Article 5 bis (art. 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) - Dispense de justification des ressources pour l'accès à l'aide juridictionnelle de certains bénéficiaires du revenu de solidarité active

Cet article est issu d'un amendement du Gouvernement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Aux termes de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les demandeurs de l'aide juridictionnelle doivent justifier de ressources mensuelles inférieures à des plafonds, distincts pour l'aide juridictionnelle totale et pour l'aide partielle. Le quatrième alinéa de cet article précise cependant que les personnes bénéficiaires de l'allocation du fonds national de solidarité ou du revenu minimum d'insertion sont dispensées de justifier de l'insuffisance de leurs ressources.

L'article 5 bis de la proposition de loi complète cet alinéa afin de dispenser également de cette justification les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) dont les ressources n'excèdent pas le montant forfaitaire de ce revenu, défini à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles.

Cette disposition permet ainsi de prendre en compte la situation des bénéficiaires du RSA au même titre que les allocataires du RMI.

Votre commission a adopté l'article 5 bis sans modification .

Article 6 (art. premier de la loi de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; art 19-2 et 20-1 [nouveaux] de la loi n° 2000-321 précitée ; art. 23 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives) - Recours administratif préalable obligatoire

I/ Le texte de la proposition de loi initiale

Le présent article a pour objet d'harmoniser les règles de la procédure du recours administratif préalable obligatoire (« RAPO ») et d'étendre cette procédure au domaine de la fonction publique.

Il s'inspire très directement d'une étude du Conseil d'Etat demandée par le Premier ministre et rendue publique le 29 mai 2008, qui a souligné l'efficacité de cette procédure en termes de règlement des différends opposant un citoyen à une autorité administrative 11 ( * ) .

Le recours administratif préalable obligatoire est une procédure par laquelle une personne, souhaitant contester une décision administrative qui lui est défavorable, est tenue de former un recours devant l'autorité administrative préalablement à toute saisine du juge , généralement administratif.

Plusieurs éléments distinguent le RAPO du recours administratif de droit commun, comme l'indique l'étude précitée du Conseil d'Etat :

- son caractère obligatoire ;

- la nature de l'autorité auprès duquel il doit être exercé, qui diffère parfois de celle devant laquelle s'exerce le recours de droit commun ;

- la prise en compte, en principe, de la situation de fait ou de droit existant à la date de la décision finale (prise à la suite du RAPO), et non à celle de la décision initiale ;

- la substitution de la décision finale à la décision initiale. Le requérant ne peut donc contester devant le juge que la seule décision rendue sur son recours administratif , et non la décision initiale.

Le Conseil d'Etat fait valoir dans son étude que ces recours présentent plusieurs avantages .

Pour le citoyen , ils constituent un moyen simple, peu coûteux et rapide d'obtenir la réformation d'une décision, avec des chances raisonnables de succès ou, à tout le moins, une meilleure explication de cette décision, tout en préservant le droit au recours puisque cette procédure proroge les délais de saisine du juge.

Pour l'administration , la procédure permet le réexamen effectif de ses décisions, la correction des éventuelles erreurs et l'harmonisation des pratiques par une meilleure connaissance des réactions des administrés.

Enfin, ces recours favorisent la prévention et la diminution du contentieux, comme l'ont souligné, lors de leur audition, les représentants de l'Union syndicale de la magistrature administrative et du Syndicat de la justice administrative.

Le présent article a deux objets.

En premier lieu, il harmonise les règles de la procédure du RAPO : en effet, l'étude précitée du Conseil d'Etat recense près de 140 procédures de RAPO avec un vaste champ d'application (impôts et créances publiques, élections administratives, élections ordinales, enseignement, décisions des fédérations sportives, refus de visa d'entrée en France...) et une grande diversité des règles procédurales applicables (délais de saisine et d'instruction, place accordée aux tiers) et des autorités compétentes pour statuer (même autorité que celle ayant pris la décision initiale, autorité hiérarchique, organisme collégial spécifique). Le dispositif proposé par cet article harmonise les pratiques autour de principes généraux :

* le I du présent article modifie l'article 1 er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, qui prévoit que les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables ou dérogatoires qui les concernent . Le présent article inclut dans cette liste de décisions à motiver les décisions qui rejettent un recours administratif préalable obligatoire.

* Le II du présent article modifie la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations pour mieux encadrer les voies et délais de recours.

