EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 1221-2, L. 2313-5, L. 2323-47 et L. 2323-51 du code du travail) - Information des élus du personnel sur le recours
aux contrats à durée déterminée et aux contrats d'intérim

Objet : Cet article réaffirme que le contrat de travail à durée indéterminée est le contrat de droit commun et prévoit d'améliorer l'information des élus du personnel sur le recours aux contrats précaires.

I - Le dispositif proposé

L'article 1 er du projet de loi s'inspire des dispositions, de nature législative, contenues dans l'article 1 er de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008.

-L'article 1 er de l'accord indique que « le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail ». Puis il prévoit que le chef d'entreprise informe le comité d'entreprise (CE) - ou, à défaut, les délégués du personnel (DP) - des raisons qui l'ont amené à recourir aux contrats à durée déterminée (CDD) et aux contrats de travail temporaire pour accroissement temporaire d'activité ; il informe également le CE ou les DP des raisons qui pourraient le conduire, à l'avenir, à avoir recours à ces mêmes contrats.

-L'article 1 er du projet de loi est proche des termes de l'accord, sans toutefois les reprendre littéralement.

Son paragraphe I propose une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 1221-2 du code du travail 4 ( * ) .

Dans sa rédaction actuelle, le premier alinéa de cet article dispose que « le contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée ». Une fois ce principe posé, la suite de l'article indique que, par exception, le contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée, dans les conditions prévues par le code.

Dans la rédaction proposée, le premier alinéa indiquerait que « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail ». La suite de l'article resterait inchangée, sous réserve d'une adaptation rédactionnelle.

Sur le fond, la rédaction proposée n'est pas très différente de celle en vigueur : il s'agit toujours d'affirmer que le contrat de travail est, par principe, un CDI et que le CDD a vocation à n'être que l'exception. Sur la forme, elle présente l'avantage d'être plus proche de la formulation retenue par les partenaires sociaux. Le projet de loi ne retient cependant pas l'idée selon laquelle le CDI serait la forme normale « et générale » du contrat de travail.

Le paragraphe II est relatif à l'information du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

Le vise l'information des délégués du personnel , qui sont élus dans les entreprises comptant au moins onze salariés.

Il propose de compléter l'article L. 2313-5 du code du travail pour prévoir que l'employeur informe, une fois par an, les délégués du personnel des éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, ou qui pourraient le conduire à faire appel, pour l'année à venir, à des CDD ou à des contrats d'intérim.

Précisons que, en l'état actuel du droit, les DP ont déjà accès au registre du personnel, sur lequel sont répertoriés les salariés en CDD ou en mission d'intérim et qu'ils peuvent avoir accès aux contrats de mise à disposition de personnel conclus avec les entreprises d'intérim.

Le porte sur l'information du comité d'entreprise , qui est élu dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés. Cet alinéa ne s'applique qu'aux entreprises de moins de trois cents salariés. Le code du travail distingue en effet entre les entreprises employant plus ou moins de trois cents salariés, ces dernières étant soumises à des obligations moins strictes en matière d'information du comité d'entreprise.

L'employeur communique au comité d'entreprise les mêmes informations que celles qui doivent être fournies aux délégués du personnel, c'est-à-dire les éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, ou qui pourraient le conduire à faire appel, pour l'année à venir, à des CDD ou à des contrats d'intérim.

Le impose ensuite les mêmes obligations d'information du CE aux entreprises de plus de trois cents salariés.

La loi impose déjà à l'employeur de communiquer au CE le nombre de CDD et de contrats d'intérim dans l'entreprise ainsi que les motifs qui l'ont conduit à recourir à ces contrats. La nouveauté réside donc seulement dans l'obligation qui lui est faite désormais de donner aussi des indications sur l'année à venir.

Il est à noter que le projet de loi se distingue de l'accord sur un point : l'information fournie par le chef d'entreprise porte sur tous les CDD et contrats d'intérim, alors que l'accord vise seulement ceux conclus en raison d'un « accroissement temporaire d'activité ».

Rappelons en effet que les CDD et les contrats d'intérim ne peuvent être conclus que dans trois cas de figure, énumérés à l'article L. 1242-2 du code du travail :

- le remplacement d'un salarié (ou du chef d'entreprise) absent ;

- l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

- les emplois à caractère saisonnier.

Le projet de loi retient donc une obligation d'information plus large que ce que l'accord prévoit.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Sur proposition du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC), l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission, un amendement pour indiquer que le CDI est la forme normale « et générale » de la relation de travail. Le projet de loi reprend ainsi exactement la formulation retenue par les partenaires sociaux dans l'ANI. Trois amendements rédactionnels ont par ailleurs été adoptés.

III - La position de votre commission

La première partie de cet article a une portée essentiellement politique : il s'agit de réaffirmer que le CDI, facteur de stabilité dans l'emploi, demeure la norme sociale de référence et que les contrats à durée déterminée restent l'exception.

La deuxième partie de l'article a une portée normative plus affirmée, mais ne modifie que légèrement le droit en vigueur. En améliorant l'information des représentants du personnel sur le recours aux contrats précaires, elle devrait toutefois favoriser un dialogue constructif avec le chef d'entreprise susceptible, éventuellement, de limiter le recours à ces contrats.

Votre commission approuve par ailleurs la décision, prise par le Gouvernement après concertation, de prévoir une information sur le recours aux CDD et à l'intérim sans distinguer selon les cas de recours à ces contrats, considérant qu'elle répond à un juste souci de simplicité et de complète information.

Elle vous suggère un amendement pour prévoir que l'information des représentants du personnel devra aussi porter sur les contrats conclus avec une entreprise de portage salarial. Cette extension lui paraît légitime dans la mesure où le portage, qui est décrit plus en détail à l'article 8, fonctionne selon des modalités qui rappellent celles de l'intérim, les personnes portées accomplissant des missions généralement assez courtes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 2 (art. L. 1221-19 à L. 1221-25 nouveaux du code du travail)- Durée de la période d'essai

Objet : Cet article fixe la durée maximale de la période d'essai et impose le respect d'un délai de prévenance en cas de rupture du contrat de travail au cours de son déroulement.

I - Le dispositif proposé

-Le droit en vigueur

La période d'essai, qui s'effectue au commencement de l'exécution du contrat de travail, a pour objet de permettre aux parties de vérifier que le contrat de travail qu'elles viennent de signer leur convient : pour l'employeur, il s'agit d'évaluer l'aptitude professionnelle du salarié ; pour le salarié, il s'agit d'apprécier si la tâche qui lui est confiée et les conditions de travail dont il bénéficie le satisfont. L'essai ne se présume pas et doit donc être expressément prévu, soit par le contrat de travail lui-même, soit par la convention collective.

La loi ne limite pas la durée de la période d'essai que peut accomplir un salarié en CDI : celle-ci est fixée par le contrat ou par la convention collective. En l'absence de disposition conventionnelle, le juge apprécie si la durée prévue par le contrat est justifiée par la finalité de l'essai et par les fonctions confiées au salarié.

Pour les CDD, le code du travail limite la durée de la période d'essai : elle ne peut excéder une durée calculée à raison d'un jour par semaine, dans la limite de deux semaines, lorsque la durée prévue du contrat est inférieure à six mois, et d'un mois dans les autres cas.

Pendant la période d'essai, chacune des parties a la faculté de rompre à tout moment le contrat de travail, sans formalisme. Le droit du licenciement ne s'applique pas et l'employeur n'a donc pas à fournir de motif s'il prend l'initiative de la rupture. Le respect d'un délai de préavis ne peut non plus être exigé. Le juge contrôle seulement que la rupture du préavis n'est ni discriminatoire ni abusive.

- Les stipulations de l'accord des partenaires sociaux

Les partenaires sociaux ont souhaité harmoniser les pratiques en la matière en fixant, au niveau interprofessionnel , une durée maximale de la période d'essai. Tel est l'objet de l'article 4 de l'ANI.

Cette durée est modulée en fonction de la catégorie professionnelle du salarié. Les partenaires sociaux l'ont fixée, sous réserve qu'un accord de branche n'ait pas prévu de durée plus longue, entre :

- un et deux mois maximum pour les ouvriers et les employés ;

- deux et trois mois maximum pour les agents de maîtrise et les techniciens ;

- trois et quatre mois maximum pour les cadres.

Ils ont également prévu que la période d'essai puisse être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit.

Ils ont ensuite souhaité que l'employeur respecte un délai de prévenance dans le cas où il décide de mettre fin à la période d'essai. Ce délai, qui ne peut avoir pour effet de porter la durée de la période d'essai au-delà des maxima prévus, est fixé à :

- quarante-huit heures au cours du premier mois de présence dans l'entreprise ;

- deux semaines après un mois de présence ;

- un mois après trois mois de présence.

Le salarié qui décide de mettre fin à l'essai est tenu, pour sa part, de respecter un délai de prévenance de quarante-huit heures.

- Les dispositions du projet de loi

Le paragraphe I de cet article propose d'introduire dans le chapitre du code du travail consacré à la « formation et à l'exécution du contrat de travail » une nouvelle section relative à la période d'essai, comportant sept articles.

L'article L. 1221-19 fixe la durée maximale de la période d'essai par catégorie en reprenant les dispositions de l'ANI, soit :

- deux mois pour les ouvriers et employés ;

- trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;

- quatre mois pour les cadres.

