II. LA DÉCLARATION D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL : L'AMÉLIORATION DU DISPOSITIF ACTUEL

A. UN DISPOSITIF RENDU PROGRESSIVEMENT PLUS ATTENTIF AUX VICTIMES

1. Le partage entre abolition et altération

Aux termes de l'article 122-1 du code pénal :

« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.

« La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime ».

La rédaction issue du nouveau code pénal introduit une double innovation par rapport à la formulation de l'ancien article 64 57 ( * ) .

En premier lieu, tenant compte de l'évolution des connaissances scientifiques, le code pénal fait référence au « trouble psychique » ou « neuropsychique » et non à la démence qui renvoie à une forme particulière de maladie mentale caractérisée par une « déchéance progressive et irréversible de la vie psychique » 58 ( * ) qui survient généralement chez les personnes âgées même si elle peut aussi affecter des sujets jeunes (démence précoce). Le législateur de 1992 a entendu viser notamment la psychose -telle que la schizophrénie, paranoïa ou psychose maniaco-dépressive- dont certaines manifestations 59 ( * ) peuvent entraîner une perte complète de contrôle ou de discernement.

En second lieu, le nouveau code pénal distingue l'hypothèse dans laquelle le trouble psychique ou neuropsychique a aboli le discernement de celle dans laquelle ce trouble a altéré le discernement de la personne ou entravé le contrôle de ses actes sans pour autant avoir supprimé son libre arbitre. Dans le premier cas, la personne est irresponsable pénalement. Dans le second, elle est, au contraire, pénalement responsable.

Il est vrai que cette distinction consacre une pratique antérieure à la réforme du code pénal : par opposition aux aliénés privés de tout discernement, certaines personnes étaient qualifiées d'« anormaux mentaux » ; reconnues responsables, elles bénéficiaient de circonstances atténuantes.

Comme le soulignait le rapport présenté par nos collègues MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, le partage entre l'abolition et la simple altération du discernement laisse une large part d'appréciation au juge.

Pour évaluer les facultés mentales de la personne poursuivie, la juridiction ordonne une expertise psychiatrique. Celle-ci est d'ailleurs obligatoire en matière criminelle et le plus souvent décidée par le juge d'instruction.

Les conclusions de l'expert ne lient pas la juridiction, la question de l'irresponsabilité relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond 60 ( * ) .

L'appréciation de ces dispositions fait aujourd'hui apparaître une double évolution.

Il semble que le juge reconnaisse moins souvent l'irresponsabilité pénale en application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal. Ainsi, le nombre d'ordonnances de non lieu prononcées sur ce fondement est passé de 444 à 233 entre 1987 et 2003. En revanche, le nombre d'acquittements résultant de l'abolition du discernement est plus difficile à apprécier puisque les arrêts de cours d'assises ne sont pas motivés de façon approfondie 61 ( * ) .

* 57 L'article 64 du code pénal de 1810 prévoyait qu'« il n'y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action ».

* 58 Frédéric Desporte, Francis Le Gunehec, Droit pénal général, 13è édition, Economica.

* 59 Ordre hallucinatoire, bouffée délirante, etc...

* 60 La Cour de cassation n'exerce pas de contrôle sur cette appréciation sauf en cas de contradiction de motifs. Ainsi, elle a censuré un arrêt qui déclarait le prévenu responsable en relevant qu'il« demeurait conscient que ses facultés intellectuelles ou mnésiques étaient conservées » tout en estimant par ailleurs qu' « il s'était livré à des actes inconsidérés qu'il était incapable de maîtriser » et « qu'il se trouvait soumis à des impulsions qu'il ne pouvait maîtriser » -le prévenu était, dans cette espèce, atteint d'une psychose maniaco-dépressive qui fait se succéder des périodes de dépression et des phases maniaques entre lesquelles le malade conserve sa lucidité- d'où les difficultés d'apprécier l'état mental de l'intéressé au moment de la commission des faits (chambre criminelle de la cour de cassation, 21 janvier 1992).

* 61 Les arrêts de la cour d'assises se fondent uniquement sur le verdict rendu qui lui-même n'est constitué que par les réponses affirmatives ou négatives aux questions posées.

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