Le 1° du II crée un article 19-2 dans la loi du 12 avril 2000 précitée pour préciser que lorsque le recours contentieux à l'encontre d'une décision administrative est subordonné à l'exercice préalable d'un recours administratif, cette décision est notifiée avec l'indication de cette obligation ainsi que des voies et délais selon lesquels ce recours peut être exercé. La notification doit également préciser que l'autorité administrative statuera sur le fondement de la situation de fait et de droit à la date de sa décision.

Le 2° du II prévoit de créer un article 20-1 dans la loi du 12 avril 2000 précitée pour préciser que lorsque le recours contentieux à l'encontre d'une décision administrative est subordonné à l'exercice préalable d'un recours administratif, la présentation d'un autre recours gracieux ou hiérarchique ne conserve pas le délai imparti pour exercer le recours administratif préalable obligatoire non plus que le délai de recours contentieux . En fait, cette règle ne s'appliquera qu'à un nombre très limité de cas ; en effet, si le requérant exerce un recours administratif de droit commun en lieu et place d'un RAPO, trois hypothèses doivent être distinguées :

- lorsque l'autorité compétente pour le RAPO est la même que pour le recours gracieux ou le recours hiérarchique, son recours sera traité comme un RAPO ;

- lorsque l'autorité est différente, deux cas de figure peuvent se présenter. Soit l'exercice du RAPO est exclusif de tout autre recours, ce qui est généralement le cas, auquel cas l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 s'applique, c'est-à-dire que le recours administratif est adressé à l'autorité compétente chargée de se prononcer sur le RAPO. Soit l'exercice du RAPO n'est pas exclusif de l'exercice d'un autre recours, auquel cas il appartient au requérant d'exercer parallèlement un RAPO. Dans ce cas de figure, la présentation du recours administratif ne suspendra pas le délai imparti pour exercer le RAPO ni, a fortiori , celui pour former un recours contentieux sur la décision prise par l'administration sur ce recours. Toutefois, comme indiqué précédemment, la décision administrative devra être notifiée avec l'indication du caractère obligatoire du RAPO . Si, en dépit de cette information, le requérant exerce un recours de droit commun, ce dernier ne conservera pas le délai pour former le RAPO.

En outre, le dispositif précise que l'autorité administrative qui a pris la décision initiale peut la retirer d'office si elle est illégale tant que l'autorité chargée de statuer sur le recours administratif préalable obligatoire ne s'est pas prononcée.

Certes, l'exercice d'un RAPO, qui donnera lieu, on l'a dit, à une décision se substituant à la décision administrative initiale, a pour effet de dessaisir l'autorité administrative auteur de cette décision initiale. Toutefois, le texte laisse à l'autorité initiale la possibilité de procéder d'elle-même au retrait de la décision, si elle est illégale , plutôt que d'attendre la décision de l'autorité chargée de statuer sur le RAPO. Il s'agit de neutraliser la jurisprudence administrative en matière de dessaisissement qui a pour effet de priver l'autorité initiale de tout pouvoir de retrait ou d'abrogation à compter de la saisine de l'autorité statuant sur le recours. Une telle solution jurisprudentielle n'apparaît en effet pas pertinente au regard de l'objectif de simplification et d'efficacité pour l'usager comme pour l'administration, en particulier lorsque la décision initiale est entachée d'un vice.

En second lieu - et c'est le second objet du présent article -, ce dernier complète, en son III , l'article 23 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives afin de modifier le dispositif de RAPO en matière de fonction publique qui n'a jamais été appliqué.

En effet, cet article 23, issu d'un amendement parlementaire, prévoit que les recours contentieux formés par les agents de l'État et des collectivités territoriales et les militaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle sont, à l'exception de ceux concernant leur recrutement ou l'exercice du pouvoir disciplinaire, précédés d'un recours administratif préalable exercé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Or, cette procédure est restée lettre morte pour la fonction publique civile . En dépit de nombreux projets de décret, depuis dix ans, toutes les tentatives pour mettre en oeuvre par voie réglementaire l'article 23 précité pour la fonction publique civile se sont soldées par un échec compte tenu de la résistance de nombreuses administrations.