Le projet de loi se distingue de l'ANI en ce qu'il ne fixe pas de durée minimale à la période d'essai. Il sera donc possible de prévoir une durée plus courte par la voie conventionnelle ou contractuelle.

L'article L. 1221-20 indique ensuite que la période d'essai ne peut être renouvelée qu'une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe aussi les conditions et la durée de ce renouvellement.

Renouvellement compris, la durée de la période d'essai ne peut excéder le double de celle initialement prévue, soit quatre mois pour les ouvriers et employés, six mois pour les agents de maîtrise et les techniciens et huit mois pour les cadres.

L'article L. 1221-21 précise les conditions dans lesquelles ces nouveaux maxima légaux s'articulent avec les durées fixées par la voie conventionnelle.

Il pose d'abord un principe : ces durées sont impératives, ce qui signifie qu'un accord collectif ne peut prévoir de durée plus longue. Des exceptions à ce principe sont cependant mentionnées :

- en premier lieu, une durée plus longue prévue par un accord de branche conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi pourra toujours continuer à s'appliquer. L'intention des partenaires sociaux étant d'autoriser des périodes d'essai plus longues, il convient d'éviter que l'entrée en vigueur de la loi ne produise l'effet inverse dans certaines branches ;

- en second lieu, il est indiqué qu'un accord conclu après l'entrée en vigueur de la loi peut prévoir une durée plus courte . Il en est de même de la lettre d'engagement du salarié ou de son contrat de travail. Ces dispositions peuvent être jugées superfétatoires, dans la mesure où le fait de prévoir une durée maximale dans la loi n'interdit évidemment pas de retenir une durée plus courte dans une convention collective ou dans la loi.

L'article L. 1221-22 , reprenant en cela la jurisprudence en vigueur, souligne que la période d'essai ne se présume pas. Il ajoute qu'elle doit être expressément stipulée dans la lettre d'engagement du salarié ou dans son contrat de travail. En conséquence, il ne suffirait plus qu'une période d'essai soit prévue dans la convention collective applicable à l'entreprise pour que le salarié puisse se la voir valablement imposer.

L'article L. 1221-23 envisage le cas où un jeune stagiaire en entreprise est embauché à l'issue de son stage. Cette hypothèse est envisagée au premier alinéa du a) de l'article 3 de l'ANI.

Il s'applique aux seuls stages intégrés à un cursus pédagogique et réalisés lors de la dernière année d'étude. Il prévoit que la durée du stage est alors déduite de la période d'essai, sans que cela ait pour effet de réduire celle-ci de plus de la moitié, sauf si un accord collectif prévoit des stipulations plus favorables.

L'article L. 1221-24 détermine la durée du délai de prévenance applicable en cas de rupture du contrat en cours ou au terme de la période d'essai à l'initiative de l'employeur.

Il reprend strictement les durées prévues par l'ANI. Il précise que la période d'essai ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

Enfin, l'article L. 1221-25 indique que le salarié doit respecter un délai de prévenance de quarante-huit heures s'il prend l'initiative de mettre un terme à la période d'essai.

Le paragraphe II est relatif aux accords de branche conclus avant l'entrée en vigueur de la loi et prévoyant des durées plus courtes pour la période d'essai que celles prévues dans le projet de loi.

Les stipulations de ces accords relatives à la durée de la période d'essai continueront à s'appliquer jusqu'au 30 juin 2009 . Ce délai permettra aux partenaires sociaux, au niveau des branches, de renégocier ces dispositions et d'allonger éventuellement la durée des périodes d'essai autorisées.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a d'abord adopté un amendement définissant l'objet de la période d'essai : elle « permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ».

Elle a ensuite souhaité corriger une malfaçon rédactionnelle ; comme on l'a vu, le projet de loi indique que la période d'essai ne peut être renouvelée qu'une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Littéralement, cette phrase peut signifier que, à défaut d'accord, la période d'essai est renouvelable sans limitation. Telle n'est évidemment pas l'intention des auteurs du texte qui ont simplement voulu signifier que la période d'essai peut être renouvelée une fois, à condition qu'un accord étendu le prévoie. A défaut d'accord, le renouvellement est impossible.

L'Assemblée a enfin adopté un amendement rédactionnel de la commission.

III - La position de votre commission

L'adoption de cet article devrait avoir pour effet d'augmenter, en moyenne, la durée de la période d'essai effectuée par les salariés. Sa portée sera toutefois différenciée selon les branches, dans la mesure où celles-ci prévoient aujourd'hui des durées variables pour la période d'essai.

L'allongement de la période d'essai a été accepté par les syndicats signataires de l'accord qui estiment, contrairement à ce qu'une analyse trop rapide pourrait laisser penser, qu'il ne sera pas facteur de précarité supplémentaire pour les salariés.

En effet, ces syndicats soulignent que l'allongement de la période d'essai devrait dissuader les employeurs d'utiliser le CDD ou l'intérim comme des outils de pré-recrutement, comme cela arrive souvent actuellement, et favoriser, en conséquence, une augmentation de la part des embauches effectuées en CDI.

Votre commission observe en outre que l'allongement de la période d'essai est atténué par l'instauration d'un délai de prévenance. L'obligation de respecter ce délai de prévenance interdira à l'employeur de rompre le contrat à la toute fin de la période d'essai.

Outre deux amendements rédactionnels, votre commission vous suggère d'étendre, par voie d'amendement, le bénéfice de ce délai de prévenance aux salariés en CDD. Il ne paraît pas justifié, en effet, d'introduire une différence de traitement, sur ce point, entre les salariés en CDD et ceux titulaires d'un CDI, alors que le code du travail accorde, en principe, les mêmes droits et garanties à ces deux catégories de salariés.

Elle vous propose également de réduire le délai de prévenance à vingt-quatre heures lorsque la durée de présence dans l'entreprise est inférieure à huit jours. Dans certains secteurs, l'agriculture notamment, et pour certains postes de travail, l'employeur est capable d'apprécier en très peu de temps si le salarié embauché lui convient. Dans ce cas, un délai de prévenance limité à vingt-quatre heures semble suffisant.

Enfin, elle propose de préciser dans le texte que la possibilité de renouveler la période d'essai doit être stipulée dans le contrat de travail ou dans la lettre d'engagement du salarié, comme le prévoit déjà la jurisprudence.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 3(art. L. 1226-1 du code du travail) - Ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnisation conventionnelle de la maladie

Objet : Cet article abaisse le seuil d'ancienneté requise pour bénéficier de l'indemnisation conventionnelle de la maladie.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 1226-1 du code du travail dispose que tout salarié ayant trois ans d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière versée par l'assurance maladie pour cause de maladie.

Plusieurs conditions sont cependant prévues :

- l'incapacité doit être attestée par un certificat médical suivi éventuellement d'une contre-visite ;

- le salarié doit avoir justifié de cette incapacité dans un délai de quarante-huit heures ;

- il doit être pris en charge par la sécurité sociale ;

- il doit être soigné sur le territoire national ou dans un Etat membre de la Communauté économique européenne ou de l'Espace économique européen.

Cette indemnité complémentaire permet au salarié de percevoir, pendant les trente premiers jours, 90 % de la rémunération brute qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler, puis les deux tiers pendant les trente jours suivants.

Pour étendre le bénéfice de cette indemnisation complémentaire, il est proposé d'abaisser de trois ans à un an l'ancienneté requise. Cette mesure est prévue à l'article 5 de l'ANI, qui vise à favoriser l'accès à certains droits sociaux, au profit notamment des salariés qui connaissent de fréquents changements d'emploi. Le seuil de trois ans avait été fixé par l'ANI sur la mensualisation du 10 décembre 1977.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve cette disposition qui contribuera à améliorer la couverture santé de nombreux salariés.

Elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 4 (art. L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1234-9 et L. 1234-20 du code du travail) - Adaptations du droit du licenciement

Objet : Cet article indique que tout licenciement doit être motivé par une cause réelle et sérieuse, diminue l'ancienneté requise pour bénéficier d'indemnités de licenciement et précise les effets juridiques attachés au reçu pour solde de tout compte.

I - Le dispositif proposé

Cet article propose de modifier le titre III du livre II de la première partie du code du travail, consacré à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Son 1° et son 2° portent sur la motivation du licenciement, pour motif personnel et pour motif économique.

Le propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1232-1 du code du travail qui dispose actuellement que « tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ».

La nouvelle rédaction conserve cette disposition et précise simplement que le licenciement « est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre ». Ledit chapitre détermine la procédure applicable au licenciement : obligation d'un entretien préalable, possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié, notification.

Le introduit une modification analogue à l'article L. 1233-2, relatif au licenciement pour motif économique. Il est d'abord indiqué que le licenciement est motivé « dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre » : consultation des représentants du personnel, entretien avec le salarié, notification du licenciement, le cas échéant plan de sauvegarde de l'emploi, etc. Puis il est rappelé que le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Conformes au souhait des partenaires sociaux de réaffirmer l'obligation de motiver les licenciements (point 1 de l'article 11 de l'ANI), ces modifications ne modifient pas véritablement le droit en vigueur. Elles mettent seulement en relief la distinction entre règles de procédure (le licenciement est motivé) et règles de fond (le licenciement est justifié).

