EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 9 AVRIL 2009

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Jean-René Lecerf et du texte proposé par la commission sur la proposition de loi n° 263 (2008-2009), présentée par M. François-Noël Buffet, relative au transfert du contentieux des décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a tout d'abord précisé que cette proposition de loi avait pour principal objet le transfert du contentieux des décisions relatives à l'entrée sur le territoire au titre de l'asile des tribunaux administratifs à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a rappelé que cette procédure, créée en 1982, a pour but d'autoriser ou de refuser l'admission sur le territoire des étrangers qui, dépourvus d'une autorisation d'entrée sur le territoire national, sollicitent l'asile à la frontière. Cette décision d'admission, précédemment prise par le ministre de l'intérieur, relève aujourd'hui de la compétence du ministre de l'immigration, qui se prononce sur la base de l'avis rendu par le directeur général de l'OFPRA sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d'asile formulée à la frontière. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a à cet égard insisté sur le fait que cet avis portant sur le caractère non manifestement infondé de la demande d'asile à la frontière devait être clairement distingué de l'examen à proprement parler de la demande d'asile formulée par l'étranger, laquelle relève de l'OFPRA sous le contrôle de la CNDA.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, les recours contre les refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile étaient dépourvus d'effet suspensif, ce que la Cour européenne des droits de l'homme dans une décision « Gebremedhin » du 26 avril 2007 avait jugé contraire aux articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il a ainsi indiqué qu'à la suite de cette décision, la loi du 20 novembre 2007 avait introduit dans le code des étrangers une disposition prévoyant un recours en annulation suspensif de 48 heures contre le refus d'entrée sur le territoire, le magistrat saisi étant tenu de statuer dans un délai de 72 heures. Il a également rappelé que, dans le cadre de cette même loi du 20 novembre 2007, la Commission des recours des réfugiés avait été renommée Cour nationale du droit d'asile, afin de mieux affirmer le caractère juridictionnel de cette institution et surtout de renforcer son autonomie budgétaire par rapport à l'OFPRA, dont elle dépendait jusqu'alors. M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a ainsi rappelé que des dispositions avaient été adoptées afin, d'une part, de rattacher la CNDA au Conseil d'Etat et, d'autre part, de permettre à la Cour de disposer de dix magistrats permanents. Considérant que la présente proposition de loi s'inscrivait dans ce mouvement plus général de réforme, il a rappelé que M. François-Noël Buffet, rapporteur de la loi du 20 novembre 2007, avait dès cette époque préconisé le transfert du contentieux des refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile des tribunaux administratifs à la CNDA. Cette proposition avait par la suite été reprise par la commission présidée par M. Pierre Mazeaud.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a ensuite procédé à l'exposé de la proposition de loi. Il a indiqué que le contentieux des refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile relèverait désormais de la compétence de la CNDA, dont la décision ne serait pas susceptible d'appel mais uniquement de cassation devant le Conseil d'Etat. A cet égard, il a souligné que, à l'heure actuelle, les décisions prises par les tribunaux administratifs en cette matière étaient bien, quant à elles, susceptibles d'appel dans les quinze jours devant la cour administrative d'appel, mais que cet appel était dépourvu de caractère suspensif. Il a indiqué que le texte autorisait le recours à la visioconférence en cas de nécessité tenant à l'éloignement géographique, soulignant toutefois le fait que près de 97% des demandeurs d'asile à la frontière formulent leur demande à Roissy ou à Orly. Compte tenu de la localisation de la CNDA à Montreuil, la visioconférence ne devrait donc être utilisée que dans un nombre limité de cas. Il a remarqué que des audiences dites « foraines » pourraient être organisées en zone d'attente. Enfin, il a précisé que le texte prévoyait également le droit des demandeurs de recourir à un interprète, celui de se faire assister par un avocat, ainsi que la possibilité, pour le magistrat chargé de statuer, de le faire par ordonnance.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souligné que ces propositions avaient suscité des réactions très contrastées chez les praticiens du droit d'asile en France. Il a souhaité qu'il soit fait confiance aux magistrats de la CNDA pour prendre en charge ce contentieux dans de bonnes conditions. Soulignant que ces derniers seraient désormais compétents pour deux contentieux distincts, l'un portant sur le caractère manifestement infondé de la demande d'entrée sur le territoire formulée à la frontière, l'autre sur l'appréciation portée au fond sur cette demande d'asile par l'OFPRA, il a rappelé qu'aucune disposition ne s'opposait à ce qu'une même juridiction connaisse d'une même affaire dans le cadre de deux contentieux distincts, faisant notamment référence aux juridictions qui sont appelées à statuer sur une affaire dans le cadre d'un référé avant d'examiner cette même affaire au fond. Il a par ailleurs observé que le transfert du ministre des affaires étrangères au directeur général de l'OFPRA, en 2004, des avis rendus sur l'asile à la frontière s'était traduit par une hausse du taux d'acceptation des demandes d'entrée sur le territoire. Dans ce cadre, il a estimé que le transfert de ce contentieux aux magistrats spécialisés de la CNDA était susceptible de constituer une garantie pour les requérants.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a enfin précisé que les amendements qu'il s'apprêtait à soumettre aux membres de la commission avaient pour but, d'une part, d'allonger le délai de recours, d'autre part, de simplifier les exigences pesant sur les requêtes et, enfin, de mieux marquer la différence entre le contentieux de l'asile à la frontière et l'examen des demandes au fond.