La procédure a toutefois été mise en oeuvre dans la fonction publique militaire avec la création en 2001 d'une commission des recours formés à l'encontre d'actes relatifs à la situation personnelle des seuls militaires. L'étude précitée du Conseil d'Etat souligne que cette procédure est d'ailleurs un succès.

C'est pourquoi le présent article propose de compléter l'article 23 précité pour rendre le RAPO effectivement applicable à la fonction publique civile .

Il précise que :

- les modalités du RAPO peuvent être différentes selon les dispositions statutaires applicables aux agents et selon les catégories de décisions auxquelles elles s'appliquent ;

- s'il n'est pas prévu que son recours préalable est directement exercé auprès d'une commission administrative chargée d'éclairer l'autorité compétente, l'agent qui présente un tel recours à cette autorité doit avoir la possibilité de solliciter l'avis d'une tierce personne désignée à cet effet ou d'une instance collégiale dont l'organisation et le fonctionnement comportent des garanties particulières fixées par voie réglementaire.

La proposition de loi vise donc à assouplir le dispositif voté en 2000.

II/ Les apports de l'Assemblée nationale

Cet article a été modifié uniquement par la commission des lois, aucun amendement n'ayant été adopté en séance.

Les modifications ont porté sur deux points.

En premier lieu, à l'initiative du rapporteur, la commission a prévu la possibilité de déroger à la règle selon laquelle « l'autorité administrative statuera sur le fondement de la situation de fait et de droit à la date de sa décision ». En effet, l'étude du Conseil d'État préconise de considérer cette règle comme un principe appelant certaines exceptions. Selon le Conseil, elle ne devrait pas s'appliquer dans quelques rares hypothèses où la remise en cause de la situation initiale est facteur de déséquilibres excessifs. Se pose ainsi la question de savoir ce qui devrait être retenu dans les cas où une décision est de nature à porter une restriction légale à un droit fondamental, ou lorsque le changement de situation de fait ou de droit serait de nature à priver le demandeur d'un avantage auquel il pouvait prétendre au stade de la décision initiale et qui lui a été refusé.

En second lieu, le Gouvernement a présenté un amendement en commission afin de réécrire totalement l'article 23 de la loi de 2000 précitée. Seraient distinguées les fonctions publiques militaires et civiles . Le principe, inscrit en 2000, de RAPO pour les militaires, serait confirmé tandis que celui pour les fonctionnaires civils serait, lui, assoupli puisque ne seraient concernés que « certains agents » (définis par un décret en Conseil d'État à intervenir) pendant une période expérimentale de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi.

La commission des lois a complété cet amendement par un sous-amendement du rapporteur précisant que cette expérimentation ferait « l'objet d'un rapport remis chaque année au Parlement, jusqu'au terme de celle-ci. »

III) La position de votre commission

Votre commission présente trois observations .

En premier lieu, elle est convaincue de l'intérêt de développer le recours administratif préalable obligatoire, à condition, naturellement, qu'il soit examiné avec toute l'attention et le sérieux nécessaires. Dans le cas contraire, cette nouvelle procédure pourrait avoir pour double conséquence d'engorger les administrations et d'allonger les délais de procédure pour les requérants, le contentieux devant les juridictions administratives n'étant pas évité.

En second lieu, votre commission insiste sur le fait que la rédaction proposée n'indique pas les conséquences qui s'attachent au défaut d'information de la personne lors de la notification de la décision puisque ces conséquences seront fixées par décret en Conseil d'Etat. Ce dernier devrait consacrer la jurisprudence administrative qui a réglé la question dans un sens favorable aux droits des requérants puisqu'elle indique que la notification de la décision dont la contestation est soumise à recours préalable doit comporter la mention de l'existence et du caractère obligatoire de ce recours, l'autorité qui doit en être saisie, et le délai imparti pour l'exercice du recours (CE, 15 novembre 2006, Toquet n° 264636). Si ces exigences ne sont pas satisfaites, le délai institué pour l'exercice du recours juridictionnel ne sera pas opposable à l'intéressé. Autrement dit, en cas de défaut d'information, la décision administrative litigieuse sera attaquable à tout moment 12 ( * ) . En revanche, le décret devrait également consacrer la jurisprudence administrative qui considère que le recours contentieux direct demeurera irrecevable (CE, 1 er avril 1992, Abit n° 88068). Certes, il peut sembler choquant d'opposer une irrecevabilité tirée du défaut d'exercice d'un RAPO alors que le requérant n'a pas été avisé de cette obligation par la notification de la décision litigieuse. Toutefois, le dialogue institué avec l'administration est important dans le cadre du RAPO et il est nécessaire de le préserver , même dans ce cas de figure. A titre d'exemple, si un militaire conteste une décision d'avancement directement devant la justice administrative, alors qu'un RAPO doit préalablement être exercé devant la commission de recours des militaires, la juridiction jugera irrecevable sa requête même s'il n'a pas été avisé de l'obligation de saisir cette commission. Il devra alors former un recours devant cette dernière et c'est la décision prise par cette commission qui pourra ensuite, le cas échéant, être contestée devant la justice.

