AUDITIONS DU MARDI 29 AVRIL 2008

Réunie le mardi 29 avril 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de MM. Dominique Tellier, directeur des relations sociales, et Guillaume Ressot , directeur adjoint chargé des affaires publiques du Mouvement des entreprises de France (Medef).

Après avoir estimé que le projet de loi respecte l'équilibre voulu par les partenaires sociaux dans leur accord, M. Dominique Tellier, directeur des relations sociales, a souligné le caractère innovant de l'accord national interprofessionnel (ANI) et du texte qui en découle. Conclu en application de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, et cosigné par la quasi-totalité des partenaires sociaux, cet accord apporte plus de flexibilité aux entreprises et davantage de sécurité aux salariés. L'organisation des discussions a elle aussi été innovante puisqu'elle s'est déroulée de manière apaisée après une phase de « délibération sociale » ayant permis d'établir un état des lieux sur le fonctionnement du marché du travail. L'objectif de l'accord est de lever les obstacles structurels à l'amélioration de la situation de l'emploi en France.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur , a souhaité savoir si cette pratique d'échanges préalables entre partenaires sociaux sera généralisée à l'ensemble des négociations. Il a demandé pourquoi les partenaires sociaux ont choisi de réglementer la période d'essai alors qu'ils jouissent déjà d'une grande liberté de négociation sur ce sujet. Il s'est enquis des raisons du rejet, par le Medef, de l'intervention du bureau de conciliation prud'homale en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail.

Rappelant qu'il existe aujourd'hui trente-huit types de contrats de travail, il a demandé si les partenaires sociaux ont évalué les contrats existants avant de proposer la création d'un nouveau CDD à objet défini et s'il faut voir dans cette multiplicité de contrats un atout ou une source de confusion. Enfin, il a souhaité connaître l'incidence, sur l'assurance chômage, de la généralisation du portage salarial et les raisons pour lesquelles l'organisation de ce portage a été confiée par les partenaires sociaux à la branche de l'intérim.

M. Dominique Tellier a souligné que le fait d'établir un état des lieux lors des négociations entre partenaires sociaux, conformément à une idée de Laurence Parisot, permet de dépassionner le débat. Cette pratique ne s'est d'ailleurs pas imposée sans peine, la tendance naturelle des organisations patronales et syndicales étant de présenter d'abord leurs revendications. Néanmoins, elle a prouvé son utilité et sera utilisée aussi souvent que possible, la possibilité d'établir un état des lieux commun constituant un signe de maturité des partenaires sociaux.

Les conventions collectives de certaines branches contiennent, sur la période d'essai, des stipulations élaborées dans les années 1950, qu'il n'a pas été possible de faire évoluer malgré leur inadaptation aux réalités contemporaines. Le passage par un accord interprofessionnel, puis par la loi, était donc souhaité par les partenaires sociaux pour débloquer cette situation. Par ailleurs, la disparition du contrat « nouvelle embauche » (CNE) a conduit naturellement à envisager une négociation sur la période d'essai.

En matière de rupture conventionnelle, le Medef est attaché au caractère non conflictuel de cette procédure ; il aurait été, en conséquence, peu cohérent d'accepter un passage devant le conseil de prud'hommes, cette instance étant normalement chargée d'examiner des litiges. De plus, la procédure en aurait été ralentie, du fait de l'encombrement des prud'hommes. Enfin, le caractère paritaire des instances prud'homales aurait peut-être permis à des organisations non signataires de l'accord de s'opposer à des ruptures conventionnelles. Les prud'hommes peuvent néanmoins être saisis, en cas de litige, après l'homologation de la convention de rupture.

En ce qui concerne le CNE, le Medef avait accepté, avant même la condamnation de la France par le bureau international du travail (BIT), l'abandon de ce contrat et la motivation obligatoire de tous les licenciements. Sur ce point, le Medef ne partage pas l'analyse de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) : il estime qu'il n'y a pas de problème de rétroactivité, la jurisprudence ayant clairement affirmé l'obligation de motivation des licenciements dans le cadre des CNE.

Abordant la question du contrat unique, M. Dominique Tellier a estimé qu'il aurait constitué une réponse intéressante au problème des licenciements économiques collectifs mais tel n'était pas l'objet de la négociation. Il n'existe en réalité que deux grandes catégories de contrats, le contrat à durée indéterminée et le contrat à durée déterminée, certains CDD ouvrant droit au bénéfice de certaines aides dans le cadre de la politique de l'emploi. La mise en place d'un CDD à objet défini correspond au mode de fonctionnement de nombreuses entreprises qui sont déjà organisées en équipes de projet. Le Medef avait proposé la création d'un contrat à durée indéterminée de « projet » mais les syndicats ont préféré le recours au CDD, jugé plus protecteur. Le CDD à objet défini présente certes les mêmes rigidités qu'un CDD de droit commun mais pourra être signé pour une durée plus longue. Il est autorisé à titre expérimental et il faudra procéder à une évaluation pour empêcher toute dérive. De nombreuses applications sont possibles, par exemple pour concevoir un nouveau modèle automobile ou pour une mission à l'étranger.