M. Jean-Pierre Michel a fait observer que la comparaison de ce contentieux avec les procédures de référé mises en oeuvre devant la plupart des juridictions n'était pas pertinente, puisqu'il s'agit, dans le cas du présent texte, de statuer sur des questions distinctes.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a précisé que son propos avait pour seul but d'indiquer que la CNDA ne pourrait pas s'estimer liée par sa première décision lorsqu'elle examinerait au fond la demande d'asile du requérant, puisque ces deux recours se fonderaient sur des moyens distincts (l'une sur la notion de caractère manifestement infondé de la demande d'entrée sur le territoire pour y solliciter l'asile, l'autre sur le bien-fondé des craintes de persécutions par les autorités de son pays d'origine).

A la question de M. Alain Anziani sur la composition actuelle de la CNDA, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a répondu que la majorité de ses membres étaient issus des juridictions administratives, mais qu'une partie d'entre eux appartenaient à l'ordre judiciaire. Il a également rappelé que, bientôt, la Cour comporterait dix magistrats permanents recrutés parmi les présidents de tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

M. Pierre-Yves Collombat, ayant fait observer que les dispositions de cette proposition de loi aboutiraient à accroître la charge de travail, et donc les besoins humains et budgétaires de la CNDA, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé qu'il ne s'agissait que d'un transfert de charge des tribunaux administratifs à la Cour, prévu et organisé par une disposition de la loi de finances initiale pour 2009.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements déposés par le rapporteur et les autres membres de la commission des lois.

Au préalable, M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que ces amendements étaient désormais transmis aux membres de la commission et aux secrétariats des groupes avant la réunion de commission et que ceux du rapporteur comportaient désormais un objet succinct permettant de mieux en comprendre les motifs.

Avant l'article 1er, la commission n'a pas adopté deux amendements déposés par MM. Charles Gautier, Richard Yung, Mme Alima Boumediene-Thiery et les membres socialistes et apparentés de la commission des lois et tendant à modifier la définition des délits d'aide à l'entrée et au séjour des étrangers en situation irrégulière : la commission a suivi en cela l'avis de son rapporteur, qui a proposé de renvoyer l'étude de cette question à l'examen d'une proposition de loi actuellement discutée à l'Assemblée nationale sur ce même sujet.

A l'article 1er (transfert du contentieux des décisions de refus d'entrée en France au titre de l'asile à la Cour nationale du droit d'asile) la commission a adopté deux amendements identiques proposés par le rapporteur d'une part et, d'autre part, par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'exigence d'une requête motivée dans le cas des recours contre les refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a fait valoir que cette exigence d'une requête motivée apparaissait excessivement lourde dans le cas d'une procédure en urgence et qu'elle était de surcroît inadaptée s'agissant de la situation d'un étranger se présentant à la frontière pour fuir des persécutions. Il a en outre souligné que la suppression de l'exigence de motivation des requêtes permettrait de donner une plus grande place à l'oralité des débats et écarterait le risque que des requêtes soient écartées par ordonnance pour défaut de motivation.

