III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : L'OCTROI SOUHAITABLE DE CERTAINS DROITS NOUVEAUX À MOYEN TERME

A. DES DISPOSITIFS QUI, POUR CERTAINS, SONT DÉJÀ EN VIGUEUR

Deux dispositifs proposés dans le cadre de la présente proposition de loi apparaissent d'ores et déjà satisfaits par le droit en vigueur.

1. La loi applicable aux partenariats enregistrés à l'étranger

Votre commission constate que la question du droit applicable aux partenariats enregistrés à l'étranger, qui pouvait effectivement soulever des difficultés d'appréciation, a été réglée par le législateur en mai 2009.

L'article 1 er de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures a en effet consacré, à l'initiative du Sénat, l'application de la loi de l'État d'enregistrement du partenariat.

Or, l'article 3 de la proposition de loi ne fait que reprendre cette disposition, sans aucune modification de fond ou de forme.

Par ailleurs, la modification proposée par le 2° de l'article 2 tendant à déclarer l'ordre public local inopposable à l'enregistrement par les autorités consulaires françaises de PACS à l'étranger, doit elle aussi être écartée, dans la mesure où elle est contraire à l'article 5 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires qui prévoit explicitement cette opposabilité .

2. La conclusion des PACS en cas d'empêchement grave

La possibilité, mentionnée à l'article 2 de la proposition de loi, d'assurer l'enregistrement du PACS hors du greffe du tribunal d'instance, est satisfaite par l'article 37 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.

Aux termes de cette disposition, en cas d'empêchement grave, le procureur de la République doit requérir le greffier du tribunal d'instance de se transporter au domicile ou à la résidence de l'une des parties pour enregistrer le pacte civil de solidarité.

B. UNE ASSIMILATION DE PRINCIPE DU PACS AU MARIAGE QUI N'EST JUSTIFIÉE NI EN DROIT, NI EN PRATIQUE

Comme l'a indiqué le Conseil d'État en 2002, « les liens juridiques qui unissent les personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ont été organisés par le législateur de manière différente, notamment du point de vue de leur intensité et de leur stabilité, de ceux qui existent entre deux conjoints ; (...) ces deux catégories de personnes étant ainsi placées dans des situations juridiques différentes, le principe d'égalité n'impose pas qu'elles soient traitées, dans tous les cas, de manière identique » 21 ( * ) .

De la même manière, lors de son audition par votre rapporteur, M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, a souligné que s'il proposait lui-même certaines évolutions du régime juridique du PACS, dont certaines étaient reprises dans le cadre de la présente proposition de loi, il n'envisageait pas un alignement complet du PACS sur l'institution du mariage, dès lors que les obligations contractées par les membres de ces deux formes de conjugalité n'étaient elles-mêmes pas identiques.

Aussi n'y a-t-il aucune obligation juridique à traiter de manière identique le PACS et le mariage et, en conséquence, à faire découler de ces deux dispositifs les mêmes droits.

Dans ce contexte, votre commission des lois estime en particulier que rien n'impose d'aligner les conditions actuelles d'enregistrement des PACS sur la procédure suivie pour le mariage, et en particulier, la substitution de la compétence du maire à celle du greffier du tribunal d'instance .

Du reste, la procédure suivie fonctionne de manière satisfaisante au quotidien et ne constitue pas, en soi, une « entrave » à l'exercice par les membres d'un couple de leur droit de s'engager dans le cadre d'un PACS.

Or, en pratique, imposer aux maires, notamment dans les plus petites communes, l'accomplissement de cette formalité en lieu et place des greffiers constituerait une charge matérielle nouvelle qui se surajouterait aux transferts tout récemment opérés dans des conditions financières difficiles pour les communes, à commencer par celui du recueil et de la délivrance des titres d'identité ou, plus récemment par la mise en place, dans les mairies, de dispositifs destinés à favoriser l'accès au droit et à la justice, impliquant la mise à disposition par les collectivités locales d'un personnel d'accueil spécialement dédié 22 ( * ) .

La souplesse inhérente au PACS -souvent recherchée par les personnes qui voient justement dans l'institution du mariage un cadre juridique trop rigide et contraignant- justifie même, dans certaines hypothèses, un traitement différencié par rapport au mariage .

Tel est le cas, notamment, en matière de règles d'acquisition de la nationalité. La facilité de conclusion et de rupture du PACS, de même que le contenu plus limité que dans le mariage des obligations réciproques des partenaires, s'opposent en effet par nature à ce que des effets pérennes, tels que l'attribution de la nationalité, puissent en découler nécessairement .

L'équilibre sur lequel repose le PACS, entre souplesse et protection, est fragile . Toute amélioration de la protection qu'il offre au couple peut sembler fondée. Cependant, elle peut aussi avoir pour conséquence une limitation de la liberté de chacun des partenaires, ou même rendre nécessaire un contrôle plus poussé de l'autorité publique sur le partenariat conclu.

