Section 1 - Reprise de dette

Article 10 (articles 2, 4 et 6 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;art. L. 135-3 et L. 136-8 du code de la sécurité sociale) Reprise de dette par la caisse d'amortissement de la dette sociale et ressources de cette caisse

Objet : Cet article a pour objet, d'une part, d'autoriser le transfert à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) des déficits cumulés au 31 décembre 2008 des branches maladie et vieillesse et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), d'autre part, de prévoir le financement de cette reprise de dette.

I - Le dispositif proposé

1. Les conditions du recours à la Cades

Créée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative à l'amortissement de la dette sociale, la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est un établissement public à caractère administratif qui a pour mission de financer et d'éteindre la dette cumulée du régime général de sécurité sociale qui lui est transférée. Pour ce faire, la Cades contracte des emprunts sur les marchés financiers, en recourant à une grande variété d'instruments financiers, qu'elle rembourse progressivement au moyen de ressources fiscales, dont la principale est la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), spécialement créée à cette fin et qui lui est exclusivement affectée.

Depuis 1996, la Cades s'est vue confier successivement plusieurs dettes qui ont allongé sa durée de vie, initialement fixée à treize ans :

- en 1996, conformément à sa mission initiale, elle reprend les déficits cumulés du régime général pour les exercices 1994 et 1995, ainsi que 2,6 milliards à titre prévisionnel pour 1996, soit au total 20,89 milliards d'euros ;

- la même année, elle reprend également la dette de l'Etat au titre d'une dette sociale ancienne, soit 16,8 milliards d'euros en capital et 6,58 milliards d'euros en intérêts ;

- en 1996 aussi, elle verse 0,46 milliard à la caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (Canam) pour couvrir ses déficits 1995 et 1996 ;

- en 1998, la Cades reprend une dette de 13,26 milliards d'euros correspondant aux déficits cumulés du régime général pour 1996 et 1997 ainsi que 1,8 milliard de déficit prévisionnel pour 1998 ;

- en 2003 et 2004, la Cades reprend respectivement 1,283 et 1,097 milliard d'euros au titre de l'apurement partiel de la créance enregistrée en 2000 par les organismes de sécurité sociale au titre des exonérations de cotisations sociales entrant dans le champ du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (Forec) ;

- en 2004, en application de la l'article 76 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, elle reprend les déficits cumulés de la branche maladie jusqu'au 31 décembre 2003 et à titre prévisionnel pour 2004 dans la limite totale de 35 milliards d'euros ;

- en 2005 et 2006, conformément à la loi de 2004, elle reprend respectivement 6,6 et 5,7 milliards d'euros, au titre des déficits de 2005 et 2006.

Le tableau ci-après retrace ces différentes reprises de dettes.

(en milliards d'euros)

Année de reprise de dette

1996

1998

2003

2004

2005

2006

2007

Total au 31 déc. 2008

Régime général

20,89

13,26

35,00

6,61

5,70

- 0,06

81,40

Etat

23,38

23,38

Canam

0,46

0,46

Champ Forec

1,283

1,097

2,38

Total

44,73

13,26

1,283

36,097

6,61

5,70

- 0,06

107,61

Ces reprises de dettes successives ont allongé la durée de vie de la Cades qui est actuellement d'environ douze ans, ce qui signifie que l'intégralité des 107,61 milliards d'euros repris à ce jour par la Cades devrait être remboursée vers 2021.

En vertu de l'article 20 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, devenu l'article 4 bis de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, « tout nouveau transfert de dette à la caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ». La décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005 du Conseil constitutionnel ayant affirmé que cette disposition revêt un caractère organique, elle s'impose donc au législateur ordinaire.

C'est pourquoi, le présent article prévoit les ressources nécessaires à la reprise d'une nouvelle dette par la Cades.

2. La reprise d'une dette cumulée de 27 milliards d'euros

Le paragraphe I de l'article modifie l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale afin d'organiser la reprise des déficits cumulés des branches maladie et vieillesse et du FSV au 3 décembre 2008.

A cet effet, il complète l'article 4 de l'ordonnance par un paragraphe II ter qui prévoit que la couverture de ces déficits est assurée par des transferts de la Cades à l'Acoss, effectués au cours de l'année 2009, dans la limite de 2 milliards d'euros .

Il est précisé que les déficits cumulés au 31 décembre 2008 des branches maladie et vieillesse du régime général sont établis compte tenu des reprises de dette antérieures et des excédents de la Cnav précédemment versés au fonds de réserve des retraites.

Cela signifie que sont repris :

8,6 milliards d'euros pour la branche maladie , correspondant aux déficits des exercices 2007 et 2008, les déficits des années antérieures ayant été repris dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie ;

14 milliards d'euros pour la branche vieillesse , soit les déficits cumulés des exercices 2005 à 2008, les déficits de la branche antérieurs à 1997 ayant été apurés lors des reprises de dettes effectuées en 1996 et 1998 et les excédents constatés entre 1998 et 2004 ayant été affectés au fonds de réserve des retraites ;

3,9 milliards d'euros pour le fonds de solidarité vieillesse , soit les déficits cumulés enregistrés depuis que le fonds affiche un solde cumulé négatif, c'est-à-dire 2002.

Ces montants comportent une part d'aléa puisqu'ils sont calculés à partir des déficits prévisionnels pour 2008. Aussi, dans le cas où leur total dépasserait la limite de 27 milliards d'euros, il est prévu que les transferts de la Cades seront affectés par priorité à la couverture des déficits les plus anciens et, pour le dernier exercice, d'abord à la couverture du déficit de la branche maladie, puis à celui de la branche vieillesse, enfin à celui du FSV.

