III. LA TRANSPOSITION DU TEXTE PAR LA FRANCE : UNE MISE À L'ÉCART ILLÉGITIME DU PARLEMENT

A. L'UTILITÉ RELATIVE D'UNE LOI-CADRE DE TRANSPOSITION

Contrairement à la France, plusieurs pays de l'Union ont choisi d'adopter une loi-cadre pour assurer la transposition de la directive services 4 ( * ) .

Ce mode de transposition y a permis la tenue d'un débat général sur la directive services et ses implications. Surtout, il a souvent fourni l'occasion de rassurer certains acteurs encore inquiets du contenu de l'ancienne « directive Bolkestein ».

Ceci étant, il faut reconnaître que, pour ce qui concerne cette directive, le vote d'une loi-cadre ne constitue pas, en soi, un gage de sécurité juridique accrue, a fortiori lorsque la loi en question a consisté simplement, à peu de choses près, en une copie de la directive 5 ( * ) .

En effet, l'adoption d'une loi-cadre ne dispense pas les Etats membres qui y recourent de passer en revue leur législation relative à l'exercice des activités de services pour examiner sa conformité aux exigences de la directive et, le cas échéant, de la modifier.

Le mode de transposition adopté par la France a donc consisté à analyser l'ensemble de la législation en cause et, le cas échéant, à procéder secteur par secteur aux modifications jugées nécessaires. C'est la raison pour laquelle plusieurs lois comportent des dispositions visant à mettre la législation nationale en conformité avec la directive : c'est le cas notamment de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ou de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

Les services de la Commission ont indiqué à votre rapporteur qu'ils considéraient, à première vue 6 ( * ) , le travail effectué par la France comme « sérieux et de qualité » .

B. LES DROITS DU PARLEMENT À NOUVEAU IGNORÉS

Le Gouvernement a récemment transmis à la Commission européenne la liste des régimes d'autorisation qu'il juge à la fois nécessaires de maintenir et conformes aux exigences de la directive. Celle-ci va donc examiner le document et engager une discussion avec la France sur les éventuels régimes d'autorisations qui lui sembleraint injustifiés.

Or, et cette position n'est pas défendable, le Gouvernement refuse de communiquer cette liste au Parlement 7 ( * ) alors que les régimes d'autorisations comportent, au moins pour une partie d'entre eux, des dispositions législatives.

Faudrait-il donc admettre que le Gouvernement se charge de débattre et, vraisemblablement, de trouver un accord avec la Commission européenne, qui entraînera nécessairement des modifications législatives, sans même que le Parlement n'ait été consulté ? Tout au plus, devra-t-il, dans quelques mois, entériner, en bloc, le paquet normatif négocié par les autorités françaises à Bruxelles.

Cette pratique n'est ni légale , puisqu'aucun texte communautaire ou national ne donne cette faculté de négociation au Gouvernement une fois la directive votée, ni légitime , car elle aboutit à bafouer les prérogatives politiques du Parlement.

Votre commission a déjà eu l'occasion d'affirmer son opposition résolue à cette méthode 8 ( * ) et souhaite y mettre un terme en exerçant, de manière encore plus vigilante, son pouvoir de contrôle.

Elle espère donc vivement que, d'ici à la discussion de la présente proposition de loi en séance publique, le Gouvernement, respectueux du pouvoir législatif, lui transmette la liste des régimes d'autorisation présentée à la Commission.

* 4 Selon certains, vingt-cinq pays sur vingt-sept se seraient engagés dans cette voie. La direction générale de l'action sociale (DGAS) a cependant indiqué à votre rapporteur que cette affirmation était inexacte, estimant que seul un nombre limité d'Etats membres a adopté une loi-cadre. La liste de ces pays n'a toutefois pas été communiquée à votre rapporteur. En raison des délais impartis, votre commission n'a pu analyser la législation de l'ensemble des Etats membres pour connaître avec précision le nombre des pays concernés par une loi-cadre.

* 5 Tel est le cas, par exemple, du Royaume-Uni (Statutory instruments, 2009 n° 2999, provision of services, the provision of services regulations 2009) et de l'Espagne (Ley 17/2009, de 23 de noviembre, sobre el libre acceso a las actividades de servicios y su ejercicio).

* 6 Ayant reçu les fiches concernant les régimes d'autorisation et le rapport de synthèse quelques semaines seulement avant d'être auditionnés par votre rapporteur, ils ne disposaient pas encore du recul nécessaire pour se prononcer définitivement.

* 7 Le député rapporteur de la proposition de loi identique à celle-ci, déposée à l'Assemblée nationale par le groupe socialiste, Jean-Patrick Gille, s'est vu opposer une fin de non-recevoir de la part des fonctionnaires du SGAE. La commission des affaires sociales du Sénat n'a pas eu plus de succès. A l'inverse, la DGAS a, pour ce qui relève de son domaine de compétences, communiqué à votre commission les modifications législatives et réglementaires rendues nécessaires par la transposition de la directive.

* 8 Voir notamment le rapport Sénat n° 253 (2007-2008) de Muguette Dini, au nom de la commission des affaires sociales, relatif au projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, ainsi que le compte rendu des débats de la séance du 28 avril 2009 consacrée au contrôle du suivi par le Gouvernement des résolutions européennes du Sénat.

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