II. UNE PROPOSITION ÉLOIGNÉE DES RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L'ACTION DE GROUPE

A. DES DIVERGENCES MAJEURES AVEC LES RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L'ACTION DE GROUPE

En dehors du principe de l'adhésion volontaire des consommateurs à l'action (système dit de l'« opt in »), les dispositions de la proposition de loi sur le recours collectif ne sont guère compatibles avec les recommandations du groupe de travail sur l'action de groupe, au-delà du choix de la dénomination de l'action, recours collectif ou action de groupe. Les deux schémas figurant en annexe illustrent ces divergences.

1. Le champ de l'action

La proposition de loi se caractérise par une certaine discordance entre son article premier et son article 3 en matière de qualité du demandeur et de nature du litige. L'article premier évoque les personnes ayant subi des préjudices individuels multiples ayant une origine commune, sans distinguer les personnes physiques des personnes morales ni identifier l'auteur commun du dommage, tandis que l'article 3 évoque tout litige entre des personnes physiques et un professionnel, les domaines d'activité concernés devant être définis par voie réglementaire.

Le groupe de travail, quant à lui, vise précisément les préjudices matériels causés à des consommateurs, personnes physiques, par un même professionnel dans le cadre principalement de ses obligations contractuelles, et pour les seules actions relevant de la compétence du juge judiciaire. Il prévoit d'étendre l'action de groupe au droit de la consommation au-delà du seul code de la consommation, au droit de la concurrence et à certaines infractions du droit financier et boursier.

Contrairement à la proposition de loi, le groupe de travail adopte une démarche prudente en conférant un caractère expérimental au champ retenu initialement, une clause de rendez-vous fondée sur une évaluation devant permettre de réévaluer l'étendue des domaines susceptibles de donner lieu à une action de groupe, soit pour les restreindre, par exemple en excluant le droit boursier, soit pour les étendre, par exemple en incluant le droit de l'environnement. Cette démarche expérimentale, à l'instar du système existant en Allemagne dans le domaine de la protection des investisseurs, est justifiée par le caractère innovant de l'action de groupe dans notre système juridique.

2. Le déroulement de la procédure

La proposition de loi confie dans son article premier le monopole de l'introduction de l'action à toutes les associations agréées de consommateurs reconnues représentatives, sans distinguer associations nationales et locales, alors que le groupe de travail propose de ne confier ce rôle qu'aux associations nationales bénéficiant d'un agrément renforcé garantissant leur compétence et leur sérieux. L'hypothèse de plusieurs associations engageant une action à l'encontre d'un même professionnel pour un même préjudice massif n'est pas envisagée par la proposition de loi, laissant possible la pluralité d'actions.

De plus, la proposition de loi retient le principe du mandat, repris de l'actuelle action en représentation conjointe et largement décrié en raison de son coût, des responsabilités qu'il impose au mandataire et de sa lourdeur de gestion pour les associations. Le groupe de travail a expressément écarté tout mandat, les associations justifiant les actions qu'elles engagent en présentant des cas exemplaires soumis au contrôle de droit commun de recevabilité par le juge. Ainsi, elles ne sont pas confrontées à la nécessité de gérer des milliers de dossiers, cette tâche devant revenir aux tribunaux saisis par les personnes souhaitant se joindre à l'action après la reconnaissance de responsabilité du professionnel. A cet égard, pour des raisons pratiques, le groupe de travail propose de confier le contentieux de l'action de groupe à quelques tribunaux de grande instance spécialisés, en vue de ne pas engorger des greffes qui ne seraient pas en mesure d'y faire face.

Par la suite, la proposition de loi ne décrit pas avec suffisamment de précision les phases de la procédure, en particulier le jugement déclaratoire de responsabilité, ainsi que la fixation des critères de rattachement au groupe des victimes puis la vérification de l'appartenance au groupe des personnes qui souhaitent se joindre à l'action. La proposition de loi n'est guère explicite sur la publicité susceptible de permettre la constitution du groupe, alors que le groupe de travail prévoit que les modalités de publicité sont fixées par le juge et mises à la charge du professionnel reconnu responsable. De même, elle ne prévoit pas des voies de recours satisfaisantes, le groupe de travail renvoyant, quant à lui, au droit commun en la matière.

Enfin, la proposition de loi établit un dispositif apparemment peu cohérent en matière d'indemnisation, puisqu'elle prévoit que le juge procède à l'évaluation individuelle du préjudice de chaque victime alors que le groupe n'est pas constitué, l'évaluation individuelle comme la constitution du groupe intervenant simultanément à l'issue du délai de recours. De plus, elle ajoute que le juge fixe le montant des dommages et intérêts attribués à chaque consommateur mais aussi que l'association répartit entre les consommateurs les dommages et intérêts. Le groupe de travail envisage avec précision, quant à lui, plusieurs modalités possibles d'indemnisation une fois le groupe constitué, avec un paiement direct par l'entreprise, le jugement relatif à l'indemnisation devant valoir titre exécutoire. Le groupe de travail suggère également la possibilité d'une réparation en nature.

Par ailleurs, en cas d'action dans le domaine de la concurrence ou du droit boursier, la proposition de loi ne prévoit pas d'articulation avec les autorités de régulation que sont l'Autorité de la concurrence et l'Autorité des marchés financiers, qui disposent d'un pouvoir de contrôle et de sanction à l'encontre des opérateurs mais qui ne sont pas concernées par les questions de réparation des préjudices causés aux consommateurs ou aux investisseurs par ces mêmes opérateurs.

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