II - MIEUX CERNER LES CONTOURS DE L'EXERCICE AUTOUR DE L'OBJET INITIAL DE LA PROPOSITION DE LOI

Confirmant la position qu'elle a adoptée lors de l'examen des précédents textes, votre commission des lois adhère pleinement à cette volonté d'améliorer la lisibilité de notre droit , objectif, d'ailleurs, qui doit guider quotidiennement le législateur.

C'est pourquoi, comme l'y invitait son rapporteur, elle a voulu conserver à la proposition de loi ses principes de simplification et d'allègement du bloc législatif en s'y cantonnant ; elle a donc supprimé certaines dispositions qui s'en écartaient .

• Resserrer le dispositif de la proposition de loi sur ses objectifs affichés

- Ce faisant, la commission a supprimé de l'article 37 les dispositions qui organisent la procédure de retrait de la protection fonctionnelle des fonctionnaires, militaires et maires. La commission a estimé que ce sujet méritait d'être approfondi et le dispositif proposé affiné.

- Elle a, par ailleurs, maintenu certaines garanties de procédures que les députés avaient écartées, jugeant nécessaire de les conserver. On peut citer, à cet égard, la suppression de l'article 54 bis qui supprimait, en matière de délits de probité, la condition d'autorisation délivrée par le tribunal pour pouvoir exercer l'action appartenant à une collectivité locale qui ne l'a pas elle-même mise en oeuvre : ce filtre lui a paru indispensable pour éviter la multiplication d'actions et, en conséquence, l'augmentation des délais de jugement ainsi que l'instrumentalisation de la justice.

En ce qui concerne la réforme du droit de préemption prévue par les articles 83 A et suivants, votre commission n'a pu que constater qu'elle ne relevait en rien d'une loi de « simplification » , puisqu'elle est porteuse de modifications de fond considérables : elle s'écarte donc de la logique qui doit présider aux lois « de simplification ».

Votre commission a également observé que la proposition de loi était contestée tant par les élus locaux et les acteurs de la préemption que par les juristes : l'intégralité des personnes entendues par le rapporteur s'est en effet déclarée réservée, voire opposée, aux nouvelles modalités de fixation du prix d'acquisition dans le cadre du DPU.

Au vu des caractéristiques de cette réforme, et sans préjuger du fond des dispositions en cause, votre commission a jugé préférable de supprimer les articles relatifs au droit de préemption ( articles 83 A à 84 et 157 ) . Les innovations qu'ils contiennent pourront utilement être reprises, à l'avenir, dans un texte ad hoc : le Parlement disposera alors du temps nécessaire pour débattre d'une réforme d'une telle ampleur et d'une telle importance.

- S'agissant de la matière pénale , si la proposition de loi comporte plusieurs dispositions dont la portée reste pour l'essentiel limitée, tel n'est pas le cas de l'article 107 qui propose de modifier les peines encourues lorsqu'une prise d'otage se solde par la libération rapide de la victime. Si votre commission n'est pas hostile par principe à une redéfinition des peines encourues en cas de prise d'otage, elle estime néanmoins qu'une telle réflexion devrait être envisagée dans un cadre global, l'objectif de cohérence de l'échelle des peines poursuivi par l'auteur de la proposition de loi ne pouvant à ses yeux être atteint qu'en prenant en compte l'ensemble des infractions voisines et en comparant les peines encourues pour chacune d'entre elles. La présente proposition de loi de simplification du droit ne paraît pas constituer un cadre adapté à une telle réflexion. C'est pourquoi, sur proposition de son rapporteur, votre commission a souhaité supprimer l'article 107.

Votre commission a, en revanche, décidé d'adopter les dispositions pénales de la proposition de loi ne relevant pas stricto sensu de la simplification dès lors qu'elles répondaient à un souci de cohérence dans l'échelle des peines et la répression (application à l'escroquerie organisée de l'intégralité des moyens d'investigation prévus pour la criminalité organisée à l'article 116 bis ). Votre commission a également décidé d'approuver les dispositions de l'article 116 tendant à permettre au président de la commission de révision des condamnations pénales de statuer par ordonnance motivée sur les demandes manifestement irrecevables.

