2. Le malaise des personnels

• Des surveillants en quête de reconnaissance

Les conditions d'exercice du métier de surveillant ont profondément évolué au cours des dernières années.

Ainsi, les régimes de détention se sont diversifiés avec, par exemple, la création de sept établissements pénitentiaires pour mineurs depuis 2007 39 ( * ) . Lors de ses déplacements à Lyon-Meyzieu, Lavaur, Marseille et Quiévrechain, votre rapporteur a pu constater combien le travail réalisé par les surveillants auprès de ces mineurs, en binôme avec des éducateurs de la protection judicaire de la jeunesse, différait de leurs tâches en maison d'arrêt ou en établissement pour peines par l'intensité de la prise en charge des détenus. La spécificité de ces emplois a d'ailleurs justifié la création d'un module de formation spécifique à l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire.

Le développement des mesures alternatives à l'incarcération et, singulièrement, l'essor du placement sous surveillance électronique contribuent aussi à l'évolution de leurs missions. Si l'accompagnement des personnes condamnées dans leurs démarches de réinsertion incombe aux conseillers d'insertion et de probation, les personnels de surveillance assument la responsabilité de leur surveillance électronique.

Plus généralement, avec la mise en oeuvre progressive des règles pénitentiaires européennes, les attentes à leur égard deviennent plus fortes. Le site Internet du ministère de la justice n'affirme-t-il pas qu'« en contact permanent et direct avec les détenus, ils assurent la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement et participent à l'individualisation de la peine et à la réinsertion des personnes privées de liberté. En collaboration avec des partenaires extérieurs, ils aident les détenus, aux côtés des services pénitentiaires d'insertion et de probation, à préparer leur retour à la liberté . »

Bien des agents ont conscience de ces attentes et aimeraient pouvoir y répondre. L'administration pénitentiaire dispose en effet d'un personnel de qualité, ouvert au changement et disposé au dialogue. Cependant, dans les maisons d'arrêt, la pression de la population pénale leur interdit en pratique d'aller au-delà de la stricte mission de garde qui leur est confiée, et leur fait ressentir cruellement l'image que la société leur renvoie d'eux-mêmes et dont ils voudraient tant se défaire : celle de simples porte-clefs.

Comme en 2000, et malgré les évolutions significatives intervenues depuis, les surveillants restent en quête de reconnaissance. A cet égard, le projet de loi pénitentiaire suscite aussi une très forte attente.

• Des conseillers d'insertion et de probation confrontés à une crise d'identité

Les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) sont confrontés depuis plusieurs années à trois profondes mutations de leur activité :

- l'accroissement de leur charge de travail lié, d'une part, au développement des mesures d'aménagement de peines, et, d'autre part, à la mise en place de nouveaux dispositifs de contrôle après l'exécution de la peine (suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire et plus récemment surveillance de sûreté et rétention de sûreté) ;

- le doublement des effectifs de la filière -y compris les personnels administratifs- passés de 1.771 agents en 1998 à 3.491 au 1 er janvier 2008 -ainsi les services ont dû intégrer 500 nouveaux agents en 2006 et 2007 ;

- enfin, une évolution de la nature même des missions dévolues à ces personnels. Ainsi, au début de l'année 2008, une circulaire a placé la prévention de la récidive au premier rang des finalités de l'action des SPIP. Ces derniers doivent désormais animer des programmes de prévention de la récidive sous la forme de groupes de parole caractérisés par une approche criminologique et un travail axé sur le passage à l'acte.

Ces transformations ont nourri inquiétudes et interrogations au sein du corps des conseillers d'insertion et de probation. Elles se sont traduites par un mouvement social prolongé, d'avril à juillet 2008, et le rejet, au début du mois de mai, d'un projet d'évolution statutaire qui leur était proposé par la garde des sceaux. Afin de tenter de surmonter ces blocages, une mission d'expertise et de proposition a été confiée à Mme Charlotte Trabut, inspecteur des services judiciaires, tandis que Mme Isabelle Gorce, magistrat, conseiller référendaire à la Cour de cassation, se voyait confier un audit destiné à identifier les principaux enjeux d'évolution. Toutes deux ont été entendues par votre rapporteur.

L'évolution qui s'esquisse tend, d'une part, vers le développement de la polyvalence des SPIP, avec la constitution d'équipes pluridisciplinaires associant conseillers d'insertion et de probation, assistants sociaux, animateurs culturels, agents de l'ANPE et surveillants pénitentiaires chargés du suivi du placement sous surveillance électronique, d'autre part, la redéfinition des missions des conseillers d'insertion et de probation, afin qu'elles portent l'accent sur l'exécution de la peine et la prévention de la récidive, sous la forme d'une prise en charge collective des détenus tournée vers la prise de conscience des conditions du passage à l'acte.

Elle suppose toutefois, outre une revalorisation statutaire :

- l'adaptation de la formation initiale et un effort particulier de formation continue des conseillers d'insertion et de probation, dont l'ENAP semble avoir pris la mesure ;

- l'adhésion des personnels, dont une partie demeure attachée, comme votre rapporteur a pu le constater à maintes reprises à l'occasion des tables rondes organisées lors des visites des établissements pénitentiaires, à leur identification comme « travailleurs sociaux » qui, à leurs yeux, légitime leur intervention auprès des détenus.

La définition d'un cadre de référence commun à tous les conseillers d'insertion et de probation pourrait, avec le renouvellement et le rajeunissement d'une part importante du corps, favoriser cette évolution.

* 39 Le dernier, situé à Meaux-Chauconin, doit être mis en service en janvier 2009.

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