II. UN PROJET DE LOI DONT L'AMBITION PREMIÈRE EST D'OFFRIR UN CADRE JURIDIQUE ET FINANCIER AU SERVICE D'ACCUEIL ASSURÉ PAR LES COMMUNES

A. LA CONSÉCRATION DU DROIT D'ACCUEIL DES ÉLÈVES, UNE VÉRITABLE AVANCÉE POUR LES FAMILLES

Le projet de loi poursuit un double objectif : consacrer le droit de tout élève des écoles élémentaires et maternelles à bénéficier d'un service d'accueil en cas d'interruption du service public d'enseignement ; instaurer une culture du dialogue social dans l'enseignement primaire afin d'éviter autant que possible les interruptions du service public d'enseignement liées à des mouvements sociaux.

Votre rapporteur tient à souligner la cohérence forte de cette double ambition : consacrer le droit d'accueil, ce n'est pas se contenter de la substitution possible de l'accueil à l'enseignement, c'est aussi tout faire pour que cette substitution n'ait lieu qu'à titre exceptionnel.

Les écoles maternelles et élémentaires sont en effet d'abord des lieux d'enseignement. Elles ne peuvent devenir des lieux d'accueil que dans des circonstances aussi particulières que limitées.

Cet accueil est néanmoins une garantie essentielle de la continuité du service public. C'est pourquoi l'article 1 er du projet de la loi a pour objet d'insérer les dispositions qui le concernent au livre Ier du code de l'éducation, consacré aux principes généraux de l'éducation. Son titre III, dont le libellé était jusqu'ici « L'obligation et la gratuité scolaire », deviendrait alors « L'obligation scolaire, la gratuité et l'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ».

1. Service public de l'enseignement et service public d'accueil

L' article 2 du projet de loi consacre le droit à l'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires en distinguant le service public de l'enseignement du service d'accueil offert lorsque le premier s'interrompt.

Cette distinction permet de mettre fin à la confusion du service d'enseignement et du service d'accueil : la scolarisation d'un élève équivaut en temps normal à la délivrance d'enseignements définis par des programmes nationaux. Elle ne se réduit donc pas à la fonction d'accueil de l'enfant, qu'elle comprend toutefois également.

Lorsque les enseignements ne peuvent être délivrés, une obligation d'accueil subsiste donc, qui est mise à la charge des pouvoirs publics. L'interruption de la scolarisation ne pourra donc plus signifier l'interruption de l'accueil des élèves pendant les heures auxquelles sont normalement délivrés ces enseignements.

Il s'agit là d'un principe valable quelles que soient les circonstances à l'origine de l'impossibilité momentanée de scolariser l'enfant. Il vaut donc non seulement en cas de grève des enseignants du premier degré, mais aussi d'absence de ces derniers pour des raisons personnelles ou professionnelles.

2. Limiter le recours au service d'accueil en renforçant le dialogue social

La distinction du service d'enseignement et du service d'accueil met en lumière la nature minimale de ce dernier. Accueillir les élèves, ce n'est pas à proprement parler les scolariser. Les élèves qui bénéficient du service d'accueil ne reçoivent pas les enseignements prévus par les programmes.

Le service d'accueil n'est donc pas un substitut du service d'enseignement, mais bien un service offert à titre subsidiaire , afin de limiter les conséquences, pour les élèves et leurs familles, de l'interruption du service d'enseignement.

Même lorsque le service d'accueil est offert, les élèves subissent donc un préjudice, dans la mesure où ils ne reçoivent pas les enseignements prévus. En conséquence, il y a lieu de prévenir les interruptions de la scolarisation. C'est l'objet de la procédure de négociation préalable obligatoire prévue à l'article 3 du projet de loi.

Ce dernier renvoie en effet à un décret en Conseil d'État le soin de définir les obligations mises à la charge des organisations représentatives des enseignants du premier degré, d'une part et de l'État, d'autre part, au titre de cette négociation préalable. Le projet de loi en définit toutefois nettement les contours, inspirés de la procédure prévue à l'article 2 de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Il met ainsi à la charge de l'État et des organisations représentatives un ensemble d'obligations symétriques :

- les organisations syndicales doivent notifier à l'autorité administrative leur intention de déposer un préavis de grève, le dépôt effectif de celui-ci ne pouvant intervenir qu'à l'issue d'une période de négociation de huit jours francs ;

- l'autorité administrative est, pour sa part, tenue d'organiser cette négociation préalable en réunissant les organisations syndicales qui ont procédé à cette notification.

Cette négociation est assortie d'obligations de publicité, les personnels concernés devant être informés des motifs du conflit, de la position de chacune des parties ainsi que des conclusions de la négociation.

L'objectif de cette procédure est de prévenir les conflits en renforçant la culture du dialogue social dans l'enseignement primaire. L'esprit en est le suivant : ne recourir à la grève qu'une fois le recours à la négociation épuisé et non pas afin d'aborder la négociation dans une position de force.

Votre rapporteur tient toutefois à le souligner, cette démarche ne se situe pas en rupture avec le droit existant, mais permet au contraire d'en garantir l'effectivité. L'article L. 2512-2 du code du travail, applicable notamment aux personnels de l'État, des régions, des départements et des communes de plus de 10 000 habitants ainsi qu'à l'ensemble des personnels des entreprises, organismes et établissements publics en charge de la gestion d'un service public, prévoit en effet que « la cessation concertée du travail est précédée d'un préavis... Il précise les motifs du recours à la grève... Pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier ».

L'article 3 du présent projet de loi se situe donc dans la continuité de ces dispositions, dont il s'efforce de garantir l'effectivité en faisant précéder le dépôt du préavis de grève, et la négociation qui l'accompagne, d'une période de négociation obligatoire dont les modalités sont définies par décret.

Aux yeux de votre rapporteur, le fait même d'assortir la reconnaissance du droit d'accueil de la mise en place de cette procédure de négociation obligatoire démontre que le service d'accueil n'a pas vocation à se substituer au service d'enseignement et à annihiler les effets de toute cessation concertée du travail. Bien au contraire, le législateur ne saurait se contenter de consacrer un droit d'accueil sans prévoir d'un même mouvement une procédure permettant d'éviter dans toute la mesure possible d'y recourir.

Car là où il y a accueil, il n'y a plus enseignement, et donc perte pour les élèves et leurs familles.

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