III. LES OBJECTIFS DE CES PROPOSITIONS DE LOI : MIEUX PROTÉGER, MIEUX PRÉVENIR, MIEUX RÉPRIMER

A. MIEUX PROTÉGER LES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES

La proposition de loi adoptée par les députés propose à l'article premier la création d'un instrument juridique profondément novateur : l'ordonnance de protection . Cette ordonnance, qui se substituerait à l'actuel « référé violence » serait rendue par le juge aux affaires familiales statuant en urgence, saisi soit directement par la personne victime des violences, soit, avec son accord, par le ministère public ou une association habilitée. Pourraient demander à en bénéficier non seulement les conjoints, mais aussi les partenaires de PACS et les concubins, ou toute victime de violences exercées au sein de la famille.

L'ordonnance de protection viserait à stabiliser temporairement, pour une durée de quatre mois au maximum, ou pendant toute la procédure de divorce ou de séparation de corps, la situation juridique et matérielle de la victime en garantissant sa protection et en organisant provisoirement sa séparation avec l'auteur des violences. À cette fin, le juge aux affaires familiales serait compétent pour prendre des mesures de nature pénale interdisant à l'auteur des violences de rencontrer la victime ou de détenir des armes. Il pourrait par ailleurs prononcer des mesures civiles et statuer sur la résidence séparée du couple, l'attribution du logement et l'éviction du domicile de l'auteur des violences, ainsi que sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ou la contribution aux charges du ménage ou du logement. Enfin, il pourrait décider de mesures d'aide ou de protection spécifiques au bénéfice de la victime : autorisation de dissimulation de son domicile, admission provisoire à l'aide juridictionnelle et désignation, avec son accord, d'une association habilitée chargée de l'accompagner pendant toute la durée de l'ordonnance de protection. L'ordonnance pourrait être modifiée à tout moment par le juge.

L'adoption de ce dispositif nouveau permettrait de satisfaire l'article 2 de la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau, qui visait à étendre aux concubins et partenaires liés à la victime par un PACS le dispositif permettant d'évincer le conjoint violent du domicile du couple.

Les personnes majeures menacées de mariage forcé pourraient aussi demander à bénéficier d'une ordonnance de protection, à l'exclusion des mesures civiles qu'elle prévoit. Elles pourraient par ailleurs obtenir du juge qu'il prononce leur interdiction de sortie du territoire, afin de prévenir tout risque d'enlèvement. S'agissant des mineurs menacés de mariage forcé, cette dernière possibilité serait aussi ouverte au juge des enfants chargé d'assurer leur protection (article 1 er ter ).

L'exercice du droit de visite et la remise de l'enfant à l'autre parent pouvant donner lieu à la commission de violences à l'encontre de l'enfant ou de l'autre parent, l'Assemblée nationale a souhaité inciter le juge à privilégier leur organisation dans un espace de rencontre médiatisé, lorsque l'intérêt de l'enfant le commande (article 3). L'intérêt de l'enfant ferait l'objet d'une définition particulière, intégrant l'exigence de sa protection. Enfin, à titre symbolique, nos collègues députés ont souhaité reformuler le principe selon lequel la privation du droit de visite ne peut être prononcée que pour des motifs graves en faisant disparaître la négation.

S'agissant de l'exercice de l'autorité parentale, la nécessité pour le juge aux affaires familiales de prendre en compte, lorsqu'il se détermine sur ses modalités d'exercice, les violences commises contre l'autre parent serait affirmée (article 3 bis ). En outre, le juge pourrait être saisi du refus de l'un des parents de consentir à la prise en charge psychologique de son enfant (article 3 bis A). Par ailleurs, le juge pénal pourrait prononcer le retrait total de l'autorité parentale pour le parent qui se serait rendu coupable d'un crime contre l'autre parent (article 4). Enfin, les conditions de délégation d'exercice de l'autorité parentale seraient assouplies pour les membres de la famille qui n'auraient plus à justifier du recueil préalable de l'enfant dont les parents ne peuvent s'occuper (article 4 bis ).

Les personnes étrangères qui bénéficieraient d'une ordonnance de protection pourraient être admises à l'aide juridictionnelle provisoire, sans condition de séjour régulier (article 7). Cette disposition permettrait de satisfaire partiellement l'article 5 de la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau, qui souhaitait favoriser l'accès à l'aide juridictionnelle, sans conditions de ressources, de toutes les victimes de violences volontaires aggravées.

La violation des obligations imposées au conjoint violent dans le cadre d'une ordonnance de protection serait pénalement sanctionnée (article 2). En outre, le recours au placement sous surveillance électronique mobile de l'auteur des violences, avant sa condamnation (dans le cadre d'une assignation à résidence) et après l'exécution de sa peine (dans le cadre d'une mesure de suivi socio-judiciaire) serait facilité. Des dispositifs de téléprotection complémentaires pourraient être proposés à la victime (article 2 bis ). Enfin, dans le cas où l'auteur des violences violerait l'interdiction qui lui a été signifiée dans le cadre d'un contrôle judiciaire de paraître au domicile du couple, il pourrait être appréhendé et retenu par les forces de police ou de gendarmerie pendant vingt-quatre heures avant d'être présenté à un juge d'instruction (article 2).

Par ailleurs, le champ du délit de dénonciation calomnieuse serait resserré afin de prévenir le risque, pour une victime de violences, de se voir accusée de dénonciation calomnieuse lorsque l'auteur des faits a bénéficié d'un acquittement, d'une relaxe ou d'un non-lieu faute de charges suffisantes (article 8).

Enfin, la situation administrative des personnes de nationalité étrangère victimes de violences conjugales sur le territoire français serait sécurisée (articles 5 et 6), l'application de ces mesures aux ressortissants algériens feraient l'objet d'un rapport au Parlement (article 6 bis ), et des conventions devraient être passées avec les bailleurs de logements et les centres régionaux des oeuvres universitaires afin de réserver un nombre suffisant de logements aux personnes victimes de violences conjugales (articles 10 et 10 bis A).

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