V. LA DÉFINITION DU CHIFFRE D'AFFAIRES ET DE LA VALEUR AJOUTÉE

Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée sont des notions déjà utilisées pour la détermination de la cotisation de la taxe professionnelle. Le chiffre d'affaires détermine notamment l'assujettissement à la cotisation minimale, dont le taux est fonction de la valeur ajoutée. Celle-ci est aussi utilisée pour déterminer le plafonnement des cotisations des entreprises.

Désormais, la valeur ajoutée constituera l'assiette d'un impôt à part entière, dont le taux sera fonction du chiffre d'affaires.

Or dans son récent rapport consacré aux prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée, le Conseil des prélèvements obligatoires a relevé que la valeur ajoutée est « une notion juridique complexe, mal définie par le CGI (article 1647 B sexies) qui fait référence à des rubriques figurant dans le plan comptable général de 1957 aujourd'hui obsolètes, ce qui introduit une divergence croissante entre la définition fiscale de la valeur ajoutée et sa définition comptable. Elle présente donc une certaine insécurité juridique, et risque d'induire des comportements d'optimisation » 69 ( * ) .

Il importait donc de moderniser la définition de la valeur ajoutée utilisée pour le calcul de la contribution économique territoriale et de ses composantes, ainsi que celle des notions utilisées pour sa détermination et notamment le chiffre d'affaires. Le présent article procède ainsi à une actualisation opportune de la définition fiscale de la valeur ajoutée et du chiffre d'affaires, en faisant plus directement référence aux notions comptables.

A. LA VALEUR AJOUTÉE DE LA GÉNÉRALITÉ DES ENTREPRISES

Le calcul de la valeur ajoutée se déroule en trois étapes :

- il convient, en premier lieu, de définir le chiffre d'affaires (le chiffre d'affaires ainsi défini détermine notamment le seuil d'imposition à la cotisation sur la valeur ajoutée) ;

- il importe ensuite de majorer le chiffre d'affaires des autres produits qui concourent à déterminer la production de l'exercice ;

- il est temps, enfin, de retrancher de cet ensemble les charges déductibles.

L'idée générale de la réforme est de maintenir autant que possible les définitions actuelles, en modernisant les notions et, le cas échéant en y intégrant la doctrine ou la jurisprudence.

En réponse au questionnaire de votre rapporteur général, le Gouvernement a apporté les éléments de précision suivants :

QUESTION N° 58 :

Quelles seront les différences entre le mode de calcul de la valeur ajoutée dans le nouveau dispositif et le mode de calcul actuel ?

REPONSE :

Le mode de calcul de la valeur ajoutée qui figure dans le projet de loi de finances reprend très largement les règles actuelles de détermination de la valeur ajoutée qui sont prévues tant par les textes législatifs en vigueur que par la doctrine administrative et la jurisprudence du Conseil d'Etat.

Les modifications sont, pour l'essentiel, de trois ordres :

- la modernisation de références comptables devenues obsolètes : ainsi, par exemple :

> le compte « produits accessoires » a été remplacé par le compte « autres produits de gestion courante » s'agissant de la valeur ajoutée de la généralité des entreprises, et par le compte « produits divers d'exploitation » s'agissant de la valeur ajoutée des établissements de crédit ;

> s'agissant de la valeur ajoutée des entreprises d'assurance, le compte « produits financiers » a été remplacé par le compte « produits des placements » ;

- la légalisation de décisions doctrinales , portant notamment sur la production immobilisée et le régime spécifique des groupements d'intérêt économique de financement ;

- la prise en compte de certaines décisions jurisprudentielles , par exemple concernant le traitement des plus-values de cession relevant d'une activité normale et courante.

1. Le chiffre d'affaires

Les développements ci-après commentent les composantes du chiffre d'affaires telles que présentées au 1 du I du texte proposé par le 2.1.1 du présent article pour l'article 1586 quinquies du code général des impôts, en faisant ressortir les évolutions par rapport au droit actuel :

« 1. le chiffre d'affaires est égal à la somme :

« - des ventes de produits fabriqués, prestations de services et marchandises ; »

Le droit actuel est maintenu , sous réserve de prise en compte des évolutions intervenues entre le plan comptable général de 1957 et celui de 1999. Sont ici retenus, d'une part, les comptes de ventes de produits finis (701), de produits intermédiaires et de produits résiduels (702 et 703), des travaux (704), des études (705), des prestations de services (706), des ventes de marchandises (707) et, d'autre part, les comptes des produits des activités annexes (708) (qui constituaient, dans le plan comptable de 1957, une composante du compte « produits accessoires », lui-même repris dans la valeur ajoutée actuelle ; ils sont bien inclus également dans le chiffre d'affaires actuel). Ces comptes sont diminués des « rabais, remises et ristournes accordés par l'entreprise » (709), aujourd'hui pris en compte, dans la nomenclature de 1957 sous l'intitulé « réduction sur ventes ».