Le tend à réduire l'ancienneté requise pour bénéficier d'une indemnité de licenciement. L'article L. 1234-9 du code du travail prévoit actuellement qu'un salarié doit compter deux ans d'ancienneté, au service du même employeur, pour avoir droit à cette indemnité. Il est proposé de ramener cette durée à un an .

Il est également proposé de supprimer le deuxième alinéa du même article L. 1234-9, qui dispose que le taux de l'indemnité de licenciement est différent selon que le motif du licenciement est économique ou personnel.

Aujourd'hui, l'article R. 1234-2 du code du travail prévoit que, dans le cas d'un licenciement pour motif personnel, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté. A partir de dix ans d'ancienneté, l'indemnité est augmentée d'un quinzième de mois par année d'ancienneté au-delà de dix ans.

En cas de licenciement pour motif économique, en revanche, l'indemnité ne peut être inférieure à deux dixièmes de mois de salaire par année d'ancienneté, augmentée de deux quinzièmes de mois pour chaque année d'ancienneté au-delà de dix ans.

Dans un souci de simplification et d'équité, les partenaires sociaux ont souhaité qu'une indemnité de rupture unique soit instaurée, alignée sur le montant aujourd'hui le plus favorable (soit un cinquième de mois par année de présence conformément au point 3 de l'article 11 de l'ANI). Le Gouvernement prévoit de prendre par décret les mesures règlementaires nécessaires.

Le définit le solde de tout compte et précise la valeur juridique du reçu pour solde de tout compte , transposant ainsi dans la loi le quatrième point de l'article 11 de l'ANI.

Etabli par l'employeur, le solde de tout compte fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Il est remis au salarié qui en donne reçu à l'employeur.

Jusqu'à la promulgation de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le reçu pour solde de tout compte avait un effet libératoire , passé un délai de deux mois au cours duquel il pouvait être dénoncé, c'est-à-dire que le salarié reconnaissait qu'il était rempli de ses droits et renonçait à toute réclamation ultérieure. Depuis 2002, le reçu n'a plus que la valeur de preuve des sommes qui y figurent.

Il est proposé de rétablir le caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte, à l'expiration d'un délai de six mois, à compter de sa signature, au cours duquel il pourra être dénoncé.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée a adopté un amendement des députés Jean-Pierre Decool, Bernard Gérard, Françoise Hostalier, Marc-Philippe Daubresse, Jacques Remiller, Alain Suguenot et Philippe Martin (Marne) qui précise que le reçu pour solde de tout compte doit être dénoncé par écrit et en étant motivé. Cet amendement a été adopté malgré l'avis défavorable de la commission et du Gouvernement, qui ont fait valoir que l'article D. 1234-8 du code du travail dispose déjà que le reçu pour solde de tout compte ne peut être dénoncé que par lettre recommandée.

III - La position de votre commission

Après les expériences du CNE et du CPE, les organisations syndicales ont insisté pour que le principe de la motivation obligatoire du licenciement soit nettement réaffirmé. Le projet de loi leur donne satisfaction sur ce point. La réaffirmation de ce principe a pour corollaire la disparition du CNE proposée à l'article 9.

Sur le plan pratique, la principale innovation apportée par cet article réside dans le rétablissement du caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte. Cette disposition doit être analysée en lien avec la création d'une nouvelle procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, prévue à l'article suivant : ces deux mesures visent à limiter le recours aux tribunaux et à favoriser plutôt la recherche de solutions négociées entre employeur et salarié.

De ce point de vue, l'existence d'un délai de dénonciation relativement long - six mois - constitue une garantie importante pour le salarié. Pendant cette période, le salarié pourra rechercher des conseils et dénoncer le reçu pour solde de tout compte s'il constate que les sommes qui lui ont été versées sont insuffisantes, au regard des dispositions légales et conventionnelles applicables.

Votre commission est peu convaincue par l'ajout de l'Assemblée nationale. D'abord, parce que le code du travail impose déjà que la dénonciation se fasse par écrit, ce qui rend redondante la première précision apportée. Ensuite, parce que l'obligation faite au salarié de motiver la dénonciation du reçu pour solde de tout compte risque de susciter un important contentieux qui aurait pour objet de déterminer si la motivation est suffisante ou non. Comme cet article vise à réduire le nombre d'actions contentieuses, il paraît préférable de reconnaître au salarié le droit de dénoncer le reçu, sans avoir à fournir de justification particulière.

Votre commission vous propose donc d'amender le texte en ce sens et vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5 (art. L. 1237-11 à L. 1237-16 nouveaux du code du travail,
art. 80 duodecies du code général des impôts, art. L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-10 du code rural) - Rupture conventionnelle du contrat de travail

Objet : Cet article détermine la procédure applicable en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail.

I - Le dispositif proposé

Les partenaires sociaux ont souhaité développer la rupture conventionnelle du contrat de travail, qui est abordée à l'article 12 de l'ANI. A cette fin, ils ont proposé que celle-ci soit encadrée par une procédure de nature à garantir la liberté de consentement des parties.

-Actuellement, la rupture du contrat de travail par accord mutuel est tout à fait possible sur le fondement de l'article 1134 du code civil, qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Le contrat, résultant de la volonté des parties, peut être défait par ceux qui l'ont conclu. Pour être valide, ce type de rupture amiable doit être exempt de tout vice du consentement (erreur, violence, dol), conformément au droit général des contrats. Mode distinct de rupture du contrat, la rupture amiable dispense l'employeur d'appliquer le droit du licenciement. Elle n'obéit à aucune règle de procédure définie par la loi. Une fois signé, l'acte constatant la rupture amiable acquiert un caractère irrévocable.

La rupture amiable est cependant peu utilisée, d'abord parce que l'absence de tout formalisme n'est pas de nature à rassurer les parties, ensuite parce que la loi et la jurisprudence ont progressivement restreint son champ d'application. Depuis 1992, la procédure applicable en cas de licenciement économique doit aussi être respectée pour toute rupture du contrat résultant d'un motif économique. La Cour de cassation considère de plus que la rupture négociée n'est valable que si elle est indépendante de tout litige et qu'elle ne peut être utilisée pour mettre un terme au contrat d'un salarié protégé.

-Le projet de loi propose d'insérer dans le code du travail une nouvelle section qui encadre la rupture d'un commun accord du point de vue procédural.

Le paragraphe I complète l'article L. 1231-1 du code du travail qui dispose que « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié » pour préciser qu'il peut être rompu « d'un commun accord ».

Le paragraphe II insère une nouvelle section dans le chapitre VII du titre III de la livre II de la première partie du code du travail. Ce chapitre, qui intervient après ceux consacrés au licenciement et à la rupture du CNE, est relatif aux « autres modes de rupture », à savoir la démission et le départ en retraite. Cette nouvelle section, intitulée « rupture conventionnelle » compte six articles.

L'article L. 1237-11 définit la rupture conventionnelle en insistant, de manière appuyée, sur la nécessité d'un accord librement consenti entre les parties.

Il est d'abord indiqué que l'employeur et le salarié peuvent convenir « en commun » des conditions de rupture du contrat qui les lie. Puis, que la rupture conventionnelle « ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties ». Ensuite, qu'elle résulte « d'une convention signée par les parties au contrat ». Enfin, qu'elle obéit à une procédure destinée à « garantir la liberté du consentement des parties ». Ces redondances visent sans doute à dissuader l'employeur de faire pression sur le salarié pour l'amener à accepter ce mode de rupture.

L'article L. 1237-12 détermine la première étape de la procédure de rupture conventionnelle : l'employeur et le salarié conviennent de ce mode de rupture lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels ils peuvent se faire assister.

Le salarié peut se faire assister :

- par un salarié de l'entreprise, qui peut être un représentant du personnel ou un délégué syndical ;

- en l'absence de représentant du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

Ces dispositions sont analogues à celles applicables à l'assistance du salarié pendant l'entretien préalable à un licenciement.

L'employeur peut se faire assister si le salarié choisit de faire lui-même usage de cette faculté. Le texte ne précise pas par qui peut être assisté l'employeur ; le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, Xavier Bertrand, a indiqué lors des débats à l'Assemblée nationale que « suivant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'entretien préalable au licenciement, l'employeur pourra se faire assister uniquement par une personne appartenant au personnel de l'entreprise ». Cette possibilité de se faire assister par un salarié découle du pouvoir de direction qui lui est reconnu dans l'entreprise.

L'article L. 1237-13 précise le contenu de la convention de rupture .

Elle détermine les conditions de la rupture, notamment le montant de l'indemnité versée au salarié (dénommée « indemnité spécifique de rupture conventionnelle »). Cette indemnité, négociée entre l'employeur et le salarié, ne peut être inférieure à celle versée en cas de licenciement.

Elle fixe ensuite la date de la rupture du contrat de travail. Elle intervient au plus tôt le lendemain du jour de l'homologation de la convention par l'autorité administrative. Cette procédure d'homologation est définie à l'article L. 1237-14 présenté ci-après.

A compter de la signature de la convention, les parties disposent d'un délai de rétractation de quinze jours calendaires 5 ( * ) . La rétractation s'effectue par l'envoi à l'autre partie d'une lettre dont il est possible d'attester la date de réception (lettre recommandée avec accusé de réception par exemple).

L'article L. 1237-14 traite de la procédure d'homologation , qui fait intervenir l'administration.