Un décret fixera les montants et les dates des versements correspondants ainsi que, s'il y a lieu, les modalités des régularisations au vu des résultats définitifs de l'exercice 2008.

Ces dates ne devraient toutefois pas être postérieures au 31 mars 2009 puisque l'article 30 du présent projet de loi réduit le plafond d'avances de l'Acoss de 35 milliards à 17 milliards d'euros à compter de cette date. L'exposé des motifs du projet de loi est cohérent avec ces dispositions puisqu'il précise que la Cades effectuera trois opérations de versement avant le 31 mars 2009 .

Enfin, les conditions de prise en compte des opérations réciproques enregistrées entre les branches du régime général et entre ces branches et le FSV sont précisées.

3. Un financement par la CSG

Pour financer cette nouvelle mission de la Cades dans le respect des dispositions de la loi organique, le présent article affecte au financement de la Cades une fraction de 0,2 point de la CSG, réduisant d'un même montant la part de cette contribution qui finance aujourd'hui le FSV.

A cet effet, le 3° du paragraphe I de l'article complète l'article 6 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 afin que, parmi les ressources de la Cades, figure le produit d'une fraction de la CSG, fraction dont le taux est fixé à l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.

Le paragraphe II modifie le code de la sécurité sociale :

- à l'article L. 136-8, les taux de la fraction de la CSG actuellement destinée au FSV sont réduits de 0,2 point : désormais 0,83 % au lieu de 1,03 % du produit de la CSG sur les revenus salariaux d'activité et 0,85 % au lieu de 1,05 % du produit de la CSG sur les autres assiettes (revenus d'activité, de remplacement, du capital et sur les jeux) lui seront affectés ;

- la Cades est ajoutée à l'article L. 136-8 parmi les destinataires du produit de la CSG et la fraction qui lui revient est fixée à 0,2 % de ce produit ;

- à l'article L. 135-3 qui concerne les recettes du FSV, la mention du taux de CSG qui revient au fonds est remplacée par un renvoi aux taux définis à l'article L. 136-8.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission se félicite qu'à travers cet article, le Gouvernement respecte parfaitement les règles organiques relatives à l'obligation de ne pas allonger la durée de la dette sociale et de prévoir son financement au moment où elle est transférée à la Cades : selon les informations recueillies par votre rapporteur, la ressource prévue représente bien les 2,29 milliards d'euros estimés nécessaires par les services de la Cades pour financer cette nouvelle reprise de dette sociale.

CSG et CRDS ont en effet une dynamique très semblable compte tenu de la similarité de l'assiette des deux contributions. L'assiette de la CRDS est toutefois un peu plus large, ce qui se traduit par le fait qu'un point de CRDS a rapporté en 2007 près de 688 millions d'euros de plus qu'un point de CSG, dont le rendement, la même année, était de 10,8 milliards d'euros.

Ainsi, pour obtenir 2,29 milliards d'euros, la Cades devait pouvoir bénéficier soit de 0,2 point de CSG, soit de 0,189 point de CRDS.

Les différences d'assiette entre la CSG et la CRDS

Au-delà de l'assiette de la CSG, la CRDS est perçue sur :

- l'aide personnalisée au logement, l'allocation de logement à caractère social et les prestations familiales (à l'exception de l'allocation parent isolé et de l'allocation d'éducation spéciale, qui ne sont soumises ni à la CSG ni à la CRDS) ;

- certains revenus d'activité d'origine étrangère perçus par des personnes fiscalement domiciliées en France mais ne relevant pas de la sécurité sociale française ;

- 58 % des sommes misées sur les jeux (la CSG n'étant perçue que sur une fraction des gains) ;

- les ventes de métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection et d'antiquité ;

- les revenus de remplacement des personnes non imposables à l'impôt sur le revenu mais assujetties à la taxe d'habitation.

Votre commission regrette la solution ainsi choisie même si elle offre toutes les garanties en termes de rendement. Il aurait en effet été plus simple, plus clair et plus lisible d'augmenter la CRDS au lieu d'affecter une part de la CSG à la Cades. C'était d'ailleurs la solution préconisée dans un rapport de la Mecss du mois de juillet 2007 3 ( * ) .

Cette option n'a pas été retenue par le Gouvernement, dans le souci de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.

Mais votre commission observe que d'autres mesures de reprise de dettes risquent d'intervenir au cours des prochaines années. En effet, le retour à l'équilibre des comptes sociaux n'est, à ce stade, pas envisagé avant 2012, et encore selon un schéma extrêmement volontariste. Il est donc d'ores et déjà certain que de nouveaux déficits vont s'accumuler.

Dans ces conditions, votre commission réitère son souhait qu'une réflexion plus approfondie soit menée sur la possibilité de mobiliser des ressources nouvelles afin d'éviter l'accumulation des déficits et le report de ceux-ci sur les générations futures.

Néanmoins, dans l'immédiat, l'opération ici proposée permettra de résoudre les difficultés de plus en plus grandes de l'Acoss pour assurer le financement de ces déficits. La reprise de dette prévue par le présent article lui permettra d'économiser environ 1,1 milliard d'euros de charges financières .

En revanche, le FSV, qui devait enregistrer un excédent de 1,3 milliard d'euros en 2009, affichera un solde négatif de 800 millions d'euros , en raison du prélèvement d'une partie de ses recettes pour l'affecter à la Cades. De ce fait, au lieu de percevoir 11, 8 milliards d'euros de CSG en 2009, le fonds n'en recevrait que 9, 5 milliards. Son retour à l'équilibre serait donc reporté à 2012.

Sous réserve de l'ensemble de ces observations, votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

* 3 Finances sociales : après la rechute, la guérison ? Rapport d'information d'Alain Vasselle n° 403 (2006-2007).

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