« - des redevances pour concessions, brevets, licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires ; »

Le droit actuel est maintenu . Ces éléments, qui constituent l'ensemble des revenus de la propriété intellectuelle, étaient inclus en 1957 dans le compte 762 « Produits accessoires ». Dans le plan comptable général de 1999, ils constituent le compte 751.

« - des plus-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante ; »

Il s'agit d'une modification substantielle du calcul du chiffre d'affaires par rapport à la situation actuelle. L'objectif est d'intégrer dans la législation la jurisprudence SA Algeco , en référence à la décision rendue le 6 décembre 2006 par le Conseil d'Etat, qui a considéré que, pour une entreprise exerçant une « activité de location et de vente de constructions mobiles », les produits de la cession de constructions mobiles précédemment affectées à la location (et qui constituent à ce titre des immobilisations corporelles), revêtent, compte tenu de la nature de l'activité de la société, « un caractère habituel qui justifie leur comptabilisation en tant que produit de l'exercice ».

Le critère retenu par le code général des impôts sera donc désormais celui d'activité « normale et courante ». Il importera que l'administration précise clairement ce qu'il faut comprendre, en insistant sur le fait que des cessions pouvant être régulières ou fréquentes ne seront pas forcément considérées comme « normales et courantes », dès lors qu'elles concernent des cessions d'immobilisations qui ne sont pas au coeur des métiers de l'entreprise

Par symétrie, les moins-values portant sur la cession des mêmes immobilisations deviennent déductibles.

« - des refacturations de frais inscrites au compte de transfert de charges ; »

Les opérations ici visées portent essentiellement sur les refacturations de personnels au sein d'un même groupe . Elles peuvent être inscrites soit dans un compte de « produits des activités annexes », pris en compte dans le chiffre d'affaires au titre des prestations de service, soit dans un compte de « transfert de charges ». Par souci de neutralité pour le calcul du chiffre d'affaires, il convient également de conserver le droit en vigueur et d'inclure ces comptes dans la définition du chiffre d'affaires

« 2. Le chiffre d'affaires des titulaires de bénéfices non commerciaux qui n'exercent pas l'option mentionnée à l'article 93 A s'entend du montant hors taxes des honoraires ou recettes encaissés en leur nom, diminué des rétrocessions, ainsi que des gains divers. »

Pour les titulaires de bénéfices non commerciaux soumis à la comptabilité de caisse, le chiffre d'affaires inclut les honoraires (ou recettes pour ceux qui ne perçoivent pas d'honoraires) encaissés et les gains divers, tels que les recettes afférentes aux opérations commerciales accessoires (par exemple, la vente de médicaments par un vétérinaire).

Le chiffre d'affaires n'inclut pas, en revanche, la taxe sur la valeur ajoutée encaissée (pour les professions juridiques notamment qui, contrairement aux professions médicales, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

La précision selon laquelle les recettes rétrocédées viennent en déduction du chiffre d'affaires constitue une nouveauté bienvenue par rapport à la situation actuelle, destinée à éviter de taxer ces sommes à la fois chez le rétrocédant et chez le cessionnaire.

« 3. Le chiffre d'affaires des personnes dont les revenus imposables à l'impôt sur le revenu relèvent de la catégorie des revenus fonciers définie à l'article 14 comprend les recettes brutes au sens de l'article 29. »

Cette disposition constitue une nouveauté par rapport au droit en vigueur. Les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés et les personnes physiques réalisant des activités de location nue ne sont soumises à aucune tenue de comptabilité. Il est donc proposé de leur appliquer les règles définies pour l'imposition sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers.

Par conséquent, le chiffre d'affaires des intéressés est constitué des recettes qui comprennent les loyers encaissés, les dépenses mises par convention à la charge des locataires et les recettes brutes diverses, y compris les subventions et indemnités d'assurance.

* 69 « Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée », octobre 2009, rapport établi, en application des dispositions de l'article L. 351-3 du code des juridictions financières, à la demande du président de la commission des finances du Sénat.

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