Une fois le délai de rétractation écoulé, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, en l'occurrence la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), accompagnée d'un exemplaire de la convention. Un modèle-type de demande d'homologation sera fixé par arrêté ministériel. L'homologation est une condition de validité de la convention.

A compter de la réception de la demande, l'administration dispose d'un délai d'instruction de quinze jours calendaires. Elle s'assure du respect des dispositions prévues par le code du travail et de la liberté de consentement des parties. Si elle n'a pas notifié sa réponse dans ce délai, elle est réputée avoir homologué l'accord et se trouve dessaisie.

Le quatrième alinéa de l'article aborde l'aspect contentieux. Il indique d'abord que l'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui de la convention. Il unifie ensuite la compétence contentieuse en attribuant tous les litiges relatifs à la convention ou à son homologation au conseil de prud'hommes. Sans cette précision, le contentieux de l'homologation, qui est accordée ou refusée par l'administration, serait revenu à la juridiction administrative. Tout recours administratif est également exclu, c'est-à-dire qu'il sera impossible de former un recours hiérarchique auprès du ministre du travail. Ces restrictions visent à éviter que la conclusion de la convention de rupture ne soit suivie de longues procédures devant les tribunaux.

L'article L. 1237-15 envisage le cas des salariés protégés, visés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail.

Le code du travail recense dix-sept catégories de salariés protégés, parmi lesquels on trouve notamment les élus du personnel (délégués du personnel, membres du comité d'entreprise ou du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et les délégués syndicaux.

Ces salariés bénéficient d'un régime protecteur contre le licenciement, destiné à éviter qu'ils ne soient victimes de procédures abusives de la part de leur employeur. Leur licenciement doit ainsi être autorisé par l'inspecteur du travail et le comité d'entreprise doit être consulté. Si l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail est ensuite annulée, le salarié protégé a le droit d'être réintégré dans son emploi. Cette procédure présente un caractère impératif : en application de la jurisprudence Perrier , l'employeur ne peut négocier une rupture à l'amiable du contrat de travail de ces salariés 6 ( * ) .

Le projet de loi propose, d'une part, d'autoriser la rupture conventionnelle du contrat de travail de ces salariés, d'autre part, de les faire bénéficier, dans cette hypothèse, d'une protection identique à celle applicable en cas de licenciement. La rupture conventionnelle ne pourra prendre effet, au plus tôt, que le lendemain du jour où l'autorisation aura été accordée par l'inspecteur du travail.

Soulignons que l'autorisation devra être expresse : le silence de l'inspection du travail pendant deux mois vaudra décision implicite de rejet de la demande.

L'article L. 1237-16 prévoit ensuite que le contrat de travail ne peut être rompu par la voie conventionnelle dans les deux cas de figure suivants :

- si la rupture résulte d'un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ;

- si elle résulte d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Introduite dans le code du travail par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, la GPEC a pour finalité d'aider les entreprises à anticiper et à traiter en amont, par le dialogue social, les évolutions de l'emploi. Les entreprises et les groupes de plus de trois cents salariés ont l'obligation de négocier tous les trois ans sur la mise en place d'un dispositif de GPEC (article L. 2242-15 du code du travail).

Les accords de GPEC peuvent prévoir le départ négocié de salariés. Dans la mesure où l'accord définit déjà dans quelles conditions la rupture du contrat est opérée, il apparaît peu opportun d'imposer dans ce cas de figure le respect de la procédure instituée par le présent article.

Le PSE, anciennement dénommé plan social, a pour objet d'éviter les licenciements ou d'en diminuer le nombre (article L. 1233-61 du code du travail). Il est mis en place dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés qui ont un projet de licenciement concernant au moins dix salariés dans une période de trente jours. Il comporte des mesures variées, telles que des actions de reclassement interne ou externe des salariés, de soutien à la création d'activités nouvelles ou encore d'aménagement du temps de travail. Là encore, les départs négociés dans le cadre du PSE ne sont pas soumis à la procédure définie par le présent article, étant entendu qu'ils sont déjà encadrés par les dispositions du PSE.

Le paragraphe III détermine le régime fiscal applicable à l'indemnité de rupture conventionnelle.

Elle se voit appliquer le régime prévu au 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts : les sommes perçues par le salarié ne sont pas imposables au titre de l'impôt sur le revenu, dans la limite d'un plafond.

L'exonération s'applique à la fraction des indemnités qui n'excède pas le plus favorable des deux plafonds suivants :

- soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond fixé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale 7 ( * ) en vigueur à la date de versement des indemnités ;

- soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel, ou, à défaut, par la loi.

Il convient de souligner que ce régime fiscal très favorable s'applique seulement si le salarié n'est pas en droit de bénéficier d'une pension versée par un régime obligatoire de retraite. Cette restriction vise naturellement les assurés sociaux liquidant leur pension à partir de soixante ans, mais également ceux bénéficiant des dispositifs légaux prévoyant la possibilité d'un départ avant cet âge, notamment au titre des carrières longues. Il s'agit d'éviter que les salariés ne soient incités à interrompre prématurément leur activité professionnelle, ce qui serait contraire à l'objectif d'augmentation du taux d'emploi des seniors. Il convient de préciser en effet que le régime fiscal de l'indemnité de départ en retraite est néanmoins moins avantageux que celui qui vient d'être décrit 8 ( * ) .

Le paragraphe IV fixe le régime social applicable à l'indemnité de rupture.

Il propose à cette fin de modifier les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-10 du code rural pour indiquer que cette indemnité est exonérée de cotisations sociales, dans la limite de la fraction assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies susvisé du code général des impôts.

Le régime fiscal et social ainsi défini est plus rigoureux que celui proposé par les partenaires sociaux. Dans l'ANI, en effet, l'indemnité n'était assujettie ni aux prélèvements fiscaux ni aux prélèvements sociaux, ce qui aurait conduit au passage à rétablir de facto le dispositif de cessation anticipée d'activité baptisé « départ négocié en commun avec l'accord de l'employeur », supprimé par l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision de la commission, qui indique que la procédure de licenciement économique s'applique seulement dans le cas où la rupture du contrat de travail est décidée à l'initiative de l'employeur. Elle ne s'applique donc pas dans l'hypothèse de la rupture conventionnelle qui est, par construction, décidée d'un commun accord.

Après avis favorable de la commission et avis de sagesse du Gouvernement, elle a également adopté, à l'unanimité, un amendement du groupe socialiste, tendant à préciser que les salariés dont le contrat de travail a été rompu par la voie conventionnelle bénéficient des allocations de l'assurance chômage dans les conditions de droit commun.

Le Gouvernement n'avait pas jugé utile de faire figurer cette disposition, stipulée à l'article 12 a) de l'ANI, dans le projet de loi, considérant qu'il appartiendrait aux partenaires sociaux de prendre les mesures adéquates lors de la renégociation de la convention d'assurance chômage, qui va intervenir dans les prochains mois. Mais l'Assemblée nationale a souhaité que la loi soit plus précise sur ce point.

Elle a également adopté un amendement des députés Dominique Tian et Lionel Tardy, sous-amendé par Jean-Frédéric Poisson, qui dispose que le salarié, s'il décide de se faire assister pendant l'entretien, doit en informer préalablement l'employeur ; si l'employeur décide alors d'être assisté, il en informe à son tour le salarié.

III - La position de votre commission

La rupture conventionnelle du contrat de travail est la pierre angulaire de la modernisation du marché du travail. Ce nouveau mode de rupture, pour peu que les acteurs du monde de l'entreprise en fassent usage, devrait introduire plus de fluidité dans le marché du travail et favoriser des relations sociales plus apaisées, en rendant notamment moins fréquent le recours au juge.

Le licenciement donne lieu assez fréquemment à des recours en justice : un quart des licenciements pour motif personnel sont contestés devant les prud'hommes ; 90 % des litiges du travail portent sur la contestation de la rupture du contrat de travail et 64 %, plus spécifiquement, sur la contestation du motif de licenciement 9 ( * ) . Cette abondance du contentieux reflète un climat de défiance dans les entreprises qu'il convient d'essayer de dépasser. La crainte de se retrouver devant le juge, et d'être éventuellement condamné, paralyse souvent les décisions d'embauche des chefs d'entreprise. Pour favoriser l'emploi, il est donc souhaitable de « sécuriser » la fin de la relation de travail, ce que permet la rupture conventionnelle.

Les organisations syndicales ont veillé à ce que les droits des salariés soient préservés : la possibilité pour le salarié de se faire assister, l'existence d'un délai de rétractation, le contrôle opéré par l'administration, l'obligation de verser une indemnité au moins égale à l'indemnité de licenciement constituent autant de garanties. La « sécurisation » juridique de la rupture devrait donc bénéficier aussi au salarié, dont il n'est pas sûr qu'il ait toujours intérêt à s'engager dans des procédures judiciaires longues, coûteuses et au résultat aléatoire.

Il conviendra toutefois de veiller à ce que cet assouplissement juridique ne donne pas lieu en pratique, comme cela a été souvent le cas par le passé 10 ( * ) , à un détournement de la volonté du législateur sous la forme d'un accroissement des départs anticipés avant l'âge légal de la retraite.

