3. Un financement public qui doit accompagner les investissements privés sans s'y substituer

Si le grand emprunt doit financer des dépenses d'avenir et donner une impulsion, susceptibles de contribuer à la croissance de long terme du pays, il ne saurait pour autant se traduire par des effets de substitution et d'aubaine au bénéfice d'acteurs économiques privés qui auraient de toute façon, en l'absence de ce dispositif, engagé des investissements nécessaires au renouvellement de leur modèle économique. Il importe donc de veiller à ce que l'emprunt finance des dépenses conformes à la vocation réelle de l'Etat. Cette problématique est notamment présente dans le programme « Véhicules du futur » auquel les crédits de la mission contribuent à hauteur d'un milliard d'euros 74 ( * ) , dont 750 millions d'euros pour les véhicules routiers (particuliers et utilitaires) et 250 millions d'euros pour le transport ferroviaire (TGV fret) et maritime (« navire du futur »).

Les explications fournies par le ministère sont relativement lapidaires. Néanmoins s'agissant du transport routier, des démonstrateurs de recherche et pré-industriels, comme pour les autres programmes, viendront prendre le relais de démonstrateurs de l'ADEME en cours d'expérimentation. Ils concerneront par exemple les dispositifs de charge des véhicules électriques, des « solutions innovantes de mobilité urbaine » et l'expérimentation de flottes de véhicules électriques ou hybrides. A cet égard, ces projets s'inscrivent assez largement dans la continuité du « plan national pour le développement des véhicules hybrides et électriques rechargeables », présenté le 1 er octobre 2009 et structuré en quatorze actions.

Dans le cadre du « Pacte automobile », 250 millions d'euros de prêts bonifiés ont déjà été ouverts par l'Etat pour favoriser l'industrialisation des véhicules décarbonés. De même, la commission sur le grand emprunt avait été saisie d'une proposition de co-investissement à hauteur de 900 millions d'euros sur les 1,5 milliard d'euros nécessaires pour le développement des infrastructures de charge sur les voies publiques 75 ( * ) . L'enveloppe prévue au titre du grand emprunt se révèle largement inférieure , avec 150 millions d'euros pour ces infrastructures.

Ces orientations interviennent dans un contexte où tous les grands constructeurs automobiles 76 ( * ) opèrent un repositionnement stratégique et consacrent désormais d'importants investissements à la création ou à l'élargissement d'une offre, d'ici un à trois ans, de modèles voire de gammes de véhicules électriques et hybrides. Cette stratégie est motivée par des contraintes normatives (normes européennes de pollution ou « malus » automobile par exemple), mais aussi par l'intérêt commercial des constructeurs qui, compte tenu de l'évolution des comportements et perceptions des automobilistes, ne peuvent espérer améliorer leur image de marque et leurs ventes sans proposer à moyen terme une offre crédible de véhicules à émissions faibles ou nulles.

Ces projets fortement médiatisés se heurtent encore à d'importantes difficultés techniques et commerciales , au premier rang desquelles l'autonomie, le poids et la rapidité de recharge des batteries, qui éloignent la perspective d'une distribution à grande échelle. L'Etat peut cependant soutenir les recherches et la compétitivité des constructeurs français en centrant son effort financier sur des investissements transversaux et qui peuvent être plus difficilement assumés dans un contexte concurrentiel, donc sur les infrastructures de recharge plutôt que sur les motorisations .

De ce point de vue, on ne peut aujourd'hui garantir que les investissements envisagés pour les véhicules routiers du futur soient parfaitement complémentaires de ceux des constructeurs automobiles ni cohérents avec ce qui doit relever de la puissance publique. Le plan de développement des véhicules hybrides et électriques, qui structure les futurs investissements, a néanmoins mis l'accent sur des actions qui se révèlent conformes à la vocation des acteurs publics :

- l'implication des structures publiques (dont la Caisse des dépôts et consignations, la Poste, le Commissariat à l'énergie atomique - CEA, le Fonds stratégique d'investissement - FSI 77 ( * ) et ERDF) et de grandes entreprises privées , notamment pour la constitution d'une flotte de 100.000 véhicules d'ici 2015 ;

- des dispositions juridiques de nature à permettre le développement des infrastructures au domicile et au travail (intégration dans les futures constructions d'immeubles avec parking, création d'un « droit à la prise ») ;

- l'extension des infrastructures publiques de charge (normalisation d'une prise européenne unique, soutien aux communes, déploiement opérationnel des bornes).

Le financement d'un démonstrateur et d'expérimentations pour le futur TGV dédié au fret est également conforme à la priorité du Gouvernement et de la SNCF tendant à la modernisation et au « sauvetage » du fret ferroviaire, qui s'est concrétisée par l'Engagement national pour le fret ferroviaire présenté le 16 septembre 2009. Les 150 millions d'euros consacrés à ce projet ne constituent cependant qu'une infime partie de l'enveloppe de 7 milliards d'euros annoncée pour 2010-2020, et dont les modalités précises de financement n'ont pas été explicitées.

* 74 Soit 350 millions d'euros pour les démonstrateurs de recherche, 150 millions d'euros pour les plateformes technologiques, et 500 millions d'euros pour les expérimentations.

* 75 Les investissements nécessaires à l'augmentation de la capacité du réseau électrique, d'un montant estimé à 145 millions d'euros d'ici 2015, seront quant à eux financés par la péréquation du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité.

* 76 Lors du dernier salon automobile de Francfort, en septembre 2009, Renault a ainsi présenté un projet de gamme composée de pas moins de quatre véhicules à motorisation intégralement électrique, et Peugeot deux véhicules, dont la iOn développée en partenariat avec Mitsubishi Motors Corporation et appelée à être commercialisée fin 2010 ou début 2011.

* 77 Un partenariat a ainsi été conclu entre le CEA et Renault pour la création d'une usine de batteries à Flins, représentant un investissement de 625 millions d'euros, auquel le FSI pourrait participer à hauteur de 125 millions d'euros.

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