B. UNE PRIORITÉ POUR L'ENSEMBLE DES POUVOIRS PUBLICS

La prévention et la répression des violences conjugales nécessitent la mise en place d'une politique interministérielle associant l'ensemble des acteurs concernés. La lutte contre les violences conjugales a ainsi constitué l'un des axes essentiels du plan global de lutte contre les violences faites aux femmes lancé en 2005. Un second plan triennal lui a succédé en 2008. La lutte contre les violences faites aux femmes, qui inclut les violences conjugales, a été déclarée « grande cause nationale » pour l'année 2010.

De fait, un certain nombre de progrès peuvent être relevés, notamment en matière de sensibilisation du public et des professions concernées. Des référents locaux sont progressivement mis en place dans les départements. Par ailleurs, l'accueil dans les commissariats et les locaux de gendarmerie a été progressivement adapté au traitement des violences conjugales (déplacement systématique après un appel d'urgence, incitation à déposer une plainte, mise en place d'un dispositif d'intervenants sociaux dans les services de gendarmerie, etc.).

L'ensemble de ces efforts doivent être poursuivis et complétés, notamment en ce qui concerne l'hébergement des victimes ou l'implication des personnels de santé dans le repérage et la prise en charge des victimes comme des auteurs de violences conjugales 13 ( * ) .

Extraits du rapport, établi conjointement par l'IGA 14 ( * ) , IGPN 15 ( * ) , IGSJ 16 ( * ) et IGAS 17 ( * ) , sur l'évaluation du plan global 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes (juillet 2008)

« [...] Le manque de structures (points de rencontre pour l'exercice du droit de visite, hébergement et accompagnement des auteurs évincés) et de moyens (psychologues, travailleurs sociaux) nuisent à l'application des textes. Si l'harmonisation des politiques pénales et des pratiques des magistrats restent à parfaire, la mission a noté la forte implication des procureurs pour lutter contre ces violences [...]

La prévention s'organise mais son évaluation reste lacunaire. Ainsi l'action des collectivités locales, dont certaines sont très actives, est peu présente dans le plan. A l'école, lieu d'apprentissage du respect de l'autre, les initiatives sont nombreuses mais leur mise en oeuvre relève de l'autonomie des établissements et les outils sont insuffisamment mutualisés. En revanche, l'impact des campagnes d'information, s'il est à ce stade difficile à mesurer, est réel et la mission préconise une nouvelle campagne assortie d'indicateurs de suivi [...]

Une coordination qui s'affirme en matière de prévention de la délinquance, au détriment du traitement social

La rationalisation des instances locales a conduit à la suppression des commissions départementales, créées en 2001, et leur remplacement progressif par les conseils départementaux de prévention de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes. Placer cette politique publique sous l'égide de la prévention de la délinquance permet de mieux articuler l'action du préfet, du procureur et fait le lien avec la politique de la ville mais au détriment parfois du volet social et de l'autonomie des femmes. Afin de pallier cet écueil, les protocoles départementaux, préconisés par le premier plan, peuvent devenir des outils très opérationnels pour organiser l'articulation de l'ensemble des politiques publiques impliquées dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Les violences et l'accueil des victimes sont prises en compte dans les dispositifs de formation initiale ou continue des professionnels (policiers, gendarmes, magistrats, personnel médical, enseignants, ...). Toutefois, en raison du turn over des personnels et de la liberté pédagogique des établissements médicaux et scolaires, l'efficacité des dispositifs repose sur la mise en place de formations proches de l'utilisateur et largement diffusées sur le territoire. Le développement des formations pluridisciplinaires, propices à la mutualisation et aux échanges de bonnes pratiques, est à cet égard prometteur [...]

La prise en charge des femmes victimes de violences, par l'ensemble des services, police, gendarmerie, tribunaux, hôpitaux... s'est incontestablement professionnalisée :

- normalisation des procédures (guides méthodologiques, bonnes pratiques ...) ;

- protocoles portant sur l'organisation (dans les UMJ...) ;

- formation des acteurs ;

- présence accrue des professionnels (psychologues et travailleurs sociaux) et des associations.