La commission a ensuite adopté trois amendements ayant un objet identique proposés par le rapporteur, par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues et par MM. Charles Gautier, Richard Yung et les membres socialistes et apparentés de la commission des lois, et tendant à allonger le délai de recours de 48 à 72 heures.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé qu'une critique récurrente des associations d'aide aux demandeurs d'asile portait sur la brièveté des délais, en particulier lorsque ceux-ci expirent le week-end. Deux solutions lui avaient paru envisageables : soit une prorogation du délai jusqu'au prochain jour ouvrable lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, - solution qui aurait néanmoins le défaut de placer les demandeurs d'asile dans une situation d'inégalité selon le jour où la décision de refus d'entrée sur le territoire leur est notifiée, soit un allongement du délai de recours de 48 à 72 heures. Il avait finalement opté pour cette dernière solution, laquelle recevait l'accord du ministère de l'immigration.

M. Charles Gautier a souligné le fait que, si la solution retenue par le rapporteur apparaissait certes plus simple, elle faisait néanmoins l'impasse sur la question des week-ends de trois jours.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, s'est dit conscient de cette difficulté et a proposé d'en rediscuter d'ici à l'examen du texte en séance publique.

Dans la mesure où elle venait d'adopter un amendement faisant passer de 48 à 72 heures le délai de recours, la commission n'a pas adopté l'amendement présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues et tendant à modifier la computation du délai de recours de 48 heures en incluant uniquement les jours ouvrés.

La commission n'a pas adopté l'amendement présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues et tendant à supprimer le renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour la définition des conditions dans lesquelles le juge statue. La commission a en effet considéré que la proposition de loi définissait de façon suffisamment précise les garanties de cette procédure et que, de surcroît, la suppression de l'exigence d'un décret en Conseil d'Etat aurait permis au Gouvernement, dans le silence des textes, de prendre un décret simple.

La commission n'a pas adopté l'amendement présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues et tendant à exclure le recours aux ordonnances en matière de contentieux d'asile à la frontière, le rapporteur ayant souligné que la suppression de l'exigence de requête motivée aurait pour effet de restreindre le champ des ordonnances aux cas de désistement et de non-lieu à statuer. La commission a toutefois considéré qu'il n'était pas souhaitable d'exclure a priori la possibilité d'écarter par voie d'ordonnances les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste et n'a donc pas adopté l'amendement présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues et tendant à limiter le champ des ordonnances aux seuls cas de désistement et de non-lieu à statuer.

La commission n'a pas adopté l'amendement déposé par M. Charles Gautier, M. Richard Yung, Mme Alima Boumediene-Thiery et les membres socialistes et apparentés de la commission des lois et tendant à substituer au président de la Cour, ou au président de section siégeant seul, la Cour siégeant en formation collégiale.

A ce sujet, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a fait valoir que la requête devait être examinée dans des délais très courts et qu'il ne s'agissait, de surcroît, que de statuer sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d'entrée sur le territoire - moyen relativement simple qui ne nécessitait pas nécessairement le recours à une formation collégiale. Il a, de plus, fait état des réticences du haut commissariat pour les réfugiés, dont un des membres participe aux formations collégiales de la CNDA, à participer à la prise d'une décision relative à l'entrée des étrangers sur le territoire national.

M. Charles Gautier a au contraire estimé que l'urgence rendait nécessaire le recours à une formation collégiale de jugement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a marqué que la demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile ne devait pas être assimilée à la demande d'asile en tant que telle que le demandeur déposerait après son admission sur le territoire.

La commission n'a pas adopté les amendements identiques de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, d'une part, et, d'autre part, de MM. Charles Gautier, Richard Yung et des membres socialistes et apparentés de la commission des lois, tendant à préciser que le requérant peut être assisté d'un avocat et d'un interprète, le rapporteur ayant fait valoir que ces garanties figuraient déjà dans le code des étrangers.

La commission n'a pas adopté l'amendement de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues tendant à préciser que les salles d'audience sont ouvertes au public, préférant adopter un autre amendement des mêmes auteurs tendant à prévoir l'ouverture au public de la salle d'audience située dans la zone d'attente.

Sur la proposition de son rapporteur, qui a fait valoir que cette disposition n'était pas remise en cause par la proposition de loi, la commission n'a pas adopté l'amendement de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues tendant à réintégrer dans le texte de la proposition de loi le dixième alinéa de l'article L. 213-9 du code des étrangers relatif à la procédure applicable en cas d'annulation de la décision de refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile par la Cour.

