un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental par lequel elle déclare, d'une part, qu'il existe des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis les faits et, d'autre part, que la personne est « irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ».

Ensuite , si la partie civile le demande, elle renvoie l'affaire devant le tribunal correctionnel compétent afin que celui-ci se prononce sur la responsabilité civile de la personne conformément aux dispositions de l'article 485-2 76 ( * ) du code civil et statue sur les dommages et intérêts.

Enfin, la chambre de l'instruction pourrait prononcer les mesures de sûreté prévues au chapitre III du titre XXVIII introduit dans le code de procédure pénale par le présent projet de loi.

Article 706-126 nouveau du code de procédure pénale - Effet de l'arrêté de déclaration d'irresponsabilité pénale

Cet article prévoit que l'arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale a pour effet de mettre fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire. Ces conséquences sont identiques à celles de l'ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental prévues par l'article 706-120 nouveau du code pénal.

L'arrêt peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Article 706-127 nouveau du code de procédure pénale - Procédure applicable pour les décisions de la chambre de l'instruction

Le présent article renvoie les conditions dans lesquelles sont prises les décisions de non lieu (article 706-123), de renvoi devant la juridiction compétente (article 706-124) et de déclaration d'irresponsabilité pénale (article 706-125) aux procédures habituellement applicables devant la chambre de l'instruction (articles 211 à 218 du code de procédure pénale).

Article 706-128 nouveau du code de procédure pénale - Appel devant la chambre de l'instruction

Aux termes de cet article, la nouvelle procédure devant la chambre de l'instruction telle qu'elle est définie aux articles 706-122 à 706-127 serait également applicable :

- d'une part, en cas d'appel d'une ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental rendue par le juge d'instruction ;

- d'autre part, en cas d'appel d'une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement rendue par le juge d'instruction lorsque l'appel est formé par une personne mise en examen qui demande le bénéfice des dispositions du premier alinéa de l'article 122-1du code de procédure.

* 73 Cette ordonnance appelée aussi « ordonnance de clôture » a pour effet de dessaisir le juge d'instruction.

* 74 Voir le II de l'article 4.

* 75 La loi du 5 mars 2007 renforçant l'équilibre de la procédure pénale a également prévu la publicité devant la chambre de l'instruction en matière de détention provisoire : les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique. Dans certaines hypothèses, néanmoins, le ministère public, la personne mise en examen ou la partie civile peuvent s'opposer à cette publicité.

* 76 En vertu de l'article 7 de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 relative à la protection des majeurs, les dispositions de l'article 485-2 figurent à compter du 1 er janvier 2009 à l'article 414-3 du code civil.

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