N° 90

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur.

Tome VI :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1976 , 1994 , 1995 et T.A. 358

Sénat :

82, 83 et 91 (2009-2010)


Les observations et recommandations de la commission des affaires sociales
pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles en 2010

Par la voix de son rapporteur, Gérard Dériot, la commission s'inquiète de l'évolution de la situation financière de la branche. Excédentaire en 2008, celle-ci affiche un déficit élevé en 2009 (650 millions d'euros) en raison du ralentissement des recettes et de l'augmentation des charges, spécialement au titre des versements à la branche maladie et au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata). En 2010 , ce déficit devrait s'accentuer en raison de l'augmentation plus rapide des dépenses que des recettes, pour s'établir à près de 800 millions.

Sur la réforme de la branche, la commission note avec satisfaction la fin de la transposition normative de l'accord conclu entre les partenaires sociaux le 12 mars 2007, au travers de la réforme de la tarification des accidents du travail et maladies professionnelles proposée par l'article 42 du projet de loi de financement.

En conséquence, la commission approuve le principe de bonus-malus qui s'appliquera désormais à la fixation des cotisations des entreprises et dont on peut attendre des retombées positives en termes de prévention.

Sur les fonds de l'amiante, et comme elle l'avait signalé l'année dernière, la commission regrette la mutualisation du financement du Fcaata. La mesure qui impose la compensation intégrale des pertes de recettes du fonds par la branche AT-MP menace en effet de placer celle-ci en situation de déficit structurel.

Sur l'évolution des risques professionnels, la commission se félicite de la confirmation de la tendance à la réduction du nombre des accidents du travail. Elle s'inquiète en revanche de la persistance d'un haut niveau de maladies professionnelles, et notamment de l'acuité prise par les questions de santé liées au stress au travail. Elle signale, sur ce point, la création récente, en son sein, d'une mission d'information consacrée au problème du mal-être au travail.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'analyse du financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) doit, cette année plus encore qu'auparavant, être abordée dans une perspective plus large que la simple conjoncture. En effet, la branche, jusqu'à présent proche de l'équilibre et même excédentaire en 2008, semble devoir connaître des déficits croissants et plus que proportionnels à la baisse des recettes, tant pour l'année en cours que pour l'année prochaine. Par ailleurs, et peut-être surtout, une actualité tragique a souligné l'importance des troubles psychosociaux liés au travail et la difficulté pour les entreprises à y faire face 1 ( * ) .

La branche AT-MP semble toutefois bien équipée pour affronter ces difficultés. Elle bénéficie de deux avantages qui découlent de la loi du 9 avril 1898 : d'une part, un système de cotisation dynamique (76 % du financement de la branche sont assurés par les cotisations patronales) assis sur des principes acceptés par l'ensemble des partenaires sociaux ; d'autre part, une législation, tant communautaire que nationale, complète et particulièrement protectrice 2 ( * ) .

La volonté continue des pouvoirs publics, appuyée sur un financement efficace, a permis une baisse importante des accidents du travail. Leur nombre a ainsi baissé de 13,7 % entre 2000 et 2008. Cette moyenne cache pourtant d'importantes disparités entre secteurs d'activité, les métiers de l'industrie ayant davantage bénéficié de l'augmentation de la sécurité au travail que ceux des services, notamment le secteur du nettoyage. Par ailleurs, le nombre de maladies professionnelles reconnues a augmenté sur la période. La constance dans l'effort national en faveur de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles reste donc primordiale, de même que la poursuite de l'adaptation des normes aux nouvelles formes de risque, sous peine d'entraîner rapidement une dégradation des conditions de travail.

Malgré une baisse importante des recettes liée à la réduction de la masse salariale, le financement envisagé au titre de l'année prochaine permet la poursuite de ces objectifs. Alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 avait envisagé pour 2010 un objectif de dépenses de 13,2 milliards d'euros, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche à 12,9 milliards d'euros pour tenir compte de l'impact économique de la crise financière. Si l'on tient compte des dépenses qui devraient être effectivement réalisées en 2009, de l'ordre de 12,6 milliards d'euros, la progression des dépenses entre 2009 et 2010 serait de l'ordre de 2,33 %.

Conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, le champ de l'objectif intègre l'ensemble des régimes obligatoires. Il prend en compte également le transfert financier qu'effectue la branche AT-MP du régime général au profit de la branche maladie pour compenser les dépenses indues résultant de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2007

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009 (p)

2010 (p)

Objectif de dépenses

11,4

11,8

13

12,9

Dépenses réalisées

12

12,1

12,6

Ecart

0,6

0,3

-0,4

(p) : prévision

Les dépenses de la branche AT-MP relèvent à plus de 81 % du régime général, soit 11,4 milliards d'euros en 2010.

La branche AT-MP du régime général, en déficit de 2004 à 2007, était redevenue bénéficiaire en 2008 (ce qui ne s'était plus produit depuis 2001) en enregistrant un solde excédentaire de 241 millions d'euros. Mais, sous les effets conjugués de charges particulièrement dynamiques et d'un contexte économique très défavorable, le solde redeviendrait nettement déficitaire en 2009, à hauteur de 649 millions. La prévision pour 2010 fait état d'une aggravation du déficit de près de 140 millions, le solde négatif s'établissant donc à 787 millions.