L'idée d'attribuer le contentieux de l'homologation au conseil de prud'hommes, et non au tribunal administratif, participe de cette même logique qui vise à réduire l'incertitude découlant de procédures contentieuses prolongées. Afin de « sécuriser » encore davantage la rupture conventionnelle, votre commission vous propose de prévoir que le conseil de prud'hommes statue en premier et dernier ressort ; sa décision ne pourrait être donc contestée en appel, mais seulement devant la Cour de cassation.

Votre commission vous propose également de compléter le texte pour prévoir que l'employeur, dans les petites entreprises comptant moins de cinquante salariés, pourra se faire assister, lors du ou des entretiens avec le salarié, par un autre employeur relevant du même secteur professionnel ou par une personne appartenant à la même organisation patronale. Cette précision rend la procédure  plus équitable, en permettant à l'employeur d'être assisté par une personne extérieure à l'entreprise dans des conditions analogues à celles prévues pour le salarié.

Votre commission vous propose enfin de corriger une erreur d'imputation qui rend peu compréhensible un des amendements adoptés par l'Assemblée nationale et d'adopter un amendement rédactionnel tendant à faire figurer la disposition relative au droit des salariés aux allocations chômage dans la partie du code consacrée à l'assurance chômage.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 6- Contrat à durée déterminée à objet défini

Objet : Cet article instaure un nouveau contrat à durée déterminée à objet défini.

I - Le dispositif proposé

Cet article, qui met en oeuvre le b) de l'article 12 de l'ANI, propose la création d'un nouveau type de contrat à durée déterminée (CDD) dont la caractéristique principale est d'arriver à échéance une fois que l'objet pour lequel il a été conclu est réalisé.

Le recours à ce nouveau contrat est soigneusement encadré :

- sa durée ne peut être inférieure à dix-huit mois ni supérieure à trente-six mois ;

- il est réservé aux cadres et ingénieurs , au sens des conventions collectives ;

- un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d'entreprise doit prévoir la possibilité de signer ce contrat.

Cet accord de branche ou d'entreprise définit :

- les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée ; ils pourraient par exemple être utilisés pour des projets tournés vers l'exportation ou pour mener des travaux de recherche ;

- les conditions dans lesquelles les salariés en CDD à objet défini bénéficient de garanties relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauchage et à l'accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel. Toutes ces dispositions s'inscrivent dans une perspective de sécurisation des parcours professionnels de ces salariés ;

- les conditions dans lesquelles ces salariés ont priorité d'accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l'entreprise.

Ce nouveau contrat est soumis aux dispositions applicables au CDD de droit commun, figurant au titre IV du livre II de la première partie du code du travail (articles L. 1241-1 à L. 1248-11), sous réserve des dispositions spécifiques prévues par le présent article.

Le CDD à objet défini présente les spécificités suivantes :

- le salarié bénéficie d'un délai de prévenance d'au moins deux mois avant la fin de son contrat de travail ;

- il peut être rompu à la date anniversaire de sa conclusion, par l'employeur ou le salarié, pour un motif réel et sérieux.

Un CDD classique ne peut être rompu à l'initiative d'une des parties, avant l'échéance de son terme, qu'en cas de faute grave ou de force majeure. La notion de motif réel et sérieux rappelle la cause réelle et sérieuse qui doit être invoquée pour justifier tout licenciement. La jurisprudence considère qu'une cause réelle et sérieuse repose sur des faits objectifs bien établis, suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail ;

- il ne peut être renouvelé ; un CDD classique est renouvelable une fois, sans que la durée du contrat, renouvellement compris, ne puisse excéder dix-huit mois ;

- si le salarié n'est pas embauché en CDI à l'issue de son CDD à objet défini, il a droit à une indemnité d'un montant égal à 10 % de sa rémunération totale brute ; le montant de cette indemnité est identique à celui de l'indemnité de précarité versée à un salarié dont le CDD arrive à son terme.

L'indemnité de 10 % est également due en cas de rupture du contrat à la date anniversaire de sa conclusion.

Etabli par écrit, le CDD à objet défini comporte obligatoirement :

- la désignation du contrat comme « contrat à durée déterminée à objet défini » ;

- l'intitulé et les références de l'accord collectif qui institue ce contrat ;

- une clause descriptive du projet pour lequel le salarié est embauché et mentionnant sa durée prévisible ;

- la définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;

- l'événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;

- le délai de prévenance de l'arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;

- une clause mentionnant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux et le droit, dans ce cas, à une indemnité de rupture égale à 10 % de la rémunération totale brute du salarié.

Le dispositif proposé présente un caractère expérimental : le CDD à objet défini est institué pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la loi. A l'expiration de ce délai, le Gouvernement présentera un rapport au Parlement, après concertation avec les partenaires sociaux et consultation de la commission nationale de la négociation collective (CNNC) 11 ( * ) , sur les conditions d'application de ce contrat et son éventuelle pérennisation.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre quatre amendements rédactionnels ou de précision, l'Assemblée a adopté un amendement pour préciser que seul l'employeur est tenu d'indemniser le salarié, dans tous les cas, lors de rupture du contrat à la date anniversaire de sa conclusion ; aucune obligation équivalente ne pèse sur le salarié, qui n'indemnisera l'employeur que si les tribunaux estiment que celui-ci a subi un préjudice.

III - La position de votre commission

L'idée de créer un CDD dont le terme serait l'achèvement du projet pour lequel il a été signé n'est pas nouvelle. Au début de l'année 2004, le rapport de Michel de Virville, remis à François Fillon alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, préconisait déjà « la création d'un contrat ouvert à des cadres ou à des personnels qualifiés pour participer à la mise en oeuvre d'un projet ».

Le contrat à objet défini apporte un élément de souplesse bienvenu et répond bien à l'évolution de l'organisation des entreprises, qui repose de plus en plus souvent sur une démarche de projets dont il n'est pas toujours aisé de connaître à l'avance le délai de réalisation.

Les types de contrats existants ne permettent pas de répondre de manière satisfaisante aux besoins exprimés par les entreprises : elles hésitent à embaucher en CDI, parce qu'elles souhaitent s'attacher les services d'un salarié de manière temporaire ; et elles hésitent à avoir recours au CDD ou à l'intérim parce que ces contrats sont trop courts et parce qu'ils ne peuvent être conclus que dans des cas bien définis. Elles font alors souvent appel à une main-d'oeuvre extérieure composée de travailleurs indépendants qui subissent une grande précarité et agissent parfois à la lisière du droit.

Les nombreuses garanties qui entourent le recours à ce nouveau CDD devraient permettre d'éviter qu'il ne soit utilisé dans des conditions préjudiciables au salarié. Créé à titre expérimental, il fera en outre l'objet d'un bilan qui permettra d'apporter, le cas échéant, les correctifs nécessaires.

Votre commission vous propose toutefois un amendement à cet article pour préciser à quels moments le contrat peut être rompu. Le projet de loi contient en effet deux dispositions apparemment contradictoires : la première indique que le contrat peut être rompu à sa date anniversaire, soit au douzième et au vingt-quatrième mois, la seconde que le contrat a une durée minimale de dix-huit mois, ce qui n'autorise alors plus qu'une rupture au vingt-quatrième mois. Dans un souci de conciliation, elle vous propose d'autoriser la rupture au dix-huitième puis au vingt-quatrième mois.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 7 (art. L. 1226-4-1 nouveau du code du travail) - Création d'un fonds de mutualisation

Objet : Cet article propose la création d'un fonds de mutualisation des dépenses d'indemnisation des salariés licenciés pour cause d'inaptitude consécutive à un accident ou une maladie d'origine non professionnelle.

I - Le dispositif proposé

Cet article, qui transcrit dans la loi l'article 13 de l'ANI, tend à compléter par un nouvel article L. 1226-4-1 la sous-section du code du travail consacrée à l'inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel (sous-section 1 de la section 2 du chapitre VI du titre II du livre II de la première partie du code du travail).

Lorsqu'un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre le poste qu'il occupait précédemment, en raison d'un accident ou d'une maladie d'origine non professionnelle, l'employeur doit s'efforcer de le reclasser dans l'entreprise, au besoin en aménageant un poste de travail. Si le reclassement s'avère impossible, l'employeur peut alors licencier le salarié, en suivant la procédure de droit commun, ce qui implique le versement des indemnités dues en cas de rupture, notamment les indemnités légale et conventionnelle de licenciement.

Il est ici proposé de créer un fonds de mutualisation, abondé par des contributions des employeurs, ayant pour vocation de verser ces indemnités pour le compte des employeurs qui auront souscrit auprès de lui cette garantie. Les employeurs qui n'auront pas contribué à ce fonds continueront à prendre en charge directement ces indemnités.

Il est prévu de confier la gestion de ce fonds à l'association mentionnée à l'article L. 3253-14 du code du travail, c'est-à-dire à l'association pour la garantie des salaires (AGS).


L'association pour la garantie des salaires

Trois organisations patronales ont instituée en 1974 l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés, plus couramment désignée sous le vocable d'association pour la garantie des salaires (AGS).

L'AGS garantit les créances résultant des rémunérations de toute nature dues aux salariés (et aux apprentis) ainsi que de certaines indemnités dues au titre de la rupture ou de l'arrivée à échéance du contrat (indemnités de licenciement, de préavis, de congés payés, de fin de contrat à durée déterminée ou de précarité d'emploi des travailleurs intérimaires). Elle règle les créances qui ne peuvent être couvertes, en tout ou partie, par les fonds disponibles dans l'entreprise.

