EXAMEN DES ARTICLES

Intitulé de la proposition de loi

Afin de simplifier l'intitulé de la proposition et mieux faire apparaître son apport principal, votre commission vous propose de renommer la proposition de loi « proposition de loi relative à l'unification du contentieux de l'asile ».

Votre commission a adopté l'intitulé de la proposition de loi ainsi modifié.

Article premier (art. L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Transfert du contentieux des décisions de refus d'entrée en France au titre de l'asile à la Cour nationale du droit d'asile

Le présent article modifie l'article L. 213-9 du CESEDA afin de transférer du tribunal administratif de Paris à la Cour nationale du droit d'asile le contentieux des décisions de refus d'entrée en France au titre de l'asile.

Cet article est la disposition principale de la proposition de loi, les autres articles étant des coordinations. La présentation détaillée des enjeux de cet article figure par conséquent dans l'exposé général.

Votre rapporteur souhaite néanmoins préciser les conditions de l'utilisation de la visio-conférence dans le cadre de ce contentieux.

La proposition de loi réserve l'utilisation de la visioconférence à une infime partie du contentieux. En effet, c'est seulement « en cas de nécessité tenant à l'éloignement géographique » de la zone d'attente qu'il pourra en être fait usage. 98% des demandeurs d'asile se trouvant à Roissy ou Orly, la visio-conférence ne servira que dans 2 % des cas.

Au demeurant, c'est une nécessité. La CNDA étant une juridiction nationale et la procédure étant enserrée dans des délais très brefs, il n'est pas matériellement possible de transférer des étrangers se trouvant outre-mer.

Le CESEDA autorise déjà dans plusieurs situations l'utilisation de cette technique pour tenir une audience. Tel est en particulier le cas pour les audiences de prolongation du maintien en zone d'attente ou du placement en rétention administrative devant le juge des libertés et de la détention. Même si cette faculté n'est pas utilisée en pratique, elle figure dans le droit positif depuis la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

Le consentement de l'étranger est toujours exigé. Dans sa décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel avait validé le recours à la visio-conférence sous réserve du respect de nombreuses garanties prévues par la loi. Parmi celles-ci, figurait le consentement de l'étranger.

La loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a inversé cette condition. L'étranger est désormais supposé consentir à la visio-conférence, sauf s'il s'y oppose. Le Conseil constitutionnel n'a pas fait d'observations.

Dans ce contexte, la proposition de loi qui ne prévoit ni le consentement de l'étranger, ni la faculté pour lui de s'opposer à la visio-conférence est-elle contraire à la Constitution ?

Votre rapporteur ne le croit pas.

En premier lieu, la décision du Conseil constitutionnel de 2003 énumérait l'ensemble des conditions posées par la loi, mais ne visait pas particulièrement la condition du consentement.

En deuxième lieu, le recours à la visio-conférence s'est largement diffusé depuis 2003, notamment en matière de procédure pénale, sans que le consentement du prévenu ou du condamné soit requis.

En troisième lieu, à partir du moment où l'on admet que la visio-conférence préserve le droit à un procès équitable ainsi que la publicité des débats, il est inutile de demander le consentement de la personne. Sauf à admettre qu'elle peut consentir à l'abaissement de ses droits.

S'agissant de l'ensemble de l'article, votre commission approuve le dispositif proposé.

Elle a néanmoins souhaité apporter deux aménagements .

En premier lieu, elle a supprimé, à l'initiative de son rapporteur et de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, l'exigence d'une requête motivée.

Cette exigence paraît excessivement lourde pour une procédure en urgence. Elle est inadaptée à la situation d'un étranger se présentant à la frontière pour fuir des persécutions. En outre, sa suppression permettra de donner une plus grande place à l'oralité des débats et diminuera le risque que des requêtes soient écartées par la voie d'ordonnances. Le juge aura moins d'éléments pour rejeter d'office les recours « entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance ou manifestement mal fondés » 29 ( * ) .

En second lieu, elle a allongé, à l'initiative de son rapporteur, de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues et de MM. Charles Gautier, Richard Yung et les membres socialistes et apparentés de la commission des lois, les délais de recours de 48 heures à 72 heures.

Une critique récurrente porte sur la brièveté des délais, en particulier lorsque ceux-ci expirent le week-end.

Deux solutions s'offraient à votre commission.

Soit appliquer la règle de l'article 642 du code de procédure civile qui dispose que lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. En pratique, la conséquence serait que tous les délais de recours démarrant après jeudi à minuit seraient prolongés jusqu'au lundi suivant à 23h59.