La commission n'a pas adopté l'amendement de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues tendant à permettre à la CNDA, après avoir annulé une décision de refus d'entrée sur le territoire, de proposer à l'étranger d'examiner immédiatement cette demande d'asile au fond.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souligné que cet amendement faisait écho aux propositions formulées par l'ancien président de la CNDA, M. François Bernard, de permettre à la Cour de statuer immédiatement, au fond, sur les craintes de l'étranger au regard des stipulations de la convention de Genève ou des dispositions relatives à la protection subsidiaire. Il s'y est déclaré défavorable, faisant valoir, d'une part, que les étrangers qui sollicitent l'asile à la frontière peuvent être fortement traumatisés par les persécutions subies dans leur pays d'origine et qu'ils peuvent avoir besoin de temps pour pouvoir formuler sereinement leur demande et, d'autre part, qu'une telle solution introduirait une inégalité de traitement entre ces étrangers qui demandent l'asile à la frontière et ceux qui ne formulent leur demande qu'une fois entrés sur le territoire national. Il a également estimé qu'une telle solution accroîtrait les risques de confusion de procédures.

La commission n'a pas adopté les amendements déposés, d'une part, par MM. Charles Gautier, Richard Yung, Mme Alima Boumediene-Thiery et les membres socialistes et apparentés de la commission des lois et, d'autre part, par Mme Alima Boumediene-Thiery et de plusieurs de ses collègues, et tendant tous deux à exiger le consentement de l'étranger à la tenue d'audiences foraines dans la salle d'audience située dans la zone d'attente. Le rapporteur a fait valoir que ce consentement n'était pas requis lors des audiences foraines au cours desquelles la demande d'asile du requérant peut être examinée au fond et que, de surcroît, ces audiences respectaient en tout état de cause les principes de publicité et du contradictoire.

La commission n'a pas adopté l'amendement présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues tendant à supprimer la possibilité d'utiliser la visioconférence, le rapporteur ayant rappelé qu'il était indispensable de prévoir le recours à cette technique dans la mesure où la Cour, tenue de statuer dans les 72 heures, est dotée d'une compétence nationale.

La commission n'a pas adopté l'amendement de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues tendant à prévoir le consentement de l'étranger avant l'utilisation de la visioconférence, le rapporteur ayant rappelé que cette technique, déjà utilisée en matière pénale, préservait le droit à un procès équitable et la publicité des débats.

La commission n'a pas adopté l'amendement de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues tendant à préciser que, lors de l'utilisation de la visioconférence, il est dressé un procès-verbal dans chacune des deux salles d'audience, le rapporteur ayant fait valoir qu'une telle disposition n'apparaissait ni nécessaire, ni utile dans la mesure où le consentement de l'étranger n'est pas requis et où, en cas de pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat ne se prononce que sur la décision de la CNDA.

La commission n'a pas adopté l'amendement de MM. Charles Gautier, Richard Yung, Mme Alima Boumediene-Thiery et les membres socialistes et apparentés de la commission des lois tendant à faire du président de la cour administrative d'appel le juge d'appel des décisions de la CNDA, le rapporteur ayant rappelé que, d'une part, la CNDA est dotée d'une compétence nationale et qu'elle est placée directement sous le contrôle du Conseil d'Etat et que, d'autre part, l'appel ne constituerait qu'une voie de recours très théorique dans la mesure où il n'a pas d'effet suspensif.

Après l'article premier, la commission a examiné un amendement tendant à insérer un article additionnel, présenté par M. Jean-René Lecerf, rapporteur, et ayant pour objet de transférer au directeur général de l'OFPRA la décision de refus d'entrée en France au titre de l'asile.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a expliqué que cette proposition partait du constat que le ministre chargé de l'immigration suivait aujourd'hui l'avis de l'OFPRA dans 100 % des cas. Il a indiqué que le transfert de cette compétence au directeur général de l'OFPRA pourrait avoir pour avantages :

- d'économiser une partie des moyens humains alloués à cette tâche. Le ministère de l'immigration ne maintiendrait qu'une veille. L'OFPRA devrait néanmoins étoffer son dispositif pour transformer formellement ses avis en décisions ;

- de lever les suspicions quant à une interférence du ministre chargé de l'immigration avec l'exercice du droit d'asile en France.