L'AGS gère ce régime d'assurance par l'intermédiaire de ses quatorze centres de gestion et d'études (CGEA). Les cotisations dues par les employeurs sont recouvrées par les Assedic.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel.

III - La position de votre commission

Cet article répond à une préoccupation exprimée par les plus petites entreprises qui font face à une charge financière non négligeable au moment de licencier un salarié déclaré inapte dont elles dont dû par ailleurs gérer l'absence. La mutualisation des dépenses d'indemnisation répond à cette difficulté.

Pour ces motifs, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 8 (art. L. 1251-60 nouveau et L. 8241-1 du code du travail) - Portage salarial

Objet : Cet article propose une définition du portage salarial et confie à la branche de l'intérim le soin d'organiser cette activité.

I - Le dispositif proposé

- Qu'est-ce que le portage salarial ?

Le portage salarial est une nouvelle forme d'emploi, apparue en France il y a une vingtaine d'années, qui tente de concilier les avantages du travail indépendant avec ceux du salariat.

Le schéma est généralement le suivant : un professionnel autonome trouve une mission auprès d'une entreprise cliente ; puis il s'adresse à une société de portage avec laquelle il signe un contrat de travail ; une fois la mission effectuée, la société de portage encaisse les honoraires versés par le client puis reverse au professionnel une rémunération sous forme de salaire, après retenue des frais de gestion et de la totalité des cotisations sociales (parts patronale et salariale).

Ce dispositif présente deux avantages pour le professionnel :

- il lui permet de se concentrer sur son coeur de métier, en délégant à la société de portage le soin de s'occuper des formalités administratives et des questions comptables et juridiques, qui peuvent être perçues comme complexes et rébarbatives ;

- il le fait accéder au régime de protection sociale des salariés, plus avantageux que celui des travailleurs indépendants : il est affilié au régime général de sécurité sociale et, surtout, à l'assurance chômage, ce qui le fait bénéficier d'une indemnisation s'il est licencié pendant une période de creux entre deux missions.

Le portage s'est développé d'abord au sein d'une population d'anciens cadres, licenciés après cinquante ans, qui accomplissaient des missions de conseil, d'audit, d'étude ou de formation auprès d'entreprises clientes. Dans la période récente, le portage s'est répandu chez des actifs plus jeunes et souvent moins qualifiés, intervenant notamment dans le secteur des services à la personne. Les entreprises de portage revendiquaient environ 20 000 salariés en 2007 12 ( * ) .

La pratique du portage salarial pose cependant de sérieux problèmes juridiques, dans la mesure où le droit des activités professionnelles repose largement sur une distinction nette entre travail salarié et travail indépendant. Sa légalité est souvent contestée devant les tribunaux, généralement pour l'un des motifs suivants 13 ( * ) :

- le recours abusif à la qualification de contrat de travail : le lien de subordination entre employeur et salarié, qui est le critère essentiel du contrat de travail, fait souvent défaut entre l'entreprise de portage et le porté, le prétendu employeur ne fournissant de surcroît aucun travail 14 ( * ) ;

- si la qualification de contrat de travail est reconnue malgré tout, l'entreprise de portage risque de tomber sous le coup d'une condamnation pour prêt de main-d'oeuvre illicite, conformément à l'article L. 8241-1 du code du travail ;

- le non-respect des principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale, puisque la charge des cotisations de sécurité sociale pèse intégralement sur le salarié, en violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale ;

- la fraude à l'assurance chômage, les prestations servies par ce régime étant subordonnées à la rupture involontaire d'un contrat de travail.

Récusant l'idée selon laquelle le portage serait une simple technique de fraude, ses promoteurs estiment, au contraire, qu'il constitue une forme innovante d'organisation du travail, favorisant le retour des chômeurs vers l'emploi, notamment pour les plus âgés 15 ( * ) , et facilitant les transitions entre le salariat et le statut d'entrepreneur.

- Les stipulations de l'ANI

Conscients que l'activité de portage est souvent considérée « comme entachée d'illégalité », mais estimant qu'elle répond à un « besoin social », les partenaires sociaux ont souhaité, à l'article 19 de l'ANI, « sécuriser la situation des portés ainsi que la relation de prestation de service ». Ils décrivent le portage salarial comme « une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, le porté, et une entreprise cliente ».

Pour ce faire, ils ont prévu de confier à la branche du travail temporaire le soin d'organiser, par accord collectif étendu, le portage salarial, en garantissant au porté le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client ainsi que de son apport de clientèle. La durée du contrat de portage ne devra pas excéder trois ans.

- Les dispositions du projet de loi

L'article 8 du projet de loi reprend, avec quelques adaptations, les dispositions principales de l'article 19 de l'ANI.

Son paragraphe I tend à introduire une section 6, consacrée au portage salarial, dans le chapitre 1 er du titre V du livre II de la première partie du code du travail. Ce chapitre regroupe les dispositions relatives au « contrat de travail conclu avec une entreprise de travail temporaire ».

Cette section 6 comporte un article unique qui définit d'abord le portage salarial comme un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes.

Le projet de loi est moins précis que l'ANI sur la définition du type de relations contractuelles qui se noue entre la société de portage, le porté et les clients. Le projet de loi mentionne, sans plus de précision, un « ensemble de relations contractuelles », alors que l'ANI indique clairement que le contrat entre la société de portage et le client est un contrat de prestation de services et le contrat entre la société de portage et le porté un contrat de travail.

Il est précisé ensuite que la personne portée bénéficie du régime du salariat et est rémunérée par l'entreprise de portage pour la prestation effectuée chez le client. Cette référence au régime du salariat permet d'envisager deux hypothèses : soit le régime du salariat découle de la conclusion d'un contrat de travail entre la société de portage et le porté, soit le contrat entre le porté et la société de portage est d'une autre nature et le régime du salariat résulte alors d'un mécanisme d'assimilation, analogue à celui dont ont déjà bénéficié de nombreux indépendants 16 ( * ) .

Le texte garantit en outre les droits de la personne portée sur son apport de clientèle . Même si le sens de cette formule reste à préciser, elle laisse entendre que la société de portage ne pourrait, par exemple, dessaisir une personne portée d'une mission qu'elle aurait négociée avec un client pour la confier à une autre personne portée. L'entreprise cliente serait liée à une personne portée en particulier, celle qui a négocié le contrat, non à l'entreprise de portage en tant que telle.

Cette disposition ne reprend pas exactement les termes de l'ANI, qui garantit au porté une rémunération pour son apport de clientèle, laissant ainsi la porte ouverte à une possible mutualisation des missions au sein de l'entreprise de portage en échange d'une rémunération.

Le paragraphe II tend à modifier le 1° de l'article 8241-1 du code du travail, qui prohibe le prêt de main-d'oeuvre illicite : toute opération à but lucratif ayant pour but exclusif le prêt de main-d'oeuvre est en effet interdite.

Cette interdiction connaît cependant des dérogations, afin d'autoriser le fonctionnement des entreprises de travail temporaire, des entreprises à temps partagé et des agences de mannequins. Les entreprises et associations sportives bénéficient également de dispositions dérogatoires.

Il est proposé de compléter cette liste de dérogations pour indiquer que l'interdiction du prêt de main-d'oeuvre ne s'applique pas non plus au portage salarial.

Le paragraphe III prévoit enfin qu'un accord national interprofessionnel étendu peut confier à la branche dont l'activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d'organiser le portage salarial par la voie d'un accord de branche étendu.

Cette disposition permet de mettre en oeuvre une des stipulations de l'article 19 de l'ANI, par laquelle les partenaires sociaux ont souhaité confier à la branche de l'intérim le soin d'organiser le portage salarial.

Cette stipulation déroge à l'article L. 2261-19 du code du travail, qui dispose qu'un accord ne peut être étendu que s'il a été négocié par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré. Comme il n'est pas prévu de confier la négociation de l'accord aux organisations patronales et syndicales du secteur du portage salarial, mais à celles de l'intérim, il est nécessaire de prévoir dans la loi une exception à cette règle.

La branche de l'intérim disposera de deux ans au plus pour mener à bien la négociation.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

La décision des partenaires sociaux d'aborder la question du portage salarial dans l'ANI traduit leur volonté que soit enfin sérieusement abordée cette question, qui soulève, on l'aura compris, des questions juridiques complexes.

Le sujet est d'autant plus compliqué que la dénomination de « portage salarial » recouvre aujourd'hui des réalités variées. Si certaines entreprises de portage ont un fonctionnement proche de celui d'une entreprise classique, d'autres se bornent à facturer les prestations du porté puis à le rétribuer.

Les indications données par le syndicat des entreprises de travail temporaire, Prisme 17 ( * ) , à votre rapporteur suggèrent que le portage devrait finalement être organisé selon des modalités relativement proches de celles de l'intérim, sous réserve bien sûr que la négociation de branche qui doit intervenir confirme cette orientation.

Ainsi, la société de portage signerait avec l'entreprise cliente un contrat de mise à disposition et un contrat de mission avec la personne portée. La personne portée entretiendrait un lien de subordination, non avec l'entreprise de portage, mais avec l'entreprise cliente. La société de portage serait tenue, vis-à-vis de l'entreprise cliente, d'une obligation de moyens et non d'une obligation de résultats.

