C. LA CRÉATION D'UN RÉGIME SUI GENERIS POUR LA RÉTENTION À BORD DES PERSONNES APPRÉHENDÉES DANS LE CADRE DES ACTIONS DE L'ETAT EN MER

Enfin, le projet de loi vise à mettre en place un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre des actions de l'Etat en mer , pendant le temps nécessaire pour que ces personnes soient remises à l'autorité compétente.

Il s'agit ainsi de répondre aux griefs formulés à l'encontre de la France par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt dit Medvedyev du 10 juillet 2008, qui ont été confirmés par la Cour de Strasbourg, réunie en grande chambre, le 29 mars 2010.

Le projet de loi prévoit que le commandant du navire ou le commandant de l'aéronef peut prendre des mesures de coercition « nécessaires et adaptées » à l'encontre des personnes à bord « en vue d'assurer leur maintien à disposition, la préservation du navire et de sa cargaison ainsi que la sécurité des personnes ».

? La procédure envisagée par le projet de loi serait la suivante :

- dès que le commandant du navire met en oeuvre des mesures de restriction ou de privation de liberté à l'égard de personnes impliquées dans une activité illicite et menaçant la sécurité ou la sûreté du navire ou de son équipage et de ses passagers, le préfet maritime (ou le délégué du gouvernement outre-mer) doit en informer sans délai le procureur de la République ;

- le procureur de la République doit, dans les quarante-huit heures qui suivent la mise en oeuvre des mesures de restriction ou de privation de liberté, saisir le juge des libertés et de la détention , qui est un magistrat du siège ;

- le juge des libertés et de la détention statue sur la poursuite de ces mesures pour une durée maximale de cinq jours ;

- cette décision prise par ordonnance motivée est insusceptible de recours ;

- ces mesures sont renouvelables dans les mêmes conditions de fond et de forme le temps nécessaire pour que les personnes soient remises à l'autorité compétente.

? Pour se prononcer sur la poursuite ou non des mesures de restriction ou de privation de liberté, le juge des libertés et de la détention dispose d'une large source d'information :

- le juge des libertés et de la détention peut solliciter du procureur de la République tous éléments de nature à apprécier la situation matérielle et l'état de santé de la personne concernée ;

- il peut ordonner un nouvel examen de santé ;

- il peut entrer à tout moment en contact avec la personne qui fait l'objet de mesures de restriction ou de privation de liberté , « sauf impossibilité technique ».

? Enfin, la personne faisant l'objet de mesures de restriction ou de privation de liberté bénéficie de certains droits :

- dans un délai de vingt-quatre heures, le commandant doit faire procéder à un examen de santé par une personne qualifiée ;

- dans un délai de dix jours à compter du premier examen de santé, il fait procéder à un examen médical .

La différence entre l'examen de santé et l'examen médical tient au fait que l'examen de santé n'est pas forcément réalisé par un médecin mais peut être effectué par un infirmier par exemple. En effet, sur certains bâtiments de la marine nationale de faible tonnage, il n'y a pas toujours de médecin présent à bord ;

- un compte rendu de ces examens se prononçant notamment sur l'aptitude au maintien de la mesure de restriction ou de privation de liberté est transmis au procureur de la République ;

- enfin, la personne est informée « dans une langue qu'elle comprend » de la décision du juge des libertés et de la détention.

Il convient de souligner que le régime proposé par le projet de loi pour la consignation des personnes retenues à bord sera applicable à la fois aux actes de piraterie, mais aussi aux personnes appréhendées dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants par mer, en matière de lutte contre l'immigration illégale par voie maritime, ou pour toutes les autres actions de l'Etat en mer qui nécessiteraient une telle mesure de privation de liberté.

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