Soit prévoir un délai de 72 heures qui permet de passer le cap du week-end.

Votre commission a retenu la seconde solution.

La première présentait plusieurs inconvénients. Plus complexe à comprendre, elle plaçait les demandeurs en situation d'inégalité. Certains ne disposeraient que de 48 heures, d'autres de près de cinq jours. En outre, l'application de cette règle dérogerait au principe selon lequel les délais exprimés en heure s'écoulent d'heure à heure.

A l'inverse, la seconde solution a le mérite de la simplicité.

Enfin, la commission a précisé, à l'initiative de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, que lors des audiences foraines, la salle devait être ouverte au public.

Votre commission a adopté l'article premier ainsi rédigé.

Article 2 (art. L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Coordination

Le présent article tend à compléter l'article L. 731-2 du CESEDA qui énumère les missions de la CNDA. Par coordination avec l'article premier de la proposition de loi qui transfère à la CNDA le contentieux de l'asile à la frontière, cet article ajoute cette compétence à la liste des missions de la Cour.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3 (art. L. 733-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Recours aux ordonnances dites de « tri »

Cet article additionnel, inséré par votre commission à l'initiative de son rapporteur, tend à coordonner l'article L. 733-2 du CESEDA avec la proposition de loi.

L'article L. 733-2 du CESEDA dispose que « le président (de la CNDA) et les présidents de section peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l'intervention d'une formation collégiale ».

Cette disposition permet par ordonnance de donner acte des désistements, de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours et de rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance 30 ( * ) . Elle s'applique au seul contentieux dont la CNDA connaît actuellement, à savoir celui des décisions de l'OFPRA refusant le bénéfice du statut de réfugié ou d'autres protections. Les formations de jugement y sont toujours collégiales.

Lors de son audition par votre rapporteur, Mme Martine Denis-Linton a expliqué que la CNDA pourrait également recourir aux ordonnances pour le nouveau contentieux de l'asile à la frontière.

Toutefois, il faut s'interroger sur la base juridique qui l'autoriserait.

L'article L. 213-9 du CESEDA en vigueur dispose expressément que le tribunal administratif peut recourir aux ordonnances dites de « tri » pour écarter des requêtes manifestement mal fondées. Mais l'article 1 er de la proposition de loi ne contient aucune disposition de ce type.

Le code de justice administrative ne peut pas davantage servir de base juridique puisque la CNDA n'y est pas soumise.

Dans ces conditions, l'article L. 733-2 du CEDEDA peut-il en faire office ? Sa rédaction ne s'y prête pas. Aussi, votre commission vous propose de compléter cet article pour viser aussi le contentieux de l'asile à la frontière.

Votre commission a inséré un article 3 ainsi rédigé.

Article 4 (chapitre 7 du titre VII du livre II du code de justice administrative) - Codification

Les règles du recours suspensif devant le tribunal administratif contre les décisions de refus d'entrée au titre de l'asile sont codifiées dans le code de justice administrative par renvoi.

La proposition de loi supprimant la compétence du tribunal administratif, cet article, initialement l'article 3, abroge les dispositions du code de justice administrative. Il n'y substitue pas les règles relatives à la procédure devant la CNDA, cette dernière ne figurant pas dans ce code.

Sous réserve de sa nouvelle numérotation pour tenir compte de l'insertion de l'article additionnel précédent, votre commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 (art. L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Application immédiate des nouvelles garanties

Cet article additionnel, inséré par votre commission à l'initiative de son rapporteur, tend à appliquer dès l'entrée en vigueur de la proposition de loi deux garanties nouvelles pour les demandeurs d'asile à la frontière.

En effet, l'article 4 de la proposition de loi prévoit une entrée en vigueur différée de l'article premier, au plus tard le 1 er septembre 2011. Or, votre commission a adopté l'article 1 er en le modifiant sur deux points importants : l'allongement du délai de recours de 48 heures à 72 heures et la suppression de l'exigence d'une requête motivée.

Les demandeurs d'asile à la frontière devraient pouvoir bénéficier de ces dispositions plus favorables dès l'entrée en vigueur de la proposition de loi, sans attendre le transfert ultérieur de ce contentieux à la CNDA.

En conséquence, cet article tend à rendre applicable ces deux dispositions dans le cadre de la procédure actuelle devant le tribunal administratif.

Votre commission a inséré un article 5 ainsi rédigé.