Enfin, elle a supprimé les dispositions déjà adoptées par notre assemblée dans le cadre de la proposition de loi « mémoires numériques ». Votre commission a ainsi supprimé les articles 29 à 29 nonies, considérant que ces dispositions - que votre commission approuve largement - ont davantage leur place dans la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique, proposition qui comporte de nombreuses autres modifications de la loi « informatique et libertés ». Or, ce texte, adopté par notre assemblée le 23 mars 2010, est toujours en instance à l'Assemblée nationale.

• La poursuite du « toilettage »

Au-delà de ces modifications de fond, votre commission des lois a procédé à divers ajustements , compléments , clarifications , coordinations qui lui apparaissaient nécessaires.

Elle a étendu la simplification, prévue à l'article 42, de la procédure de nomination dans les commissions municipales aux conseils généraux et régionaux.

Elle a maintenu la condition de respect des obligations du service national pour l'accès à une fonction publique dans la partie actuellement suspendue du code du service national, qui pourrait être réactivée au cas où une menace imposerait l'appel sous les drapeaux pour assurer la défense de la Nation (article 142).

Votre commission a par ailleurs créé une procédure administrative spéciale d'établissements des actes de décès des personnes mortes en déportation, pour remédier au retard pris dans l'apposition de la mention « mort en déportation » sur leur acte de décès (article 28 bis).

Elle a remédié, à l'article 149 ter , à des erreurs de renvoi entre plusieurs articles du code civil, consécutifs à l'adoption de législations récentes et procédé, à l'article 118 à l'abrogation dans ce même code, à la référence, devenue obsolète, à la peine de relégation ou maintien aux colonies. Enfin, elle a apporté plus de sécurité à l'exigence de remise de ses armes par le conjoint violent, au greffe de tribunal, en prévoyant que les services de police ou de gendarmerie en seront les premiers destinataires, afin de procéder à leur neutralisation avant la remise effective au greffe (article 10 ter).

Le même esprit a présidé à l'adoption de l'article 40 bis (nouveau) qui supprime la double consultation du comité des finances locales et de la commission consultative d'évaluation des normes sur les textes réglementaires à caractère financier concernant les collectivités locales, afin d'en alléger la procédure d'examen.

• Le respect de l'exigence de transposition de directives

Votre commission a adopté plusieurs amendements garantissant la transposition , dans les délais requis, de plusieurs directives du Parlement européen et du Conseil. Toutefois, lorsque ces transpositions devaient s'effectuer par la voie d'ordonnance, elle en a strictement limité le champ d'habilitation (article 32 ter , 151 et 155 bis ).

• La correction de modifications opérées par ordonnance

Si le recours aux ordonnances peut s'avérer utile pour procéder aux coordinations parfois très nombreuses entre un nouveau texte et le reste de la législation, c'est à la condition que le périmètre de l'habilitation soit strictement respecté. Votre commission a ainsi corrigé la modification opérée par l'ordonnance n° 2010-177 du 23 février 2010, de coordination avec la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoire, à l'article 910 du code civil, qui n'entrait pas dans le périmètre de l'habilitation octroyée et contrevenait au choix effectué par le Parlement dans la précédente loi de simplification (article 11).

• Poursuivre le mouvement en faveur de l'efficience de l'action publique

- Améliorer le fonctionnement de la justice administrative

Votre commission a adopté plusieurs amendements visant à garantir le bon fonctionnement de la justice administrative :

- elle a supprimé l'article 40, qui donnait à titre expérimental aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel une mission consultative auprès des collectivités territoriales. Votre commission a en effet jugé que l'organisation et les effectifs des juridictions administratives ne permettaient pas l'engagement d'une telle expérimentation sans que soit remis en cause le bon exercice de leur activité juridictionnelle ;

- elle a porté de quatre à cinq ans la durée pour laquelle sont nommés les conseillers d'État en service extraordinaire, afin de permettre à l'assemblée générale et aux sections administratives du Conseil d'État de bénéficier pleinement de leurs compétences. Ce régime est ainsi harmonisé avec celui des conseillers maîtres en service extraordinaire à la Cour des comptes.

