B. UNE RÉFORME COHÉRENTE

1. Les insuffisances persistantes du dispositif actuel

Malgré les améliorations récentes qui lui ont été apportées, le dispositif actuel souffre de certaines insuffisances soulignées par un groupe de travail constitué en septembre 2003 au sein du ministère de la justice à l'initiative de M. Dominique Perben alors garde des sceaux :

- en particulier, les informations conduites par le juge d'instruction sont parfois incomplètes. Elles sont en effet souvent stoppées dès lors que l'article 122-1 du code pénal est susceptible de s'appliquer ; ainsi, la personne peut faire l'objet d'un non-lieu avant même que les faits ne soient établis de manière probante. Cette situation provoque, à juste titre, une réelle incompréhension de la part des victimes -sentiment encore renforcé par la formule de « non-lieu » retenue pour désigner la décision du juge.

Le groupe de travail avait en conséquence proposé l'organisation d'une audience spécifique sur l'imputabilité des faits qui se déroulerait devant une juridiction ad hoc 64 ( * ) .

Cette juridiction qui ne statuerait que sur l'imputabilité des faits et les mesures de sûreté pourrait être saisie par les parties soit :

- après arrêt de la chambre de l'instruction intervenue sur appel de l'ordonnance de non lieu rendue par le magistrat instructeur, les parties contestant l'irresponsabilité ;

- après que l'ordonnance de non lieu est devenue définitive, l'irresponsabilité n'étant pas contestée.

L'appel de la décision de la juridiction ad hoc serait porté devant une formation ad hoc de la cour d'appel.

Le groupe de travail estimait indispensable que le mis en cause, d'une part, ne comparaisse que si son état le permet et, d'autre part, soit obligatoirement assisté d'un tuteur et d'un avocat.

Il recommandait en outre que la juridiction statuant sur l'imputabilité des faits se prononce également sur la mise en cause de la responsabilité civile de l'intéressé afin de limiter les recours procéduraux à la charge de la victime.

Le groupe de travail avait enfin suggéré d'assouplir les principes qui écartent la compétence de l'autorité judiciaire dès lors que l'irresponsabilité pénale a été reconnue. En effet, « il incombe à l'autorité judiciaire non seulement de préserver les victimes mais également d'assumer ses responsabilités en termes de prévention et de réitération ». A ce titre, dans le respect des responsabilités qui reviennent aux autorités médicales, l'audience d'imputation pourrait aussi fixer une série d'interdictions (interdiction de contacts avec les victimes, de se rendre en des lieux déterminés, de posséder ou de porter une arme, de conduire des véhicules ou de détenir un permis de chasse).

La durée de ces obligations pourrait atteindre vingt ans avec demande de relèvement possible tous les six mois auprès du juge des libertés et de la détention. La violation de ces obligations serait constitutive d'une infraction. En outre, la décision (et les obligations subséquentes) serait inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire 65 ( * ) .

- Le rapport Burgelin

Reprenant une grande partie des propositions de ce groupe de travail, le rapport Burgelin a aussi préconisé l'instauration d'une audience ad hoc sur l'imputabilité des faits devant une chambre spécialisée du tribunal de grande instance.

Il précise néanmoins la procédure sur plusieurs points : le juge d'instruction rendrait une ordonnance de non lieu et une ordonnance de « renvoi devant la chambre spécialisée d'imputabilité du tribunal de grande instance ». Le renvoi ne serait obligatoire qu'en matière criminelle. Dans les autres cas, les parties devraient en faire la demande expresse lorsque la clôture de l'information leur serait notifiée et avant l'expiration du délai de vingt jours prévu par l'article 175 du code de procédure pénale.

A l'instar du groupe de travail, la commission santé-justice suggérait aussi que la juridiction statue sur les intérêts civils et ordonne le cas échéant des mesures de sûreté.

Elle prévoyait en outre trois garanties :

- la comparution ne pourrait être ordonnée que si l'état mental de la personne, dûment constaté par certificat médical, le permet ;

- l'individu devrait impérativement être représenté par un administrateur ad hoc et assisté d'un avocat, le cas échéant, commis d'office ;

- les décisions de la chambre spécialisée seraient toutes susceptibles d'appel devant une chambre spécialisée de la cour d'appel.

- Le rapport Garraud

La mission sur la dangerosité et la prise en charge des individus dangereux conclut aussi à la nécessité d'une audience d'imputabilité organisée après une décision de non lieu à raison de l'irresponsabilité mentale pour trouble mental.

Elle suggère cependant que l'audience soit organisée devant la chambre de l'instruction plutôt que devant une juridiction ad hoc -« d'une part dans un souci de simplicité afin d'éviter la création d'une nouvelle juridiction ; d'autre part, dans un souci de clarification afin d'éviter d'alimenter le risque de confusion entre cette audience d'imputabilité et une audience classique de jugement ».

* 64 Composée du président du tribunal de grande instance ou de tout magistrat désigné par lui, et de deux assesseurs -l'un appartenant à la chambre civile et l'autre au tribunal correctionnel.

* 65 Le groupe de travail proposait également plusieurs évolutions concernant les dispositions du code de la santé publique : la faculté de prévoir l'hospitalisation d'office en cas d'un classement sans suite (et pas seulement d'un non lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement) -article L. 3213-7 du code de la santé publique- ; la substitution du terme d' « avis » à celui de « décisions » employés par l'article L. 3213-8 pour désigner l'expertise précédant la mainlevée de l'internement ; enfin la levée de l'hospitalisation d'office pourrait être portée à la connaissance des victimes, à leur demande et par l'intermédiaire du procureur de la République.

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