Article 6 (art. L. 222-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Prorogation d'office du maintien en zone d'attente en cas de demande d'asile tardive

Cet article additionnel, inséré par votre commission à l'initiative de son rapporteur, est une conséquence de l'allongement du délai de recours de 48 à 72 heures par l'article premier et l'article précédent.

L'article L. 222-2 du CESEDA fixe à vingt jours la durée maximale de maintien en zone d'attente. Toutefois, son deuxième alinéa permet de proroger d'office ce maintien au-delà de vingt jours en cas de demande d'asile déposée dans les six derniers jours.

En effet, pendant l'instruction de la demande d'asile à la frontière, l'étranger ne peut pas être éloigné. Le ministre de l'immigration, après avis de l'OFPRA, prend la décision généralement entre 24 et 96 heures après. A cette période durant laquelle l'étranger ne peut pas être éloigné, il faut ajouter depuis 2007 le délai de recours suspensif de 48 heures devant le tribunal administratif.

C'est la raison pour laquelle la loi prévoit cette hypothèse de prorogation du maintien en zone d'attente au-delà des vingt jours. A défaut, les étrangers déposant une demande d'asile pendant les derniers jours seraient nécessairement admis sur le territoire.

Afin de tenir compte du délai de recours de 48 heures, la loi du 20 novembre 2007 a augmenté de quatre à six jours la prorogation d'office du maintien en zone d'attente en cas de demande d'asile déposée dans les six derniers jours du maintien en zone d'attente.

Par coordination avec l'allongement du délai de recours de 48 à 72 heures 31 ( * ) , votre commission vous propose de porter à sept ce nombre de jours.

Votre commission a inséré un article 6 ainsi rédigé.

Article 7 (art. L. 213-10 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Examen d'une demande d'asile à la frontière

Cet article additionnel, inséré par votre commission à l'initiative de son rapporteur, tend à fixer au juge un cadre minimal pour apprécier ce que peut être ou non une demande d'entrée en France au titre de l'asile « manifestement infondée ».

Le Conseil constitutionnel a esquissé dans sa décision précitée du 25 février 1992 les contours de la notion de « demande manifestement infondée ». La loi n° 92-190 du 26 février 1992 portant modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 punissait les transporteurs aériens d'une amende s'ils débarquaient un étranger démuni des documents de voyage requis. Toutefois, cette amende n'était pas infligée lorsque l'étranger demandait à entrer sur le territoire français au titre de l'asile et que cette demande n'était pas manifestement infondée. Le Conseil constitutionnel a précisé que « cette cause d'exonération implique que le transporteur se borne à appréhender la situation de l'intéressé sans avoir à procéder à aucune recherche ».

Cette interprétation très stricte a pour finalité de prévenir le risque qu'une entreprise de transport refuse d'acheminer les demandeurs d'asile au motif que les intéressés seraient démunis de visa d'entrée en France.

Votre commission vous propose par conséquent de s'inspirer de cette réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel pour encadrer le contrôle par le ministre de l'immigration, puis par la CNDA, du caractère manifestement infondée de la demande d'entrée en en France au titre de l'asile.

La loi préciserait que « l'examen tendant à déterminer si une demande d'entrée en France afin de bénéficier du droit d'asile ne peut donner lieu à investigation ».

Cette disposition entrerait en vigueur dès la publication de la loi, sans attendre le transfert du contentieux à la CNDA.

Votre commission a inséré un article 7 ainsi rédigé.

Article 8 - Entrée en vigueur

Cet article, initialement l'article 4 de la proposition de loi, tend à prévoir une entrée en vigueur différée de la proposition de loi. La CNDA se verrait transférer le contentieux de l'asile à la frontière à compter d'une date fixée par décret en Conseil d'Etat et au plus tard le 1 er septembre 2011.

Ce délai est nécessaire pour que la réforme en cours de la CNDA produise tous ses effets. Il doit permettre également à la Cour de s'organiser efficacement pour absorber ce contentieux supplémentaire et d'une nature différente.

Toutefois, votre commission souhaite que l'allongement du délai de recours, la suppression de la requête motivée et l'interdiction de procéder à des investigations pour déterminer le caractère manifestement infondé d'une demande d'asile à la frontière puissent entrer en vigueur immédiatement. Seuls les articles 1 à 4 de la proposition de loi entreraient en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

* 29 Cinquième alinéa de l'article L. 213-9 du CESEDA. Voir également l'article R. 733-5 du même code.

* 30 Voir l'article R. 733-5 du CESEDA.

* 31 Voir l'article 1 er et l'article 5.

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