- Professionnaliser le recrutement des hauts fonctionnaires

Votre commission a confirmé la suppression du classement de sortie de l'ENA, en renvoyant, pour la nomination des auditeurs au Conseil d'État, à la même procédure de recrutement que pour tous les élèves de cette école, en lieu et place du dispositif spécifique qu'avait adopté l'Assemblée nationale. Cette procédure renforcera la professionnalisation du recrutement des hauts fonctionnaires en permettant aux administrations de vérifier l'adéquation des compétences et des motivations des candidats (article 146 bis ).

- Assouplir le cadre général des groupements d'intérêt public, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales

Votre commission a assoupli le cadre général des groupements d'intérêt public (GIP). Elle a ainsi prévu la possibilité :

- pour les collectivités territoriales et leurs groupements de choisir entre le GIP et les organismes publics de coopération prévus par le code général des collectivités territoriales, tels que les syndicats mixtes (article 58) ;

- de conclure un GIP pour une durée indéterminée (article 59) ;

- pour les personnes publiques en comptabilité privée de choisir, lorsqu'elles constituent un GIP, la comptabilité privée (article 72).

En outre, votre commission a considéré que la souplesse du GIP ne devait pas mettre à mal le principe de libre-administration des collectivités territoriales. En conséquence, elle a cantonné la présence du commissaire du Gouvernement aux seuls cas où l'État est membre du GIP (article 74).

- Maintenir le régime actuel des rapports au Parlement

L'article 34 de la proposition de loi, qui figurait dans le texte initial, prévoit l'abrogation automatique au bout de cinq ans de toute disposition législative prévoyant la remise régulière d'un rapport du Gouvernement au Parlement, sauf mention contraire expresse. Cette disposition générale serait applicable aux rapports existants.

Votre commission partage certes la volonté de modérer le nombre des demandes de rapports au Gouvernement dans les lois. Pour autant, elle a considéré qu'une telle règle affecterait gravement la mission de contrôle de l'action de l'exécutif et d'évaluation des politiques publiques, pleinement affirmée dans la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Les rapports que le législateur demande au Gouvernement contribuent à cette mission de contrôle, par l'information qu'ils lui apportent sur les sujets qu'il estime prioritaires.

Outre de nombreuses difficultés techniques et juridiques, notamment la nécessité de prévoir pour les rapports existants la dérogation à l'abrogation automatique, l'article 34 pourrait constituer une incitation à ne pas déposer les rapports que le Gouvernement tarde délibérément à établir ou omet de déposer régulièrement, ignorant ainsi l'obligation légale qui est la sienne et la volonté du législateur, comptant sur l'abrogation automatique après cinq ans.

A cet égard, il convient de citer le « rapport faisant état de l'évolution de la situation démographique, sanitaire et sociale des personnes prostituées ainsi que des moyens dont disposent les associations et les organismes qui leur viennent en aide », créé par l'article 52 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Ce rapport a été officiellement déposé pour la dernière fois en 2006. Il est pourtant très attendu par les assemblées : son absence a été soulignée à plusieurs reprises au cours des débats récents du Sénat. Ainsi, lors de la séance du 11 mai 2010, la question orale avec débat sur la situation des personnes prostituées fut l'occasion de demander expressément le dépôt rapide de ce rapport.

Votre commission estime ainsi qu'il convient de distinguer, parmi les rapports au Parlement, ceux qui ne sont pas déposés alors qu'ils sont attendus, qui n'ont pas à être supprimés, de ceux qui ne sont pas déposés et qui sont devenus obsolètes. A cet égard, elle ne peut que suggérer une bonne pratique consistant, ponctuellement, lors de la création d'un nouveau rapport, et à la condition que son objet s'y prête, une « date de péremption », c'est-à-dire une date au-delà de laquelle ce rapport n'aura plus à être déposé.

Pour ces motifs, votre commission a écarté la rédaction de l'article 34 telle que l'a adoptée l'Assemblée nationale pour lui substituer la suppression d'une série de rapports au Parlement objectivement obsolètes.

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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu'elle a établi.

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