Le danger est alors celui d'une dénaturation du PACS , ce qui justifie de refuser de calquer son régime juridique sur celui du mariage.

C. DES NOUVEAUX DROITS QUI, POUR CERTAINS, NE SONT PAS DÉNUÉS DE PERTINENCE DANS LEUR PRINCIPE

Si la différence inhérente entre le PACS et le mariage ne justifie pas un alignement complet des effets de l'un sur ceux de l'autre, le choix du législateur n'en a pas moins été, compte tenu du nombre croissant de PACS conclus par nos concitoyens et des besoins que cette situation implique, d'opérer certains rapprochements avec le mariage, en particulier s'agissant des droits extrapatrimoniaux des partenaires de cette forme d'union.

La question posée par l'initiative de notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat ainsi que des membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche est donc avant tout, pour votre commission, de savoir s'il convient d'aller plus loin encore dans le renforcement de la protection des personnes qui ont fait le choix de s'engager dans le cadre d'un PACS.

À cet égard, les auditions conduites par votre rapporteur ont mis en relief la faible protection dont jouissent les partenaires d'un PACS lorsqu'il est mis un terme à ce dernier, non seulement en cas de décès de l'un d'entre eux, mais également en cas de séparation. Dans ces situations, le partenaire « délaissé » ou survivant apparaît dans une situation sans doute moins favorable que celle d'un conjoint divorcé ou survivant. Il n'est donc pas illégitime de souhaiter une amélioration de sa situation.

Aussi la question du renforcement des droits sociaux accordés aux partenaires d'un PACS doit-elle être posée.

À l'évidence, elle recouvre, en premier lieu, la question de l'extension du bénéfice de la réversion au partenaire survivant d'un PACS. Dans une moindre mesure, elle concerne également les droits à congés pour évènements familiaux, compte tenu du nombre de personnes aujourd'hui concernées directement ou indirectement -en qualité de parents- par la conclusion d'un PACS.

Pour autant, ce questionnement légitime, qui s'appuie sur une interprétation large d'une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes en matière de lutte contre les discriminations au travail 23 ( * ) , doit être replacé dans le contexte plus large de la réforme des retraites et du renforcement du dialogue social .

Comme l'a parfaitement mis en lumière, en 2007, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de votre commission des affaires sociales dans son rapport d'information relatif aux pensions de réversion, le droit français de la réversion se caractérise par la coexistence de différents régimes qui diffèrent sensiblement de l'un à l'autre. En outre, au sein de chaque régime, les mécanismes mis en oeuvre peuvent être eux-mêmes affectés d'une certaine complexité, « ce qui vient accroître le sentiment de confusion qui envahit celui qui tente de s'y retrouver dans le « maquis » des normes en vigueur. » 24 ( * )

C'est pourquoi le Sénat a réclamé plus de transparence, d'équité et de solidarité en matière de réversion. Aussi, si cette approche l'a conduit à recommander l'extension du bénéfice de la réversion au partenaire survivant, c'est à la condition qu'elle réponde à des conditions particulières de durée d'union et, surtout, qu'elle s'intègre dans une réforme plus globale du système actuel.

Votre commission des lois partage cette position. Favorable dans son principe à un système de réversion en faveur des personnes liées par un PACS, elle estime que les conditions de sa mise en place doivent s'intégrer dans la réforme globale des retraites que le Gouvernement a annoncé, en octobre dernier, et qui devrait avoir lieu en 2010.

S'agissant de l'extension au PACS du congé octroyé aux salariés en cas de mariage, votre commission souligne que cette mesure devrait faire l'objet d'un examen préalable plus approfondi par les partenaires sociaux .

En effet, si certains accords de branche prévoient actuellement des droits à congés en cas de conclusion d'un PACS, ceux-ci sont d'une durée très variable selon la branche concernée. Dans d'autres branches, aucun accord n'est intervenu sur la question. Votre commission est donc d'avis qu'il convient d'attendre que des négociations globales se soient engagées sur ce point avant de décider du niveau d'harmonisation souhaitable et d'examiner la pertinence d'un alignement complet sur le mariage.

*

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a décidé de ne pas établir de texte . En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte de la proposition de loi.

* 21 Conseil d'État, Assemblée, 28 juin 2002, Villemain, Rec. p. 229.

* 22 Voir le rapport pour avis n° 106, tome IV , « Justice et accès au droit », sur le projet de loi de finances pour 2010, de MM. Yves Détraigne et Simon Sutour au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2009, pp. 58-59.

* 23 Cour de justice des Communautés européennes, 1 er avril 2008, Maruko, affaire C-267/06.

* 24 Rapport d'information n° 314 (Sénat, 2006-2007) de MM. Claude Domeizel et Dominique Leclerc, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des Affaires sociales, déposé le 22 mai 2007, p.20.

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