Résultats nets de la branche depuis 2004

En droits constatés et en millions d'euros

Cnam AT-MP

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Résultat

- 184

- 438

- 59

- 455

+ 241

- 649

- 787

Source : direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A)

Ces déficits résultent, pour partie, de l'augmentation des transferts incombant à la branche, et plus particulièrement le versement à l'assurance maladie et au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) de sommes beaucoup plus importantes depuis 2009. Néanmoins, les projections pour 2009, selon lesquelles les recettes ne représenteraient que 94,2 % des dépenses, et pour 2010, où ce pourcentage s'établirait à 93 %, laissent penser que la branche est engagée dans une tendance déficitaire.

I. UNE ÉVOLUTION CONTRASTÉE SELON LES TYPES DE SINISTRES

Les dépenses et les recettes de la branche AT-MP varient en fonction du nombre de sinistres recensés et de leur gravité. L'objectif premier des pouvoirs publics est bien sûr de réduire la fréquence et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En 2008, un peu plus de 1,3 million de sinistres ont été reconnus pour le seul régime général de sécurité sociale, et les deux tiers d'entre eux ont donné lieu à un arrêt de travail. La fréquence des accidents est en baisse continue depuis 2001, passant de 42,8 à 38 accidents déclarés en 2009 pour mille salariés. L'évolution du nombre de maladies professionnelles est, en revanche, défavorablement orientée ; toutefois, ceci traduit, au moins pour une part, une amélioration du taux de reconnaissance des maladies professionnelles.

A. UNE TENDANCE À LA DIMINUTION DE LA FRÉQUENCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

Les accidents du travail représentent la très grande majorité des sinistres observés en matière professionnelle (85 % du total). Le solde se partage entre les accidents de trajet (10 %) et les maladies professionnelles (5 %) 3 ( * ) .

1. Des accidents du travail moins nombreux

Le nombre d'accidents du travail a nettement régressé au cours des six dernières années, baissant en moyenne de 2,5 % par an. Il avait semblé, ces deux dernières années, se stabiliser, mais est reparti à la baisse en 2008 marquant un nouveau recul de 2 %.

2003

2004

2005

2006

2007*

2008*

1 185 291

1 152 865

1 139 063

1 144 404

1 145 018

1 122 349

* données estimées Source : Cnam, statistiques trimestrielles juin 2009

2. Des accidents du travail globalement moins graves

Pour ce qui concerne le régime général, après une orientation à la hausse sur les années 2005 à 2007, le nombre d'accidents de travail avec arrêt s'inscrit à la baisse en 2008. Cette année enregistre en effet à la fois une diminution de 2,2 % du nombre d'accidents du travail avec arrêt par rapport à 2007 et une augmentation de l'activité salariée, avec une hausse des effectifs de 1,3 % : il en résulte une diminution de l'indice de fréquence, qui atteint un niveau inédit de trente-huit accidents avec arrêt pour mille salariés en 2008.

Après plusieurs années d'augmentation, le nombre de nouvelles incapacités permanentes recule aussi depuis 2006, avec une diminution de 5,1 % en 2008 par rapport à l'année précédente. De même, le nombre de décès est en baisse après une augmentation en 2006 et 2007, avec une diminution de 8,5 % en 2008 par rapport à l'année précédente.

Evolution de la gravité des accidents de travail pour les années 2004 à 2008

(en italique, taux d'évolution annuelle)

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre d'accidents avec arrêt

692 004

699 217

700 772

720 150

703 976

- 4,1%

1,0%

0,2%

2,8%

-2,2%

Nombre d'accidents avec incapacité permanente

51 771

51 938

46 596

46 426

44 037

6,1%

0,3%

- 10,3%

- 0,4%

- 5,1%

Nombre de décès

626

474

537

622

569

- 5,3%

- 24,3%

13,3%

15,8%

- 8,5%

Indice de fréquence

39,5

39,1

39,4

39,4

38,0

- 3,5%

- 1,0%

0,7%

0,1%

- 3,5%

Source : Cnam, direction des risques professionnels

Statistiques technologiques

Les différentes activités professionnelles sont à l'origine d'accidents variables en nombre et en gravité.

Au cours des trois dernières années, les accidents de plain-pied, les chutes de hauteur et les accidents liés à la manutention manuelle sont à l'origine de plus de 70 % des accidents du travail avec arrêt. La manutention manuelle est la principale source d'accident : elle provoque plus d'un tiers des accidents du travail avec arrêt (34,2 % en 2008) ; au sein des nouvelles incapacités permanentes, elle reste au premier plan, avec une proportion de 31,7 % de l'ensemble des nouvelles incapacités permanentes en 2008.

Les accidents de travail routiers demeurent toujours la principale cause de décès et leur part relative au sein des accidents mortels est en augmentation depuis 2007 (23,2 % des décès en 2008 et en 2007, contre 21,6 % en 2006).

Le secteur du bâtiment - travaux publics (BTP) est celui qui enregistre encore en 2008 le plus d'incapacités permanentes et de décès ; cependant, l'orientation de leur nombre est en recul, avec une diminution des incapacités permanentes de 6,3 % et des décès de 15,8 % (155 décès en 2008, contre 184 en 2007).

Ainsi, dans la plupart des secteurs, le nombre et la gravité des accidents du travail sont orientés à la baisse.

* 1 Sur ce point, la commission des affaires sociales a constitué, le 28 octobre 2009, une mission d'information de six mois sur le mal-être au travail.

* 2 Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail transposée par loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail.

* 3 Statistiques juin 2009.

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