Enfin, votre commission approuve l'extension du RAPO proposée par cet article mais regrette son manque d'ambition .

L'étude du Conseil d'Etat avait mis en avant la nécessité d'étendre les RAPO à quatre grands domaines qui représentent près du tiers des contentieux en premier ressort devant les tribunaux administratifs : la fonction publique, le domaine des invalidations de permis de conduire, celui du droit des étrangers et en matière pénitentiaire.

S'agissant de la fonction publique, on peut certes se réjouir qu'une solution pragmatique soit proposée par cet article mais il faut noter que, tel qu'il se présente, le dispositif est relativement modeste. Il est limité dans le temps (« trois ans ») et dans son objet (« certains agents »), en sorte que le décret pourra très fortement limiter l'impact de la réforme. D'après les informations obtenues par votre rapporteur, les ministères pilotes pourraient être ceux de l'Education nationale et de la Justice. Cette situation tient au fait que la volonté du législateur exprimée en 2000 a été mise en échec par l'opposition d'une partie de l'administration. On notera qu'il est tout de même choquant du point de vue de la hiérarchie des normes que cette résistance ait conduit à neutraliser la loi et qu'il faille à nouveau légiférer pour contourner ces refus et espérer progresser à nouveau.

S'agissant des trois autres domaines cités par le Conseil d'Etat, ils ne sont pas visés par le dispositif de la proposition de loi, le Gouvernement ayant indiqué que les propositions du Conseil d'Etat « font actuellement l'objet de discussions interministérielles. »

Or, il s'agit, selon le Conseil, de domaines où le RAPO pourrait s'avérer très utile .

En premier lieu, le contentieux des invalidations de permis de conduire après la perte de tous leurs points par les conducteurs est un contentieux de simple constatation, dans lequel le juge doit simplement confirmer ou infirmer le calcul établi par l'administration et vérifier l'existence des procès-verbaux. Il serait donc plus efficace et rapide d'introduire un dispositif de recours administratif préalable obligatoire, l'appréciation juridique propre à la fonction du juge n'ayant pas sa place.

En second lieu, dans le domaine du droit des étrangers, certaines situations pourraient également justifier l'introduction d'une telle procédure. Tel est notamment le cas des refus de titre de séjour aux conjoints de Français et aux parents d'enfants mineurs français. Ces deux cas de figure se caractérisent en effet par des critères précis et objectifs.

Enfin, en matière pénitentiaire, l'ouverture du prétoire issue des arrêts d'Assemblée Boussouar et autres du 14 décembre 2007, qui renforcent les garanties des droits des personnes incarcérées, est susceptible de générer un flux de recours contentieux. Or, il est difficile pour le juge d'apprécier les situations concrètes et, en même temps, il apparaît indispensable d'assurer l'harmonisation des pratiques de l'administration pénitentiaire entre les différents établissements. Dans ce double contexte, la mise en place d'un recours administratif préalable obligatoire pourrait, sous certaines conditions, permettre aux détenus de faire valoir leurs droits dans des conditions d'efficacité et d'égalité de traitement, sans les priver d'un recours ultime au juge.

Outre la présentation de ces trois observations générales, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant, en particulier, à rendre obligatoire, et non optionnel, l'expérimentation en matière de recours administratif préalable obligatoire dans le domaine de la fonction publique civile.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .


* 11 Conseil d'État, Les recours administratifs préalables obligatoires, étude adoptée par l'Assemblée générale du conseil d'État le 29 mai 2008, La documentation française .

* 12 De la même façon que l'article R. 421-5 du code de justice administrative précise que les délais de recours ne sont pas opposables s'ils n'ont pas été mentionnés dans la notification de la décision.

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