III. UNE EFFICACITÉ À RENFORCER AU TRAVERS D'UNE COOPÉRATION EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE ACCENTUÉE

Au-delà des structures performantes dont la France a su se doter, votre rapporteur spécial a acquis la conviction que nos efforts seraient vains ou, pour le moins voués à une efficacité compromise, dès lors qu'il ne serait pas tenu compte de la dimension internationale des solutions . Les réseaux, dans la définition empirique que le présent rapport en a donnée, ont une dimension transnationale. Il est donc nécessaire d'agir en bonne coopération avec les États mais aussi avec des agences qui intègrent cette dimension.

Lors de son déplacement au siège d'Interpol, votre rapporteur spécial a pu collecter un certain nombre de données qui tendent à mettre en lumière l'ampleur grandissante du phénomène du trafic des êtres humains , qui lui même doit être relié à la montée en puissance d'une « réserve » de candidats à l'immigration, certes parfois choisie, mais dans la plupart des cas forcée.

Ainsi, une étroite corrélation peut être observée entre l'immigration clandestine et l'exploitation criminelle qui peut en être faite au travers du trafic des êtres humains. C'est d'ailleurs cette logique qui prévaut dans la constitution de l'équipe de trois personnes qui, à Interpol suivent les questions liées à l'exploitation des êtres humains au sens large. En effet, la sous-direction qui suit ces questions comporte trois secteurs : l'immigration illégale, le trafic des êtres humains, les réseaux pédopornographiques. La distinction principale qui se fait entre les deux premières composantes repose sur la transformation d'un même immigrant en victime d'un système .

Certes, les 200 millions d'individus victimes des effets des changements climatiques à travers le monde n'ont pas de lien direct avec la lutte contre les réseaux de passeurs de clandestins. Cependant, ne pas prendre en compte ces nouvelles réalités, comme les équilibres démographiques régionaux nouveaux ou le rétrécissement de l'espace monde grâce aux outils de communication, empêche toute réflexion globale rendant opérante une politique de lutte contre les réseaux de passeurs de clandestins .

A. DES STRUCTURES INTERNATIONALES IMPLIQUÉES, QUE LA FRANCE APPUIE

Là où Europol réussit à développer un cadre complet et efficace en matière de lutte contre l'immigration clandestine et les réseaux de passeurs , d'autres organismes et agences intègrent dans leur fonctionnement et leur organigramme l'aspect « trafic des êtres humains » qui, comme on l'a déjà constaté, est la troisième source de revenus illégaux au monde après le trafic d'armes et le trafic de drogue. Lors de son déplacement à Interpol, votre rapporteur spécial s'est vu confirmé ces chiffres.

Selon les données fournies, le trafic des êtres humains génèrerait un « chiffre d'affaire » annuel de 32 milliards d'euros . On constaterait même de plus en plus la reconstitution de réseaux criminels qui, telle une entreprise s'adaptant à son marché, délaissent la drogue pour s'orienter vers le trafic d'être humains. Les raisons à ce phénomène sont doubles :

- les marges financières réalisées dans ce type de trafic deviennent plus importantes ;

- les cadres légaux varient beaucoup plus dans ce domaine d'un pays à l'autre que dans celui des drogues ou des armes, ce qui favorise la prolifération de ces filières. Il faut rappeler que, en matière d'immigration irrégulière, la force des réseaux repose sur leur capacité à s'appuyer sur les dispositifs techniques et législatifs existants et à les détourner à leur profit.

1. Les structures internationales ont aujourd'hui intégré le phénomène de l'immigration illégale dans leur fonctionnement

Parmi les organismes qui participent à la lutte contre le crime organisé, beaucoup ont donc intégré la place grandissante de la lutte contre les réseaux de passeurs de clandestins. C'est ainsi le cas de l'agence européenne Frontex qui veille à améliorer la gestion des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne , ou encore de l'agence internationale de référence en matière de lutte contre la criminalité : Interpol. Votre rapporteur spécial a tenté de mieux appréhender la dimension « lutte contre les réseaux de passeurs » dans ces deux organismes.

Il ressort de ses observations que cette dimension est indéniablement grandissante dans la hiérarchie des préoccupations des deux agences.

a) Une préoccupation intégrée par Interpol

Les changements radicaux intervenus dans le domaine de l'immigration illégale, en particulier dans les vingt dernières années, ont conduit l'organisation internationale Interpol, créée en 1923, à apporter une attention toute particulière à la lutte contre le trafic d'êtres humains. Ainsi cette lutte est l'un des six domaines de criminalité prioritaires définis par l'organisation.

Interpol est dotée, outre de son siège lyonnais, de sept bureaux régionaux à travers le monde et représente au total environ six cents personnes. Elle fonctionne selon un principe général : fournir aux Etats des outils et mettre à leur disposition la bonne information au bon moment. Chaque pays membre d'Interpol possède un bureau central national (BCN) - en France le bureau central national est situé à Nanterre - qui, selon la législation nationale, peut ou non être opérationnel. Un pays comme l'Argentine permet ainsi au personnel d'Interpol d'intervenir directement sur son sol.

Le Secrétariat général d'Interpol fournit des informations aux BCN qui ont seuls la latitude pour décider du partage de l'information. Dans le cas de la France, la politique du BCN est celle de la diffusion la plus large possible. Les BCN ont une obligation de partager l'information avec Interpol, selon le principe de réciprocité. Le fonctionnement global est satisfaisant et repose sur l'intérêt qui n'est plus à démontrer de la mutualisation de l'information. Il ne sert à rien d'être membre si on n'obtient pas d'information. Or, pour en obtenir, il faut avant tout en fournir.