Toutefois, il a reconnu que cette proposition n'était pas sans poser des difficultés de principe importantes. Il a rapporté les réactions de M. Jean-François Cordet, directeur général de l'OFPRA, qui a craint que ce transfert de compétence n'altère la nature profonde de l'Office dont les missions n'ont pratiquement pas changé depuis sa création en 1952. Il y verrait un risque de remise en cause de son indépendance de jugement en matière d'asile, la décision de refus d'entrée au titre de l'asile relevant d'abord du droit au séjour en France avant de relever du droit d'asile.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a ajouté que cet amendement posait également des questions juridiques délicates sur l'étendue de la compétence du directeur général de l'OFPRA.

Il a indiqué avoir poursuivi depuis le dépôt de l'amendement son dialogue avec les autorités concernées et qu'il lui apparaissait que sa proposition méritait une réflexion supplémentaire. Pour ces raisons, il a retiré son amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues tendant à rendre suspensifs les recours formés devant la CNDA contre les décisions de l'OFPRA prises selon la procédure dite prioritaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a jugé que la suppression du caractère non suspensif du recours retirerait pratiquement à la procédure prioritaire tout son intérêt.

Il a ajouté que cet amendement dépassait l'objet de la proposition de loi et qu'il ne lui semblait pas opportun d'ouvrir tous les sujets ayant un lien avec l'exercice du droit d'asile en France.

La commission n'a pas adopté cet amendement.

A l'article 2 (coordination), la commission a examiné un amendement présenté par M. Charles Gautier et les membres socialistes et apparentés de la commission des lois tendant à préciser que le contrôle de la CNDA est un contrôle de l'excès de pouvoir.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que la portée de cet amendement n'était pas claire et qu'il y voyait plutôt un risque pour les requérants, le contrôle de l'excès de pouvoir pouvant se limiter au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation.

M. Charles Gautier a précisé que cet amendement allait de pair avec un autre amendement tendant à prévoir que la CNDA statue en formation collégiale.

La commission n'a pas adopté cet amendement.

Après l'article 2, la commission a adopté, sur l'initiative de M. Jean-René Lecerf, rapporteur, un amendement tendant à insérer un article additionnel procédant à une coordination.

Après l'article 3, la commission a examiné, sur l'initiative de M. Jean-René Lecerf, rapporteur, un amendement tendant à insérer un article additionnel ayant pour objet de rendre applicables dès l'entrée en vigueur de la proposition de loi deux garanties nouvelles pour les demandeurs d'asile à la frontière.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que l'article 4 de la proposition de loi prévoyait une entrée en vigueur différée de l'article premier, au plus tard le 1er septembre 2011. Or, il a jugé que les amendements précédents à l'article 1er tendant à allonger le délai de recours de 48 heures à 72 heures et à supprimer l'exigence d'une requête motivée devaient pouvoir bénéficier aux demandeurs d'asile à la frontière dès l'entrée en vigueur du texte, sans attendre le transfert ultérieur de ce contentieux à la CNDA. En conséquence, cet amendement tend à rendre applicables ces deux dispositions dans le cadre de la procédure actuelle devant le tribunal administratif.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement du même auteur tendant à fixer au juge un cadre minimal pour apprécier ce que peut être une demande d'entrée en France au titre de l'asile « manifestement infondée ».

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé que le Conseil constitutionnel avait esquissé dans sa décision du 25 février 1992 les contours de la notion de « demande manifestement infondée ». La loi n° 92-190 du 26 février 1992 portant modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 punissait les transporteurs aériens d'une amende s'ils débarquaient un étranger démuni des documents de voyage requis. Toutefois, cette amende n'était pas infligée lorsque l'étranger demandait à entrer sur le territoire français au titre de l'asile et que cette demande n'était pas manifestement infondée. Le Conseil constitutionnel avait alors précisé que « cette cause d'exonération implique que le transporteur se borne à appréhender la situation de l'intéressé sans avoir à procéder à aucune recherche ».

Il a indiqué que cet amendement s'inspirait de cette réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel et qu'il devait permettre de prévenir une dérive vers un examen assimilable à celui du bénéfice du statut de réfugié. Il entrerait en vigueur dès la publication de la loi, sans attendre le transfert du contentieux à la CNDA.