Toutefois des lacunes subsistent dans le repérage des femmes victimes de violence, étape pourtant fondamentale dans un contexte de sous-estimation de ces violences. En outre, si la couverture du territoire est difficile à organiser, notamment dans les zones rurales, en urgence des réponses sont apportées. En revanche, l'accompagnement vers l'autonomie, par le logement et le travail restent les parents pauvres du dispositif [...] ».

S'agissant plus particulièrement du traitement judiciaire des violences conjugales, la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice a élaboré en 2004 un guide de l'action publique destiné à partager les initiatives prises par les parquets en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et à harmoniser la politique pénale au plan national. D'après le rapport du Gouvernement au Parlement relatif à la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples, remis le 13 mars 2009, près des trois quarts des parquets mènent désormais une action ciblée sur le traitement judiciaire des violences faites aux femmes.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Michel Desplan, procureur de la République de Versailles, a par exemple indiqué que le caractère prégnant et massif des violences conjugales dans le ressort du TGI de Versailles (qui représentent 20% des procédures de violences volontaires délictuelles) avait conduit le parquet de Versailles à mettre en place une politique pénale spécifique, se traduisant notamment par :

- des directives données aux officiers de police judiciaire quant au traitement et aux suites à apporter aux faits de violences conjugales, en fonction de la gravité des violences, de leur répétition et de la personnalité du mis en cause ;

- un travail étroit avec les associations, se traduisant notamment par une transmission à ces dernières des mains courantes, et, dans certains cas, des plaintes portant sur des faits de violences conjugales 18 ( * ) ;

- la passation d'une convention entre le parquet, le préfet, le centre d'information des droits des femmes et des familles des Yvelines et l'association « Hôtel social Saint-Yves », afin d'organiser l'éloignement et la prise en charge du conjoint violent dans le cadre d'une mesure de contrôle judiciaire (en mettant à disposition de la Justice une dizaine de chambres destinées aux auteurs de violences conjugales évincés) ;

- enfin, dans certains cas, le recours à une expertise psychiatrique de l'auteur des faits.

Les statistiques produites par le ministère de la Justice témoignent de l'effet de ces politiques pénales sur le traitement judiciaire des violences conjugales.

Ainsi, ces violences se caractérisent par une forte augmentation des affaires nouvelles entre 2005 et 2009 (+40 %), avec un taux de réponse pénale (84,5 % en 2009) supérieur à la moyenne toutes affaires (82,2 % en 2008). L'accroissement de la réponse pénale résulte d'une forte augmentation des poursuites (+ 21 % entre 2005 et 2009) ainsi que d'une légère hausse des procédures alternatives (+3 %), alors que les classements sans suite chutent de 34 % sur la même période.

Le nombre des condamnations inscrites au casier judiciaire entre 2004 et 2008 a augmenté de plus de 80 %, avec, dans huit cas sur dix, le prononcé d'un emprisonnement ferme ou avec sursis.

Enfin, le taux d'application des peines planchers (65,9 %) est supérieur à la moyenne des condamnations (49,5 %) et l'application des mesures d'éviction du conjoint violent en constante progression.

Source : ministère de la Justice

Si, comme l'ont confirmé la plupart des personnes entendues par votre rapporteur, des progrès réels ont été réalisés depuis plusieurs années en matière de traitement des affaires de violences conjugales, des efforts importants demeurent à accomplir afin de mieux identifier les victimes et de mieux les protéger.

* 13 Voir notamment la réponse de la secrétaire d'Etat chargée de la solidarité à la question écrite n° 05889 de Mme Christiane Demontès, publiée au JO Sénat du 15 janvier 2009, ainsi que le rapport du Gouvernement au Parlement relatif à la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples précité.

* 14 Inspection générale de l'administration.

* 15 Inspection générale de la police nationale.

* 16 Inspection générale des services judiciaires.

* 17 Inspection générale des affaires sociales.

* 18 Avec l'accord de la personne qui a déposé la main courante ou porté plainte.

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