B. LA RELANCE DE L'INVESTISSEMENT PUBLIC PAR LES PPP POURRAIT AVOIR UN CARACTÈRE DÉCONSOLIDANT

En période de crise, une relance de l'investissement public pourrait être envisagée. Elle pourrait être mise en oeuvre par le biais de partenariats public-privé dont l'une des vertus peut être de permettre la déconsolidation des engagements pris à long terme.

Comme l'indique le « Guide pratique des contrats de partenariats » publié par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, « l'enjeu du traitement comptable de ces montages, au regard des finances publiques, est de déterminer si le contrat de partenariat est « consolidant » (c'est-à-dire si la dette et le déficit publics s'accroissent du montant des tranches d'investissement réalisées par le partenaire privé indépendamment des versements annuels de l'Etat) ou « déconsolidant » (seuls les paiements annuels de l'Etat viennent dégrader le déficit) ».

1. Une amélioration faciale de la dette publique sans portée réelle

Au Royaume-Uni, 87 % des PPP, représentant 54 % des investissements, sont déconsolidés. Le taux de consolidation des contrats varie selon les ministères.

Eurostat a adopté, le 11 février 2004, une décision relative au traitement comptable dans les comptes nationaux des PPP et à leur impact sur le déficit/excédent public et la dette publique. L'office statistique recommande que les actifs liés à un partenariat public-privé soient classés comme actifs non publics et ne soient donc pas enregistrés dans le bilan des administrations publiques si les deux conditions suivantes sont réunies :

- le partenaire privé supporte le risque de construction ;

- le partenaire privé supporte au moins l'un des deux risques suivants : celui de disponibilité ou celui lié à la demande .

Si le risque de construction est supporté par l'Etat, ou si le partenaire privé supporte seulement le risque de construction et aucun autre risque, les actifs sont classés comme actifs publics, ce qui a des conséquences importantes pour les finances publiques, tant du point de vue du déficit que de la dette. Les dépenses initiales en capital, relatives aux actifs, seront enregistrées comme formation de capital fixe des administrations publiques, avec un impact sur le déficit/excédent public. En contrepartie de cette dépense de l'Etat, la dette publique augmentera sous la forme d'un « prêt imputé » du partenaire, qui fait partie du concept de « la dette de Maastricht ».

Le risque de construction couvre notamment les livraisons tardives, le non-respect des normes, les surcoûts, ou encore la déficience technique. « L'obligation de l'Etat de commencer à effectuer des paiements réguliers à un partenaire sans tenir compte de l'état effectif des actifs est la preuve que l'Etat supporte la majorité des risques de construction » selon Eurostat.

L'Etat est réputé ne pas supporter le risque de disponibilité s'il lui est permis de réduire de façon significative (à titre de pénalité) ses paiements périodiques, comme tout « client normal » pourrait l'exiger dans un contrat commercial lorsque le partenaire privé s'avère ne pas être en mesure de livrer le volume contractuellement convenu ou de répondre, comme spécifié dans le contrat, aux normes de sécurité et de certification publiques liées à la prestation de service aux utilisateurs finals. Ceci s'applique, également, lorsque le partenaire ne répond pas aux normes de qualité relatives à la prestation de services, requises dans le contrat et découlant d'un manque évident de « performance » du partenaire.

Le risque lié à la demande couvre, pour sa part, la variabilité de la demande plus élevée ou plus faible qu'escomptée lors de la signature du contrat lorsque celle-ci n'est pas imputable au comportement ou à la gestion du partenaire du secteur privé. Le gouvernement sera réputé assumer le risque lorsque celui-ci est obligé de garantir un niveau donné de paiement au partenaire indépendamment du risque effectif de la demande exprimée par l'utilisateur final, rendant sans effet les fluctuations du niveau de la demande sur la rentabilité au partenaire.

L'analyse d'Eurostat peut conduire à une modification dans le partage des risques entre le partenaire public et le partenaire privé : c'est en effet la partie qui est relativement la plus exposée, même à hauteur de 51 %, qui porte la totalité des engagements liés aux contrats : ceci peut conduire un contractant public à transférer des risques additionnels au prestataire privé à des fins purement déconsolidantes. Ainsi, le partage des risques du contrat de partenariat conclu en février 2008 relatif aux prisons a été conçu à des fins déconsolidantes .

Dans un contexte de montée des tensions budgétaires, les risques de points de fuite budgétaire, et d'optimisation comptable, existent. Si comme le souhaite le gouvernement, 15 % des investissements publics étaient réalisés en PPP, et que la totalité n'était pas prise en compte dans la dette maastrichtienne, on parviendrait à 10 milliards d'euros annuels, soit 0,6 point de PIB annuel supplémentaire n'apparaissant pas dans la dette publique. Il pourrait en résulter un soutien significatif à l'économie, en période de basse conjoncture ou de quasi récession.

2. Une recherche de la déconsolidation plutôt que de l'optimum économique dans la négociation des contrats

Il existe ainsi de nombreux risques que l'Etat assume aujourd'hui très imparfaitement dans la réalisation de ses investissements et dans l'exploitation de ses équipements. L'externalisation des risques a néanmoins ses limites, dès lors que ce n'est pas l'usager qui assure le financement du contrat, mais de manière prédominante le contribuable. Il ne serait pas financièrement pertinent de faire supporter au partenaire privé des risques que celui-ci n'accepterait d'assumer que dans des conditions plus onéreuses que ce qu'aurait pu prendre l'Etat à sa charge.

Or, la prise en compte en comptabilité nationale du partage des risques opéré peut modifier la prise de décision des gestionnaires publics.

Ainsi, et ce n'est pas un cas d'école - comme en témoigne le contrat de partenariat relatif aux prisons - où la déconsolidation a été recherchée par un partage des risques ad hoc , la tentation pour les gestionnaires du hors bilan peut conduire à un transfert de risques excessif au partenaire privé, avec pour effet une augmentation des coûts et un rétrécissement des conditions de mise en concurrence. Dans ces conditions, les effets comptables, c'est-à-dire l'amélioration faciale de la dette, pourraient conduire à un « sous-optimum » économique des contrats conclus par la personne publique.

Votre rapporteur général, tout en souhaitant que l'investissement physique, notamment dans le domaine des infrastructures, connaisse une inflexion positive en vue de soutenir l'activité, sera très vigilant sur les méthodes employées et espère que le « window dressing », par rapport à la comptabilité maastrichtienne, ne s'avèrera pas trop coûteux pour le contribuable.

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