N° 172

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 décembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , visant à créer une allocation journalière d' accompagnement d'une personne en fin de vie ,

Par M. Gilbert BARBIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1407 , 1445 et T.A. 242

Sénat :

223 rect . (2008-2009) et 173 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mais quant à la mort, elle est inévitable. Et par conséquent, si elle nous fait peur, c'est un sujet continuel de tourment, et qui ne se peut aucunement soulager. Il n'est lieu d'où elle ne nous vienne ; nous pouvons tourner sans cesse la tête, çà et là, comme en pays suspect.

(...)

Mère nature : « Si vous n'aviez la mort, vous me maudiriez sans cesse de vous en avoir privé. J'y ai à escient mêlé quelque peu d'amertume pour vous empêcher, voyant la commodité de son usage, de l'embrasser trop avidement et indiscrètement. (...) Tous les jours vont à la mort, le dernier y arrive. »

Michel de Montaigne, Essais

Mesdames, Messieurs,

Si la mort est inévitable, les derniers jours qui la précèdent sont souvent devenus, dans nos sociétés occidentales, des moments de détresse et d'abandon. De nombreuses personnes meurent, seules, à l'hôpital, sans l'occasion d'un ultime échange ou partage avec leurs proches, ou même avec un inconnu. Peut-on vraiment penser qu'un monde moderne est celui où la société ne permet pas de mourir entouré des siens ?

Les choses évoluent cependant et plusieurs lois ont été adoptées ces dernières années sur les soins palliatifs, les droits des malades ou la fin de vie. Bien sûr, aucune ne peut tout régler à elle seule, chacun vivant une expérience unique, et leur mise en pratique est parfois bien lente.

Il en est ainsi du droit au congé pour accompagner un proche en fin de vie, créé dès 1999, mais quasiment inusité et totalement méconnu. Différentes raisons peuvent expliquer l'absence de recours à ce congé : la situation juridique de l'accompagnant est floue, notamment pour ce qui concerne sa protection sociale, et le congé est non rémunéré, ce qui empêche naturellement de nombreux Français d'y avoir recours et entraîne des inégalités qui n'ont pas lieu d'être.

L'objet de la proposition de loi, déposée par quatre députés issus des différents groupes politiques de l'Assemblée nationale et adoptée à l'unanimité le 17 février 2009, vise à remédier partiellement à cette situation, en créant une allocation journalière aux accompagnants qui s'arrêtent de travailler pour soutenir les derniers instants d'un de leurs proches. Même si son versement est limité à trois semaines et soumis à la condition que la personne en fin de vie soit assistée à domicile, ce revenu de substitution constitue un premier pas dont on ne peut négliger l'utilité. L'application de l'article 40 de la Constitution interdit aux parlementaires d'aller au-delà : il appartiendra donc au Gouvernement de faire des propositions plus généreuses en faveur de l'accompagnement des personnes en fin de vie.

Parallèlement, la proposition de loi n'apporte pas de clarification explicite des droits sociaux dont bénéficie l'accompagnant durant les trois mois, éventuellement renouvelables une fois, de son congé. Votre commission a souhaité, sur ce point, que soit sécurisée leur situation, précisément au moment où leur fragilité et leur détresse ne leur permettraient pas d'affronter des difficultés administratives supplémentaires.

I. LE CONGÉ POUR ACCOMPAGNER UN PROCHE EN FIN DE VIE : UN DROIT À CONFORTER

A. LE DROIT À UN CONGÉ POUR ACCOMPAGNER UN PROCHE EN FIN DE VIE

1. Un droit récent

Adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale et au Sénat, la loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d'accès aux soins palliatifs a créé un « congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie » de trois mois. Ce texte trouve son origine dans plusieurs initiatives parlementaires, dont cinq propositions de loi présentées par des députés et une déposée par Lucien Neuwirth, sénateur, et plusieurs de ses collègues 1 ( * ) .

L'article 11 de cette loi concerne les salariés du secteur privé, tandis que son article 12 institue ce congé dans les fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière. La loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires a ensuite transposé cette disposition pour ces derniers.

A l'initiative de votre commission, la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites 2 ( * ) a apporté une nouvelle modification à ce dispositif mais uniquement dans le code du travail et au seul profit des salariés. Ce congé se nomme dorénavant « congé de solidarité familiale » et présente deux différences de fond par rapport à la législation antérieure : il peut être renouvelé une fois et propose une définition plus large de l'état de santé du malade qui fonde, pour un proche, le droit de s'arrêter de travailler. Curieusement, les statuts de la fonction publique n'ont pas été adaptés de la même manière et deux régimes distincts coexistent depuis lors.

2. Ses modalités d'application

• Le « congé de solidarité familiale », pour les salariés soumis au code du travail

Aujourd'hui, un salarié du secteur privé 3 ( * ) , « dont un ascendant, un descendant ou une personne partageant son domicile souffre d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital, a le droit de bénéficier d'un congé de solidarité familiale » qui peut, avec l'accord de l'employeur, être transformé en période d'activité à temps partiel.

Ce congé non rémunéré n'est ouvert que pour une durée maximale de trois mois , renouvelable une fois . Il prend fin soit à l'expiration de cette période, soit dans les trois jours qui suivent le décès de la personne assistée, sans préjudice du bénéfice des dispositions spécifiques relatives aux congés pour événements personnels ou familiaux 4 ( * ) , soit à une date antérieure. Le salarié informe son employeur de la date prévisible de son retour avec un préavis de trois jours francs.

Le salarié ne peut exercer aucune activité professionnelle durant ce congé ou aucune autre activité s'il a transformé son congé en période d'activité à temps partiel.

A l'issue de cette période, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. La durée du congé est prise en compte pour la détermination des avantages liés à l'ancienneté et le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu'il avait précédemment acquis.

• Le « congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie », pour les militaires et dans les trois fonctions publiques

Pour les fonctionnaires et militaires, ce congé présente les mêmes caractéristiques mais à trois nuances près :

- le « fait générateur » du droit au congé, c'est-à-dire l'état de santé de la personne accompagnée , n'est pas défini dans les mêmes termes : dans le secteur privé, celle-ci doit souffrir « d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital » et, dans le secteur public, elle doit faire « l'objet de soins palliatifs » ;

- le congé n'est pas renouvelable dans le secteur public ;

- les militaires, ainsi que les fonctionnaires de l'Etat et territoriaux, n'ont pas d'obligation de préavis pour leur retour en poste, contrairement aux salariés du secteur privé et aux fonctionnaires hospitaliers.

* 1 Rapport Sénat n° 287 (1998-1999) de Lucien Neuwirth, fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi (n° 223, 1998-1999) tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et de l'accompagnement.

* 2 Article 38.

* 3 Articles L.3142-16 à L.3142-21 du code du travail.

* 4 Les articles L.3142-1 et L.3142-2 du code du travail prévoient qu'un salarié bénéficie d'une autorisation exceptionnelle d'absence de deux jours pour le décès du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité et d'un jour pour celui du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d'un frère ou d'une soeur. Ces jours d'absence n'entrainent pas de réduction de la rémunération et sont assimilés à des jours de travail effectif pour la détermination de la durée du congé annuel.

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