Le portage se distinguerait de l'intérim sur deux points essentiels :

- les personnes portées devraient trouver elles-mêmes leurs missions, alors que les agences d'intérim jouent un rôle d'intermédiaire entre offres et demandes d'emploi ;

- la personne portée négocierait avec l'entreprise cliente sa rémunération, alors que, dans le cas de l'intérim, l'entreprise cliente propose une mission avec la rémunération afférente.

La négociation annoncée va revêtir une importance cruciale tant les questions qui restent à trancher sont délicates : quels seront précisément les droits et les obligations respectifs du porté, de la société de portage et du client ? Faut-il prévoir une liste limitative de cas de recours, comme pour l'intérim ? Comment éviter que se développe la fraude aux Assedic, la distinction entre une personne qui n'a pas réussi à trouver de mission et une personne qui a décidé de se reposer aux frais de l'assurance chômage pouvant être malaisée à effectuer ?

La décision de confier l'organisation du portage à la branche de l'intérim suscite les critiques des trois organisations qui regroupent des entreprises de portage : le syndicat national des entreprises de portage salarial (Sneps), la fédération nationale du portage salarial (FENPS) et l'union nationale du portage salarial (UNPS). Ces trois organisations n'ont pas exactement la même conception de leur activité : si la première considère que le portage intéresse des personnes susceptibles de produire des services à haute valeur ajoutée (conseil, audit, formation, communication...), les deux autres estiment que le portage peut aussi être utile à des personnes moins qualifiées (services à la personne, travaux d'entretien...).

Le Sneps a conclu un accord avec plusieurs organisations syndicales pour organiser une partie du secteur du portage. Il redoute que cet accord soit remis en cause lors de la négociation menée par la branche de l'intérim. Il est vrai que la conception du portage salarial envisagée par Prisme est assez éloignée de celle qu'il s'est efforcé de promouvoir ; les entreprises adhérentes du Sneps fonctionnent en effet selon des modalités assez proches de celles d'une entreprise de conseil classique.

Pour votre commission, le choix de confier l'organisation du portage au secteur de l'intérim, outre qu'il correspond à la volonté des partenaires sociaux, se justifie par la nécessité de mobiliser, dans cette négociation, des moyens d'expertise importants, dont ne disposent peut-être pas encore les organisations des entreprises de portage. Mais il est indispensable d'associer le Sneps, la FENPS et l'UNPS aux discussions. Le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, Xavier Bertrand, a lu, lors des débats à l'Assemblée nationale, un courrier que lui a adressé Pierre Fonlupt, président de Prisme, dans lequel celui-ci s'engage à proposer aux trois fédérations qui regroupent les entreprises de portage, ainsi qu'à différents chefs d'entreprise de ce secteur, d'être associés à leurs travaux 18 ( * ) .

Afin d'apporter une garantie supplémentaire aux fédérations du portage, votre commission vous propose de préciser par voie d' amendement que l'accord de branche organisant le portage devra être négocié en concertation avec ces fédérations.

Il est vraisemblable que l'accord de branche une fois conclu sera suivi de l'adoption de nouvelles dispositions législatives et réglementaires. Il est difficile d'imaginer, en effet, que le code du travail puisse se borner à poser une définition, au demeurant assez imprécise, du portage salarial sans en détailler le régime.

Pendant la période qui va s'écouler entre la promulgation de la loi et l'extension de l'accord de branche, le portage salarial va bénéficier d'une reconnaissance légale, mais sans que son régime juridique soit encore défini. Il s'agit là d'une méthode singulière sur le plan législatif, qui n'est pas vraiment facteur de clarté ni de sécurité juridique, et qu'il conviendrait d'éviter à l'avenir. Il semble que la nouvelle définition légale du portage ne pourra produire ses effets qu'une fois qu'un régime juridique complet aura été défini.

Dans l'attente, votre commission vous propose de compléter le projet de loi pour autoriser les entreprises de travail temporaire à exercer l'activité de placement . Il paraît logique, en effet, que ces sociétés aient la possibilité de se diversifier dans cette activité, compte tenu des points communs entre le portage et l'intérim.

Enfin, elle vous propose une modification formelle tendant à ce que la section 6 consacrée au portage salarial devienne une section 7, ceci afin de tenir compte de l'insertion dans le code du travail des dispositions prévues par le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 9 (art. L. 1223-1 à L. 1223-4, L. 1236-1 à L. 1236-6, L. 5423-15 à L. 5423-17 et L. 6322-26 et L. 6323-4 du code du travail) - Abrogation du CNE

Objet : Cet article abroge le contrat « nouvelles embauches » (CNE) et requalifie les CNE en cours en contrats à durée indéterminée.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I de cet article abroge les articles du code du travail relatifs au CNE, soit les articles L. 1223-1 à L. 1223-4, L. 1236-1 à L. 1236-6, L. 5423-15 à L. 5423-17 et L. 6322-26 et L. 6323-4 du code du travail.


Le CNE

Institué par l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, le CNE est un contrat à durée indéterminée qui peut être signé par les entreprises employant au plus vingt salariés. Il présente la particularité de pouvoir être rompu, pendant les deux premières années, sans que l'employeur ait à motiver la rupture. L'employeur doit seulement respecter un préavis, dont la durée varie avec l'ancienneté du salarié dans le contrat.

En contrepartie, le salarié a droit à une indemnité de rupture égale à 8 % du montant total de la rémunération brute perçue depuis le début du contrat. L'employeur doit également verser à l'assurance chômage une somme égale à 2 % du même montant, afin de contribuer au financement des actions d'accompagnement renforcé destinées à favoriser le retour à l'emploi du salarié.

De plus, si le salarié n'a pas encore acquis de droits à l'indemnisation du chômage au moment où son contrat est rompu, il bénéficie, si son contrat a duré au moins quatre mois, d'une allocation forfaitaire qui lui est versée pendant un mois.

Passé le délai de deux ans, ce sont les règles de droit commun du CDI qui s'appliquent.

La proposition de supprimer le CNE intervient à la suite de plusieurs décisions de justice qui ont mis en doute sa conformité avec la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail (OIT).

Cette convention dispose qu'un salarié ne peut être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement, lié à l'aptitude ou à la conduite du salarié ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise (article 4). Elle prévoit également qu'un salarié ne peut être licencié pour un motif lié à sa conduite ou à son travail s'il n'a pas eu la possibilité de se défendre contre les allégations formulées (article 7).

Saisi d'un recours déposé par un syndicat contre l'ordonnance, le Conseil d'Etat a jugé, dans une décision rendue le 19 octobre 2005, que le CNE était conforme à ces exigences car l'article 2 de la convention permet aux Etats membres d'exclure de son champ d'application les salariés qui effectuent une période d'essai ou qui n'ont pas l'ancienneté requise, à condition que la durée fixée soit raisonnable. Le Conseil d'Etat a estimé qu'en l'espèce, la durée de deux ans était raisonnable, eu égard à l'objectif poursuivi par le CNE de réduction rapide du chômage.

D'autres recours ont ensuite été portés devant les juridictions de l'ordre judiciaire. Les conseils de prud'hommes ont rendu des décisions contradictoires. Considérant qu'une période d'essai de deux ans était déraisonnable, celui de Longjumeau a par exemple jugé, le 28 avril 2006, que le CNE n'était pas conforme à la convention n° 158. Celui de Roubaix a en revanche estimé, le 22 juin 2007, que le CNE était conforme à la convention en s'appuyant sur le point 5 de son article 2, qui stipule que les Etats parties peuvent exclure du champ d'application de la convention des catégories limitées de travailleurs lorsque se posent des problèmes particuliers, tenant par exemple à la taille de l'entreprise. Or, le CNE ne peut être conclu que par des entreprises comptant au plus vingt salariés.

Dans une troisième phase, ce sont les cours d'appel qui ont été amenées à s'exprimer sur les recours déposés contre les jugements des prud'hommes. Le 18 juin 2007, la cour d'appel de Bordeaux a jugé que le CNE était contraire à la convention de l'OIT, considérant que le délai de deux ans « n'apparaît pas raisonnable au sens de la convention tant il s'avère intolérable pour un salarié ayant travaillé deux années dans une entreprise de se voir licencier sans aucun motif ». Le 6 juillet, la cour de Paris a rendu un jugement allant dans le même sens : elle a considéré le CNE non conforme aux dispositions des articles 4 et 7 de la convention, ainsi qu'à celles de l'article 9 sur l'office du juge, et jugé que l'exception prévue à l'article 2 ne pouvait être invoquée en raison du caractère déraisonnable du délai de deux ans. Pour la cour de Paris, en effet, le CNE constitue une « régression qui va à l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail » et qui « prive les salariés des garanties d'exercice de leur droit au travail ». Elle ajoute qu'il est « pour le moins paradoxal d'encourager les embauches en facilitant les licenciements » 19 ( * ) .

Enfin, c'est le Bureau international du travail (BIT), l'organe qui assure le secrétariat de l'OIT, qui a rendu son avis le 14 novembre 2007. Dans le rapport qu'il a adopté, le BIT considère que la période de consolidation de deux ans est d'une durée déraisonnable par rapport aux objectifs qu'elle poursuit et recommande que le CNE ne puisse être rompu en l'absence d'un motif valable.