Enfin, le portage salarial répond à un besoin social profond. A l'heure actuelle, ce mode d'organisation du travail se heurte à l'interdiction du prêt de main-d'oeuvre et ne permet pas l'accès à l'assurance chômage. L'élaboration d'un cadre légal est nécessaire pour moraliser les pratiques douteuses de certaines entreprises, qui prélèvent parfois 20 % à 25 % de la rémunération de leurs salariés sans réelle contrepartie. Les partenaires sociaux ont confié à la branche de l'intérim le soin d'organiser le portage au motif que la relation triangulaire qui unit l'entreprise cliente, le salarié porté et l'entreprise de portage est proche de celle qui existe dans le travail temporaire.

Mme Annie David s'est interrogée sur l'utilité du CDD à objet défini, dans la mesure où la majorité des ingénieurs et des cadres dans une entreprise se voit déjà confier des projets successifs. Le contrat à durée indéterminée leur offre la possibilité de faire une pause entre deux projets et le recours à un CDD paraît singulièrement amoindrir leurs perspectives de carrière.

Mme Raymonde Le Texier a jugé l'accord déséquilibré au détriment du salarié au moins sur trois points. D'abord, la durée de la période d'essai va augmenter dans tous les cas de figure, puisque les accords de branche prévoyant des durées inférieures aux nouveaux plafonds légaux devront être renégociés avant juin 2009, tandis que ceux prévoyant des durées plus longues pourront être conservés. Or, si la période d'essai doit permettre une évaluation du salarié, elle est parfois détournée de sa finalité et utilisée en lieu et place d'un CDD. Ensuite, le CDD à objet défini offre aujourd'hui aux cadres, et peut-être demain à tous les salariés, des perspectives d'emplois jalonnées par la succession de contrats de dix-huit ou trente-six mois, ce qui est regrettable. Enfin, la rupture conventionnelle, qui présente une analogie avec le divorce par consentement mutuel, évitera certes la « judiciarisation » de la procédure, notamment dans les petites et moyennes entreprises (PME), mais sera plus facile à imposer par celui qui souhaite la rupture. Elle a donc demandé à M. Dominique Tellier de la convaincre du caractère équilibré de ces mesures.

M. Dominique Tellier a rappelé que le projet de loi ne reprend qu'une partie des dispositions de l'ANI, celles nécessitant une retranscription législative. C'est la raison pour laquelle la portabilité, prévue par l'accord, de certains droits, et l'ouverture de négociations sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, mesures favorables aux salariés, n'apparaissent pas dans le projet de loi. L'accord doit être analysé dans sa totalité pour que son équilibre soit perceptible.

Sur la période d'essai, le choix d'une durée plus courte reste possible, tant au niveau de la branche que dans le contrat individuel de travail. Il est en outre singulier d'expliquer que la période d'essai pourrait être utilisée comme une forme de CDD détourné, alors que les syndicats n'ont eu de cesse de dénoncer les abus dans l'usage du CDD et de l'intérim, qui seraient trop souvent utilisés comme des outils de prérecrutement. Par ailleurs, le projet de loi précise que la période d'essai a aussi pour vocation de permettre à l'employé d'apprécier si le poste qui lui a été confié lui convient.

Ensuite, la signature de plusieurs CDD à objet défini successifs n'est pas autorisée et tous les cadres et ingénieurs ne sont pas chargés de mener à bien des projets, certains étant affectés par exemple à une chaîne de production ce qui ne correspondrait pas à la notion de « projet ». La conclusion de CDD à objet défini est subordonnée à un accord collectif qui définira les besoins des entreprises auquel il répond. Ce contrat est conforme aux aspirations de beaucoup de jeunes salariés qui souhaitent accomplir des missions à l'étranger.

Enfin, concernant la rupture conventionnelle, elle limite le risque de « judiciarisation » et lèvera les réticences à l'embauche, notamment dans les PME.

M. Nicolas About, président , a souligné que la rupture conventionnelle suppose que le salarié soit d'accord avec les conditions proposées par l'employeur. Elle devrait éviter qu'un salarié qui souhaite quitter l'entreprise et percevoir des allocations chômage demande à être licencié plutôt que de présenter sa démission.

M. Dominique Tellier a rappelé que cette procédure ne se substitue ni à la démission ni au licenciement et constitue un mode autonome de rupture.

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