5. Un nombre croissant de personnes soumises à la mesure

Selon les informations communiquées à votre délégation, le nombre de mesures de détention-sûreté a doublé au cours de la dernière décennie pour concerner aujourd'hui 350 personnes (sur un nombre total de quelques 64.000 personnes définitivement condamnées). Le sous-directeur aux affaires pénales a estimé que le ministère de la justice s'attendait à une progression de ce dispositif dans les prochaines années (qui atteindrait 400 à 500 mesures) sous le double effet de l'augmentation du nombre de mesures et de l'allongement de la durée de la détention. Sur les dernières données disponibles, 21 mesures de sûreté étaient arrivées à leur terme en 2003. Sur ce total, treize personnes seulement avaient effectivement recouvré la liberté -neuf d'entre elles avaient été condamnées pour des infractions aux biens. Les autres restaient soumis à des mesures de contrôle.

Cet allongement de la durée de détention s'explique selon les interlocuteurs de votre délégation, par le souci manifesté par le juge en vertu du principe de précaution d'éviter toute récidive. En effet, selon le sous-directeur aux affaires pénales du ministère de la justice, la remise en liberté est susceptible de modifier le comportement d'une personne dont la dangerosité semblait avoir disparu au cours de la détention.

Les intéressés sont désormais exclusivement des hommes (quelques femmes avaient été placées en détention-sûreté avant 1991). Il s'agit pour moitié de délinquants sexuels -et pour 2 % seulement d'étrangers.

L'âge moyen est -logiquement- plus élevé que pour les personnes incarcérées.

Mme Petra Block-Weinert, directrice d'établissement pénitentiaire, a d'ailleurs indiqué à votre délégation que les personnes les plus âgées étaient placées dans des secteurs spécifiques où des soins pouvaient leur être prodigués et que, dans certains cas, un dispositif d'accompagnement de fin de vie était mis en place.

B. Le régime de détention : le cas du centre de détention de Berlin Tegel

Les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses peuvent être mises en oeuvre en milieu ouvert. Cette situation ne concerne cependant que 16 des 350 personnes soumises actuellement à ce dispositif et qui se trouvent, dans leur très grande majorité, en détention .

Le législateur allemand a prévu que les personnes placées en détention-sûreté devaient être séparées des autres détenus et placés dans des quartiers spécialisés 108 ( * ) . Cette obligation n'est pas toujours applicable dans certains länder compte tenu du petit nombre de personnes concernées par cette mesure.

Aussi, des accords conclus entre länder ont permis le regroupement des détenus dans des quartiers spécialisés des principaux établissements pénitentiaires.

Tel est le cas en particulier, dans la plus grande prison d'Allemagne, pour le centre de détention de Tegel à Berlin.

Comme l'a expliqué à votre délégation le directeur de l'établissement, cent années séparent la construction des plus anciens bâtiments de cet important complexe pénitentiaire (1898) du plus récent (1998) 109 ( * ) .

L'établissement emploie 850 agents dont les deux tiers sont affectés au service de la détention et moins de 6 % au service médico-social. A la date de la visite de votre délégation, il comptait 1.700 détenus -parmi lesquels 110 purgeaient une peine de réclusion à criminelle à perpétuité. Il comptait également 32 % de détenus étrangers (originaires de quelques 55 nationalités différentes).

Le centre accueille 22 personnes placées en détention-sûreté . 19 d'entre elles sont réunies dans un quartier séparé d'un bâtiment moderne comportant au total 180 places (occupées par ailleurs par des condamnés à de longues peines -pour 45 d'entre eux à la réclusion à perpétuité). Trois personnes en détention-sûreté se trouvaient dans d'autres structures pour raison médicale.

Des effectifs en hausse

Selon les responsables de cette structure, 36 personnes condamnées actuellement détenues dans la prison de Tegel font actuellement l'objet d'une « mention » de placement en détention-sûreté (cas dans lesquels le tribunal s'est réservé la possibilité, dans son jugement, d'ordonner la détention sûreté au cours de l'exécution de la peine) : cette mesure pourrait leur être appliquée s'ils ne se conforment pas au programme d'accompagnement destiné à favoriser leur réinsertion. En pratique, elle est effectivement décidée par le tribunal dans la majorité des cas.

Ainsi, l'effectif concerné n'a cessé de croître au cours des dernières années : de cinq en 1996 il pourrait passer à trente d'ici 2007. Si tel devait être le cas, les limites actuelles des capacités de l'étage réservé à la détention-sûreté seraient atteintes (30 places).

Par ailleurs, la durée de la mesure tend également à s'allonger. Le plus ancien des détenus faisant l'objet de la mesure de sûreté est placé depuis douze ans en détention-sûreté -délinquant sexuel, il avait déjà purgé une peine d'emprisonnement de sept ans et demi.

Des sources de tension

Selon les informations recueillies par votre délégation, l'évolution des conditions de détention est aujourd'hui source de tension à deux titres.

En premier lieu, le législateur avait prévu que les personnes placées en détention-sûreté bénéficient d'un régime de détention plus favorable que celui des autres détenus (ce dispositif ne constituant pas une peine au sens strict mais une mesure de sûreté). Cependant, au fil des années, le régime carcéral de « droit commun » s'est amélioré et l'écart des avantages entre les conditions de détention s'est nettement réduit 110 ( * ) .

Ensuite, le choix de séparer les personnes en détention-sûreté des autres détenus et de les regrouper a contribué à renforcer leur isolement. Conjuguée avec l'incertitude du moment où interviendra leur libération, cette situation n'a pu qu'exacerber chez les intéressés le sentiment de leur différence par rapport aux autres détenus. Comme l'ont souligné les responsables de l'établissement, alors que la loi oblige à prévoir un traitement spécifique et individualisé pour chaque personne concernée par la mesure de sûreté, en pratique il apparaît presque impossible de motiver les personnes et de les intéresser à une adaptation à la vie en société dont les perspectives semblent si hypothétiques.

Ainsi les conditions de détention suscitent deux types de réaction : parfois les personnes protestent et sont en opposition permanente avec les représentants de l'administration pénitentiaire ; dans la majorité des cas cependant, l'indifférence et la résignation l'emportent. Les actes de violence ou le taux des suicides apparaissent ainsi plus limités que dans le régime de détention classique.

* 108 Article 140 de la loi sur l'exécution des peines.

* 109 Au total, 130.000 m 2 , soit la superficie de quelques quatorze terrains de football. Le mur d'enceinte long de 1,3 km est surveillé à partir de treize miradors.

* 110 Tel est le cas en particulier s'agissant de la liberté de choisir sa tenue ou de se faire la cuisine, reconnue désormais, sous certaines conditions, à l'ensemble des détenus. Les personnes placées en détention-sûreté continuent cependant de bénéficier de certains avantages comme la perception d'une rémunération légèrement plus avantageuse même lorsqu'ils ne travaillent pas (de 40 à 50 euros par mois contre 30 euros pour un détenu purgeant sa peine). Ils peuvent aussi recevoir des colis mais cette possibilité est en réalité peu utilisée compte tenu du relâchement des liens familiaux.

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