B. COUP DE PROJECTEUR SUR QUELQUES SUJETS D'ACTUALITÉ

Au-delà de la présentation des ambitions chiffrées du projet de loi de financement dans le secteur médico-social, votre rapporteur a souhaité donner un coup de projecteur sur trois questions qui suscitent le débat :

- la première - le caractère inadapté des procédures de planification-programmation - devrait recevoir une réponse dans le cadre du projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires » ;

- la seconde touche le problème du reste à charge des familles devant assurer la prise en charge d'un parent dépendant et constitue le point nodal des projets tournant autour du cinquième risque ;

- la dernière, relative à la revalorisation des revenus des personnes employées dans la branche de l'aide à domicile, a un rapport direct avec le sujet de l'attractivité des métiers de la dépendance et n'a pas reçu, jusqu'à présent, de réponse complètement satisfaisante.

1. Le caractère inadapté des procédures de planification-programmation

La création des établissements publics ou privés accueillant des personnes âgées obéit à une procédure relativement lourde subordonnée à une autorisation délivrée pour une durée de quinze ans (article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles), après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale (Crosms).

Cet avis est généralement positif, mais il n'est pas suffisant. Le projet doit, en outre, pour recevoir son autorisation, être inscrit au programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac).

Les Priac, utilisés par la CNSA pour l'allocation de ses dotations, dressent, chaque année, pour l'année en cours et les quatre exercices suivants, les priorités régionales prévisionnelles de financement de créations ou de transformations d'établissements et de services médico-sociaux par département. Ils remplissent par ailleurs trois séries d'objectifs :

- rattraper les situations de sous-équipement ainsi que les inégalités territoriales entre régions et entre départements au sein d'une même région ;

- encourager l'adaptation de l'offre médico-sociale et la diversification des modes d'accompagnement ;

- donner de la visibilité à cinq ans, orienter les anticipations des porteurs de projets et servir d'instruments de concertation avec les cofinanceurs, dont les conseils généraux.

La procédure de réalisation de places nouvelles comprend trois étapes : les places financées correspondent aux crédits notifiés au préfet du département par la CNSA, sur la base du Priac. Puis le préfet du département autorise les créations de places, le cas échéant conjointement avec le président du conseil général, après avis du Crosms, sur la base des projets présentés à l'initiative des porteurs de projets. Les places installées correspondent aux places effectivement ouvertes au public.

Cette procédure n'est pas satisfaisante :

- un grand nombre de projets n'aboutissent pas, faute de financements ; le malentendu est grand car trop de porteurs pensent que leur projet va aboutir dès lors qu'ils ont reçu l'avis positif du Crosm ;

- par ailleurs, les taux d'autorisation et les taux d'installation sont très inégaux ; à titre d'exemple, pour les personnes âgées, entre 2001 et 2006, seulement la moitié des places d'accueil de jour et d'hébergement temporaire notifiées ont été autorisées et 43 % ont été installées.

Ce sont ces retards qui expliquent la constitution de réserves importantes dans le budget de la CNSA . Cette situation a longtemps tenu au fait que les autorisations ne pouvaient être accordées sans que le préfet ne dispose des financements correspondants. Compte tenu des délais existants entre le moment où le projet était autorisé et celui où il était enfin réalisé, les sommes disponibles restaient inutilisées. La mise en place de procédures d'enveloppes anticipées n'a permis que très partiellement de résorber ces phénomènes d'accumulation de financements non effectivement consommés.

Le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », qui devrait être discuté par le Parlement au début de 2009, a notamment pour objectif de remédier à ces dysfonctionnements :

- il confère aux futures agences régionales de santé (ARS) une compétence de principe dans le secteur médico-social parallèlement à celle qu'elles détiendront dans le champ sanitaire ; les processus de programmation-planification devraient être simplifiés et rationalisés grâce à la création, au sein de l'ARS, d'une commission de coordination des politiques compétente dans le domaine « des prises en charge et de l'accompagnement médico-sociaux » ;

- les Crosms seraient supprimés et tous les projets seraient dorénavant soumis à une « commission de sélection d'appel à projet social ou médico-social ».

Dans l'une de ses versions provisoires, le projet de loi fixait la composition de cette commission - devaient y figurer à parité, d'une part, les autorités publiques et les organismes financeurs, d'autre part, les représentants des institutions sociales et médico-sociales - ainsi que la procédure applicable.

Ces précisons ont disparu du projet de loi soumis au conseil des ministres.