Toutefois, il a expliqué que sa réflexion se poursuivant, sa rédaction initiale ne lui paraissait pas satisfaisante car, en demandant au juge de s'en tenir aux seuls éléments du dossier et à ceux résultant de l'audience, elle laissait croire que le juge devait s'interdire de « penser », notamment si, du fait de son expérience, il possédait des éléments d'information pertinents.

En conséquence, il a proposé une rédaction modifiée qui prévoirait que l'examen du caractère manifestement infondé « ne peut donner lieu à aucune investigation ».

La commission a adopté cet amendement dans sa rédaction rectifiée.

La commission a ensuite adopté un amendement du même auteur tendant à coordonner la durée de maintien en zone d'attente avec l'allongement du délai de recours devant la CNDA.

A l'article 4 (entrée en vigueur), la commission a adopté un amendement du même auteur tendant à limiter l'entrée en vigueur différée de la proposition de loi aux seuls articles 1 à 3. Les autres articles entreraient immédiatement en vigueur.

La commission n'a pas adopté un amendement présenté par Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues, celui-ci devenant sans objet du fait de l'adoption de l'amendement précédent.

Après l'article 4, la commission a examiné un amendement de Mme Alima Boumediene-Thiery et plusieurs de ses collègues tendant à insérer un article additionnel ayant pour objet de modifier la définition des menaces susceptibles de justifier le bénéfice de la protection subsidiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a indiqué que la définition en vigueur était celle d'une « menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ». Il a expliqué que l'amendement tendait à supprimer l'adjectif « directe ».

Il a estimé que la loi était dans l'esprit de la directive du 29 avril 2004, même s'il ne la reprenait pas mot pour mot, en visant des menaces qui ne soient pas seulement des menaces d'ordre général ou évanescentes.

La commission n'a pas adopté cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement des mêmes auteurs tendant à insérer un article additionnel et ayant pour objet de supprimer la notion d'asile interne.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a concédé que la notion d'asile interne n'était pas enthousiasmante, mais a constaté qu'elle était reconnue par les textes communautaires. Il a précisé qu'en pratique, elle n'était pas utilisée.

La commission n'a pas adopté cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement des mêmes auteurs tendant à insérer un article additionnel ayant pour objet de prévoir un réexamen annuel de la liste des pays d'origine sûrs.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a jugé cet amendement intéressant. Toutefois, il a estimé qu'une périodicité de deux ans serait préférable. Cet amendement soulevant une question distincte de la proposition de loi, il s'est déclaré défavorable à son intégration dans le texte de la commission. En revanche, si l'amendement était rectifié dans le sens évoqué, il a estimé que la commission pourrait demander l'avis du Gouvernement lors de l'examen des amendements extérieurs.

La commission n'a pas adopté cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement des mêmes auteurs tendant à insérer un article additionnel et ayant pour objet de compléter la définition des pays d'origine sûrs.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a rappelé qu'un pays était considéré comme sûr « s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Il a précisé que l'amendement s'inspirait de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui avait annulé l'inscription de l'Albanie et du Niger sur la liste des pays sûrs, eu égard à l'instabilité du contexte politique et social dans ces pays.

Il a souligné que, lors des débats sur la loi de décembre 2003 relative à l'asile, dont il était le rapporteur, le Sénat avait tenu à définir de manière plus rigoureuse les pays d'origine sûrs en retenant leur capacité à « veiller » au respect effectif des principes d'un Etat de droit.

Il a déclaré que ce souci d'effectivité du respect de l'Etat de droit et des libertés était déjà pleinement rempli par la définition actuelle issue du Sénat et qu'il n'était pas nécessaire d'ajouter la référence au contexte politique et social, puisqu'elle était déjà comprise dans la notion d'effectivité. Il a d'ailleurs estimé que le Conseil d'Etat avait interprété ainsi la loi dans sa jurisprudence précitée.

La commission n'a pas adopté cet amendement.

Enfin, la commission a adopté un amendement présenté par M. Jean-René Lecerf, rapporteur, tendant à modifier l'intitulé de la proposition de loi.

La commission a adopté le texte de la proposition de loi relative au transfert du contentieux des décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile ainsi rédigée.

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