B. LA NÉCESSITE DE REVENIR À UNE LOI DE PROGRAMMATION

Le présent projet de loi de programme constitue une transcription quasi littérale des engagements pris à l'automne 2007 par les parties prenantes au Grenelle de l'environnement. Le choix de passer par cette étape de la loi de programme avant d'en venir à l'examen de dispositifs plus directement opérationnels s'explique en grande partie par la volonté de faire en quelque sorte ratifier par le Parlement des compromis passés par le Gouvernement avec la société civile. Votre commission prend acte de ce choix, qui s'appuie sur les possibilités offertes par le droit constitutionnel en matière de loi de programmation. Elle relève toutefois que la marge de manoeuvre du Parlement est par définition très limitée sur un tel texte, dans la mesure où il est évidemment difficile de ne pas partager les objectifs ambitieux qui y sont énoncés et qui ont été proposés par l'ensemble du corps social .

Sans mésestimer l'intérêt de faire valider par la représentation nationale le bien fondé des objectifs fixés dans le cadre du Grenelle, votre commission est soucieuse que ceux-ci puissent trouver à s'appliquer au plus vite et qu'en conséquence le projet de loi d'engagement national pour l'environnement lui soit rapidement soumis . Comme le relevait en effet en 2004 l'actuel président du Conseil Constitutionnel, « affirmer que l'air doit être pur et l'eau limpide, c'est bien, mais cela ne suffit pas à rendre l'air pur et l'eau limpide. Cela relève de déclarations politiques, et non de dispositions législatives. La loi doit seulement dire concrètement comment, par quelles règles juridiques, on arrive au but recherché » 18 ( * ) .

1. Le contenu des lois de programmation a été précisé par le juge constitutionnel

L'existence des lois de programmation est inscrite à l'article 34 de la Constitution qui dispose que « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'Etat » . La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a d'ailleurs modifié cet article en substituant l'appellation « lois de programmation » à celle de « lois de programme » valable précédemment.

Leur portée a été précisée par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel dans les dernières années, dans le cadre de ses décisions relatives à la normativité de la loi. Celui-ci s'est, pendant longtemps, refusé à censurer les dispositions législatives sans portée normative, jugeant que, ne pouvant produire d'effets juridiques, elles ne pouvaient être déclarées inconstitutionnelles . Mais sa jurisprudence récente a illustré sa volonté de durcir ses exigences en la matière.

Tout d'abord en 2002, dans deux décisions, il a relevé l'absence de portée normative de certaines dispositions d'un texte 19 ( * ) . Il a ensuite, dans une décision de 2004 20 ( * ) , exprimé l'intention de censurer les « neutrons législatifs » , c'est-à-dire les dispositions sans portée normative, au nom de l'exigence de sécurité juridique. Enfin cette dernière décision a été mise à exécution en 2005 , sur la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école. Dans cette décision, le Conseil a considéré « qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale » , et qu'il résulte de cette norme, comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi, que sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles de droit et doit par suite être revêtue d'une portée normative » 21 ( * ) . Sur ce fondement, le Conseil a consacré la valeur constitutionnelle de la portée normative de la loi et censuré pour défaut de normativité la disposition suivante : « L'objectif de l'école est la réussite de tous les élèves. Compte tenu de la diversité des élèves, l'école doit reconnaître et promouvoir toutes les formes d'intelligence pour leur permettre de valoriser leurs talents. La formation scolaire, sous l'autorité des enseignants et avec l'appui des parents, permet à chaque élève de réaliser le travail et les efforts nécessaires à la mise en valeur et au développement de ses aptitudes, aussi bien intellectuelles que manuelles, artistiques et sportives. Elle contribue à la préparation de son parcours personnel et professionnel ».

Cependant, le Conseil a reconnu « qu'il était loisible au Gouvernement d'associer le Parlement à la politique qu'il entend mettre en oeuvre dans le domaine de l'éducation par une loi de programme plutôt qu'en faisant usage des prérogatives qui lui sont reconnues par les premier et dernier alinéas de l'article 49 de la Constitution 22 ( * ) » et autorisé le Parlement, dans le cadre des lois de programmation, à approuver « des dispositions dénuées d'effets juridiques , mais fixant des objectifs qualitatifs et quantitatifs à l'action de l'Etat » . Dans ce cas, le Conseil économique et social doit impérativement être saisi, ce qui a été le cas pour le présent projet de loi, celui-ci ayant remis son avis le 28 mai 2008 23 ( * ) .

* 18 M. Jean-Louis Debré, Le Monde du 22 juin 2004.

* 19 Décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002, Loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure ; Décision n° 2002-461 DC du 22 août 2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice.

* 20 Décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

* 21 Décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.

* 22 C'est-à-dire une déclaration de politique générale devant le Parlement.

* 23 Avis du Conseil économique et social présenté par M. Paul de Viguerie, rapporteur au nom de la section du cadre de vie.

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