Suivi de la réalisation des places nouvelles (personnes âgées) en 2006

Tableau physique 2006 : places notifiées, autorisées et installées en 2006

Ssiad PA

Accueil de jour (polyvalent)

Accueil de jour (Alzheimer)

Total Accueil de jour médicalisé

Hébergement temporaire (polyvalent)

Hébergement temporaire (Alzheimer)

Total hébergement temporaire médicalisé

Total milieu ordinaire

Ehpad
(y)

Unités spécialisées Alzheimer (z)

Total hébergement permanent médicalisé (y) + (z)

Financement

Nombre de places financées au titre de l'année 2006 (1)

5 310

-

-

2 060

-

-

995

8 365

-

-

5 964

Nombre de places financées au titre de l'anticipation 2007 (2)

10

-

-

0

-

-

0

10

-

-

5 202

Autorisations

Places autorisées en 2006 sur financement antérieur (a)

771

37

433

470

54

89

143

1 384

2 748

214

2 962

Places autorisées en 2006 sur financement 2006 (b)

3 475

140

542

682

163

164

327

4 484

4 532

438

4 970

Places autorisées en 2006 sur financement anticipé 2007 (c)

110

0

1

1

0

0

0

111

1 065

135

1 200

Total places autorisées en 2006 (d)=(a)+(b)+(c)

4 356

177

976

1 153

217

253

470

5 979

8 345

787

9 132

Part des places autorisées en 2006 sur financement 2006 (e) = (b)/(d)

80 %

79 %

56 %

59 %

75 %

65 %

70 %

75 %

54 %

56 %

54 %

Installations

Places installées 2006 sur financement antérieur (a')

1 705

64

550

614

80

91

171

2 490

2 267

454

2 721

Places installées 2006 sur financement 2006 (b')

2 870

56

333

389

65

105

170

3 429

1 417

261

1 678

Total places installées en 2006 (d')=(a')+(b')

4 575

120

883

1 003

145

196

341

5 919

3 684

715

4 399

Part des places installées en 2006 sur financement 2006 (e')=(b')/(d')

63 %

47 %

38 %

39 %

45 %

54 %

50 %

58 %

38 %

37 %

38 %

Taux d'installation année 2006 (f')=(b')/(b)

83 %

40 %

61 %

57 %

40 %

64 %

52 %

76 %

31 %

60 %

34 %

Taux d'autorisation et d'exécution

Places autorisées sur financement 2006/places financées pour 2006 (b)/(1)

65 %

-

-

33 %

-

-

33 %

54 %

-

-

83 %

Places autorisées sur financement anticipé 07/places financées anticipées 2007 (c)/(2)

1 100 %

-

-

-

-

1 110 %

-

-

23 %

Places installées sur financement 2006/places financées pour 2006 (b')/(1)

54 %

-

-

19 %

-

-

17 %

41 %

-

-

28 %

Source : DGSA

Toutefois, selon les informations diffusées par la presse spécialisée 18 ( * ) :

- la composition de la commission devra garantir « l'impartialité et l'absence de conflits d'intérêt », ce qui laisse sous-entendre que les fédérations gestionnaires devraient en être exclues ;

- la commission sélectionnerait et classerait les projets en fonction de leur qualité et de leur efficience financière. Des critères précis devraient être fixés dans un cahier des charges ;

- pour être autorisé, le projet devra être compatible avec les objectifs et répondre aux besoins du schéma d'organisation sociale et médico-sociale dont il relève, satisfaire aux règles d'organisation et de fonctionnement, répondre au cahier des charges précité et être compatible avec le Priac ;

- l'autorité compétente pour l'autorisation aurait à motiver son choix si elle ne retient pas le classement opéré par la commission.

Votre rapporteur, à la suite de la mission commune d'information du Sénat sur la dépendance, dont elle est membre, approuve la démarche du projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires ». Elle a cependant été frappée, tout au long des auditions préparatoires à l'établissement de ce rapport, par les inquiétudes très fortes suscitées par ce dispositif chez les professionnels des Ehpad et les associations qui craignent la disparition de toute forme de projets innovants . Le risque existe, en effet, que l'appel à projets entraîne une relative uniformisation des propositions sur la base de cahiers de charges ne laissant aucune marge d'initiative aux concepteurs de projets.

Ce point devra encore être revu et amélioré : l'appel à projet, dont le principe n'est pas contestable, doit évoluer pour que l'innovation ne disparaisse pas du champ du médico-social.

* 18 Travail Social Actualités (TSA) - 24 octobre 2008 - N° 1180 - p. 15.

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