Même si la position du BIT n'a que la valeur d'une recommandation, le maintien du CNE, dans ce contexte, devenait politiquement et juridiquement délicat. Les partenaires sociaux en ont pris acte et demandé aux pouvoirs publics, à l'article 11 de l'ANI, d'arrêter les mesures nécessaires pour que l'obligation de motiver le licenciement s'applique à tous les contrats, y compris donc au CNE.

Sur ce point, le projet de loi va plus loin que l'ANI, puisqu'il propose la suppression du CNE, pour l'avenir mais aussi pour les contrats en cours .

Le paragraphe II dispose en effet que les CNE en cours d'exécution à la date de publication de la loi seront requalifiés en contrat à durée indéterminée.

Employeurs et salariés devront donc respecter les règles de droit commun qui régissent le CDI, même si la période de deux ans n'est pas encore achevée.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement pour supprimer les intitulés des sections du code du travail relatives au CNE devenus inutiles. L'adoption du projet de loi dans sa rédaction initiale aurait eu pour effet de faire disparaître les articles du code relatifs au CNE en laissant subsister les sections et sous-sections dans lesquelles ils s'insèrent actuellement.

Elle a également adopté un amendement de Francis Vercamer, sous-amendé par Dominique Tian, Lionel Tardy et Jean-Frédéric Poisson, qui précise que la durée de la période d'essai des CNE requalifiés en CDI est fixée par la voie conventionnelle ou, à défaut, conformément aux dispositions de l'article L. 1221-19 du code du travail (cet article est inséré dans le code par l'article 2 du projet de loi).

III - La position de votre commission

Compte tenu des développements qui précèdent, votre commission se prononce aujourd'hui clairement en faveur de la suppression du CNE. Cette décision est motivée, pour une part, par des considérations de droit : le CNE est frappé d'une très grande insécurité juridique qui rend hasardeuse la signature de nouveaux contrats. Mais elle est motivée également par des considérations plus politiques.

Après la crise du CPE au printemps 2006, la décision de supprimer le CNE marque l'échec, sans doute durable, d'une tentative de réforme du droit du licenciement qui visait à le transformer en un mécanisme purement indemnitaire, assorti d'une taxe. Cette tentative n'a manifestement pas été comprise par l'opinion publique et a été vigoureusement combattue par les syndicats. En particulier, la remise en cause de l'obligation de motivation du licenciement, introduite dans le droit en 1973, a été perçue comme une régression portant atteinte à un droit essentiel du salarié, celui d'être informé des raisons qui conduisent l'employeur à envisager son licenciement et de pouvoir ensuite en discuter avec lui.

Les analyses économiques qui ont inspiré le CNE et le CPE, et qui mettaient l'accent sur les dysfonctionnements du marché du travail, n'ont pas pour autant perdu toute pertinence 20 ( * ) . Les partenaires sociaux ont d'ailleurs élaboré, lors de leur négociation, de nouvelles dispositions qui devraient remédier au manque de fluidité du marché du travail, notamment la rupture conventionnelle du contrat de travail et le CDD à objet défini. L'abandon du CNE n'est donc pas synonyme d'abandon de toute perspective de réforme. Simplement, des dispositifs négociés vont être substitués à des mesures qui avaient sans doute été imposées sans concertation suffisante.

Sans s'opposer à la suppression du CNE pour l'avenir, la CGPME conteste la requalification en CDI des CNE en cours 21 ( * ) . Il s'agit là, pour elle, d'une question de principe. La CGPME considère en effet que cette mesure risque d'affaiblir la confiance que les employeurs et des salariés peuvent avoir dans le système légal : comment pourraient-ils s'engager pour l'avenir si leurs conventions légalement constituées sont remises en cause par une loi postérieure ? La CGPME propose donc que les CNE déjà signés aillent jusqu'à leur terme, en précisant seulement que leur rupture, dans les deux première années, devra être motivée afin de se conformer aux décisions de justice.

Bien que sensible à cette préoccupation, votre commission estime que le maintien des CNE en cours serait difficile à justifier. Le CNE reposait sur un équilibre, l'absence de motivation du licenciement étant compensée par une indemnisation supérieure du salarié en cas de rupture. Dès lors qu'un point essentiel du CNE est remis en cause, l'équilibre est rompu et il est préférable d'en tirer les conséquences en supprimant ce contrat pour le présent et pour l'avenir.

Pour ces motifs, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 10 - Application à Mayotte

Objet : Cet article habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires pour appliquer, sous réserve d'adaptations, cette loi à Mayotte.

I - Le dispositif proposé

Collectivité territoriale d'outre-mer, l'île de Mayotte est régie par un principe de spécialité législative : les lois nationales ne s'y appliquent que si elles le prévoient expressément. Les relations du travail y sont réglementées par un code du travail local.

L'application de la loi portant modernisation du marché du travail à Mayotte appelle des adaptations pour tenir compte des spécificités de ce territoire. Sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement demande à être habilité à prendre, par voie d'ordonnance, les mesures législatives nécessaires.

La durée de l'habilitation est fixée à un an. L'ordonnance devra en effet être prise le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la loi.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

La situation économique et sociale de Mayotte incite à procéder à des adaptations des dispositions nationales pour que celles-ci puissent être applicables dans ce territoire. Compte tenu des particularismes du droit local, le recours aux ordonnances ne pose pas de difficulté de principe et est surtout gage d'efficacité.

Votre commission vous demande donc d'adopter cet article sans modification.

* 4 Ce projet de loi est le premier à viser le code du travail uniquement dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, relative au code du travail (partie législative). Cette nouvelle version du code entre en vigueur le 1 er mai 2008.

* 5 Cela signifie que l'on ne distingue pas entre les jours ouvrés et les jours de repos. Une semaine comprend ainsi sept jours calendaires.

* 6 Cf. arrêt Perrier du 21 juin 1974, Cass. ch.mixte : « les dispositions législatives soumettant (...) à la décision conforme de l'inspecteur du travail le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives ont institué, au profit de tels salariés et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit par suite à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la résiliation du contrat de travail ».

* 7 Son montant est de 33 276 euros par an en 2008. La limite est ainsi fixée à 199 656 euros (33 276 fois 6).

* 8 L'indemnité de départ en retraite est soumise à l'impôt sur le revenu avec un abattement de 3 050 euros.

* 9 Ces données, qui portent sur l'année 2003, sont tirées du rapport « Le droit du travail en perspective contentieuse, 1993-2004 » par Brigitte Munoz-Perez et Evelyne Serverin, novembre 2005.

* 10 Voir le rapport n° 72 (2007-2008) d'Alain Vasselle sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Tome VI - Examen des articles - pages 57 à 62.

* 11 Créée par la loi du 13 novembre 1982, la CNNC comprend : le ministre chargé du travail ou son représentant, qui en assure la présidence ; le ministre chargé de l'agriculture ou son représentant ; le ministre chargé de l'économie ou son représentant ; le président de la section sociale du Conseil d'Etat ; en nombre égal, des représentants des organisations syndicales de salariés les plus représentatives sur le plan national, d'une part, et des représentants des organisations d'employeurs les plus représentatives sur le plan national, dont les représentants des agriculteurs et des artisans, et des entreprises publiques, d'autre part. La CNNC est notamment chargée d'émettre un avis sur les projets de lois et de décrets relatifs aux relations individuelles et collectives de travail et sur l'extension des accords collectifs.

* 12 Cf. Semaine sociale Lamy, supplément n° 1332, 10 décembre 2007, p. 4.

* 13 Le développement qui suit s'appuie sur l'article intitulé « Pour un encadrement des pratiques de portage salarial » par Lise Casaux-Labrunée, professeur à l'université de Toulouse I, paru dans le même supplément de la Semaine sociale Lamy, p. 99.

* 14 Rappelons que le droit est régi par un principe d'indisponibilité des qualifications : il ne suffit pas qu'un contrat soit qualifié par ses signataires de « contrat de travail » pour qu'il soit automatiquement reconnu comme tel par les tribunaux ; la qualification de contrat de travail repose sur de critères objectifs, notamment l'existence d'un lien de subordination.

* 15 Il est cependant quelque peu paradoxal d'affirmer que le portage est un outil de réinsertion professionnelle, alors qu'il repose sur le principe suivant lequel les salariés doivent trouver eux-mêmes leurs missions.

* 16 Certains travailleurs sont assimilés à des salariés, ce qui permet une application totale ou partielle du code du travail, sans qu'ils soient titulaires d'un contrat de travail ni soumis à un lien de subordination ; c'est le cas des gérants, des assistants maternels ou des conjoints de chef d'entreprise.

* 17 Professionnels de l'intérim, services et métiers de l'emploi.

* 18 Cf. J.O. Compte rendu intégral des débats, Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 16 avril 2008.

* 19 On ne voit pas très bien, à vrai dire, où est le paradoxe : si le licenciement est difficile, la décision de recrutement sera d'autant plus lourde de conséquences et l'employeur y réfléchira à deux fois avant de la prendre.

* 20 Cf. le rapport de Pierre Cahuc et Francis Kramarz, « De la précarité à la mobilité : vers une sécurité sociale professionnelle », décembre 2004.

* 21 Cf. l'audition de Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME p. 66.

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