INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La consommation des ménages est traditionnellement un des piliers de l'économie française : elle a un effet accélérateur dans les phases d'expansion ; elle soutient opportunément l'activité dans les périodes plus difficiles, distinguant notre pays parmi les grandes puissances de la planète. Mais le dynamisme des consommateurs français ne résulte pas seulement d'une originalité culturelle qui serait inhérente à l'esprit national : il s'appuie aussi sur la confiance qu'autorise un dispositif légal particulièrement protecteur de leurs intérêts.

Il en est ainsi de la législation relative au crédit à la consommation. Si les ménages français sont entrés assez tardivement dans le modèle moderne de recours à cet outil, aujourd'hui indispensable à la gestion prévisionnelle de leurs budgets, et s'ils l'utilisent de manière plus raisonnée que nombre de leurs voisins, ils bénéficient cependant d'un cadre législatif et réglementaire qui figure parmi les plus complets de l'Union européenne. C'est dire l'attention que les autorités nationales, les représentants des consommateurs et les opérateurs de crédit ont accordé à la longue négociation qui, durant six années, a conduit à l'adoption de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.

Le présent projet de loi vise à transposer en droit interne les éléments de ce texte communautaire. Bien que d'harmonisation maximale, ce dernier ne vient pourtant modifier que marginalement les dispositions structurantes de la législation nationale, même s'il rend nécessaire de modifier un très large pan du chapitre I er du titre I er du livre III du code de la consommation consacré au crédit à la consommation. Aussi le Gouvernement a-t-il eu pour ambition de saisir cette opportunité pour aller plus loin qu'une simple transposition, afin de responsabiliser davantage les acteurs du crédit, qu'il s'agisse des emprunteurs ou des prêteurs. En outre, il a choisi d'apporter à la procédure de surendettement diverses améliorations tendant à en renforcer l'efficacité et à en accélérer le traitement.

Car en effet, si le crédit à la consommation ne constitue pas, loin s'en faut, un problème macroéconomique, il n'est pour autant pas exempt d'excès qui conduisent trop de nos concitoyens, et souvent les plus fragiles, à des situations individuelles insoutenables qui les plongent dans le surendettement.

Depuis le début du siècle, pas moins de cinq lois ont tenté de mieux réguler le secteur, qu'une segmentation accrue entre crédit affecté et crédit renouvelable a progressivement déséquilibré. Il est aujourd'hui patent qu'une publicité agressive soutenant un « business model » critiquable à bien des égards exclut d'un accès au crédit responsable les ménages les plus modestes. Ceux-ci sont non seulement privés des moyens de gérer raisonnablement leurs budgets, mais même encouragés par nombre d'opérateurs à se tourner vers la forme de crédit la plus préjudiciable à leur pouvoir d'achat, le crédit renouvelable. Loin d'être resté un outil d'appoint utilisé brièvement pour traverser une période financièrement tendue, ce qui justifie des taux d'intérêt élevés, il est devenu pour certains un mode de fonctionnement habituel et, ce faisant, un piège financier.

Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs s'élèvent contre ce dévoiement et réclament un encadrement plus rigoureux du crédit renouvelable. Confrontés localement aux drames que vivent certains de leurs administrés, les parlementaires appellent eux aussi à un assainissement. Ainsi, au Sénat, pas moins de cinq propositions de loi ont été déposées depuis la rentrée parlementaire d'octobre 2008, émanant de nombre de nos collègues emmenés par M. Philippe Marini, M. Claude Biwer, M. Charles Revet, Mme Nicole Bricq et M. Michel Mercier.

C'est pour répondre à cette impérieuse attente que le présent projet de loi, présenté par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et haut commissaire à la jeunesse, vise à mieux adapter les formes de crédit à la consommation aux besoins des emprunteurs. Il s'agit d'une nécessité sociale, mais aussi d'une nécessité économique : la confiance des consommateurs, évoquée précédemment, doit être préservée pour continuer à soutenir l'activité.

C'est dans cette perspective que s'est inscrite votre commission spéciale. Elle a conduit un important travail d'auditions de toutes les parties prenantes - institutions publiques, associations de consommateurs et d'accompagnement de publics fragiles, banques et établissements de crédit, professionnels du crédit, experts juridiques et économiques...- 1 ( * ) qui lui a permis de cerner les enjeux, de former son jugement et d'élaborer ses propositions. A cet égard, il lui est apparu nécessaire, pour contribuer à atteindre l'objectif fixé par le Gouvernement ( « Plus d'accès, moins d'excès » ), de porter le débat sur des thèmes que n'abordait pas le projet de loi initial, notamment la fixation du taux de l'usure, la perspective de création d'un fichier positif ou encore le développement du microcrédit personnel.

Avant d'aborder l'examen des articles du projet de loi et des amendements, votre commission spéciale vous propose de resituer celui-ci dans son contexte économique, juridique et communautaire général, de présenter les cinq propositions de loi sénatoriales qu'elle a examinées, de présenter les grandes lignes du projet de loi et de résumer les principales modifications qu'elle y a apportées.

* 1 Voir la liste des personnes auditionnées en annexe II, page 361.

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