Interpol apporte un appui opérationnel aux polices qui le lui demandent. Toutefois, la base du travail d'Interpol repose essentiellement sur l'utilisation et la publication de notices. Ces notices sont classées par des codes couleur selon les catégories auxquelles elles se rattachent (personnes recherchées, personnes disparues, véhicules volés, faux documents, etc.)

Pour l'essentiel, l'action d'Interpol porte sur la publication des notices sur la base de données des documents de voyages perdus et volés. Un renfort réel est apporté en matière de gestion et de protection des frontières dès lors que les différents services de police des pays membres ont accès aux données d'Interpol. Votre rapporteur spécial tient à signaler que, lors de ses entretiens auprès de cette structure, la qualité de la collaboration des polices françaises a été soulignée. La France est, à ce titre, considérée par Interpol comme un exemple à suivre pour avoir permis de rendre accessible à ses différents services de police les notices publiées directement par Interpol.

Différents systèmes permettent de signaler les affaires de trafic entre les pays membres et d'apporter des réponses rapides aux requêtes sur des documents volés ou supposés tels.

Lors de son déplacement à Lyon, votre rapporteur spécial a pu visiter la salle de veille où sont traitées toutes les demandes. Il a pu ainsi se faire présenter le déroulé d'une signalisation type.

Les aéroports français étant reliés à la base de données d'Interpol, il suffit de huit millisecondes pour que la lecture optique du passeport interroge la base de données centrale et transmette une réponse. Dès lors, en cas de signalement positif, une alarme se déclenche dans le pays où la personne se présente (pays A), où le document est déclaré volé (pays B) ainsi qu'au siège d'Interpol, au centre de contrôle. C'est dans cette phase qu'Interpol intervient pour faciliter la recherche d'informations.

En effet, bien souvent, le temps d'interpellation est limité. Dans le cas présenté à votre rapporteur spécial, le centre de contrôle à demandé au pays A de procéder à un relevé d'empreintes. Celui-ci peut révéler que l'individu était recherché dans un pays tiers C, pour un crime particulièrement grave.

Cette démonstration prouve l'efficacité du système pour ce qui est du contrôle. Cependant la dimension couvrant le montage d'opérations de démantèlement de réseaux est ici absent.

Au delà de ces bases de données constituées par les notices et de l'action opérationnelle que l'on vient de décrire, Interpol intervient également au travers de la formation et par la création d'un annuaire international spécialisé qui fournit, pour chaque pays, les coordonnées des personnes qui, dans les bureaux centraux nationaux d'Interpol, sont chargés des questions liées au trafic des migrants et aux migrations illégales.

Interpol joue donc un rôle essentiel en matière de renseignement mais la dimension de l'exploitation de ces données reste du domaine des unités et offices nationaux.

b) Frontex, une agence aux potentialités imparfaitement exploitées

L'agence Frontex a été instituée en 2004 31 ( * ) pour améliorer la gestion intégrée des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne. Si l'agence facilite l'application des mesures communautaires existantes et futures relatives à la gestion des frontières, les Etats membres demeurent pour autant responsables du contrôle et de la surveillance de leurs frontières extérieures.

L'agence dispose d'un budget de fonctionnement et d'un budget opérationnel. Elle peut, à ce titre, cofinancer des opérations conjointes et des projets pilotes aux frontières extérieures. Le budget total de l'agence est passé de 6,28 millions d'euros en 2005 à 88,25 millions d'euros pour 2009 et 87,92 millions d'euros pour 2010. Environ 40% de ce budget est dédié exclusivement aux activités de surveillance et d'intervention maritimes.

Parmi ses missions, toutes contribuent à décourager l'immigration illégale et donc le travail des passeurs et des réseaux qui tentent d'exploiter l'immigration irrégulière. Pour autant, on ne peut pas directement considérer que cette agence lutte contre les trafics d'êtres humains. Elle reste exclusivement attachée à sa mission première : renforcer la sécurisation des frontières extérieures. En cela, on peut dire qu'elle répond à une des préoccupations plus haut évoquées qui est d'empêcher avant tout le franchissement de la frontière.

Si la première mission de l'agence est de coordonner la coopération opérationnelle entre les Etats membres dans le domaine de la gestion des frontières extérieures, elle les assiste également dans le domaine de la formation des gardes frontières et prépare des analyses du risque migratoire. Elle assure un suivi de la recherche et des évolutions techniques applicables au contrôle et à la surveillance des frontières extérieures.

En outre, Frontex peut apporter aux Etats membres une assistance technique et opérationnelle aux frontières extérieures et leur fournir le soutien nécessaire pour l'organisation d'opérations de retour conjointes.

Toutes ces missions sont nécessaires et cette nécessité se trouve renforcée dans l'Espace Schengen. Pour autant, votre rapporteur spécial constate que, si cette agence est un outil très intéressant en matière de sécurisation de la frontière, les potentialités qu'elle recèle sont imparfaitement exploitées.

Ainsi, en matière de lutte contre des réseaux de passeurs, on imagine que l'exploitation et l'analyse des données issues des passages non autorisés de la frontière européenne pourraient utilement servir. Cependant, il apparaît que le statut de l'agence ne l'autorise pas à constituer des bases de données opérationnelles. Les données recueillies, par exemple lors d'interpellations, restent la propriété des États membres qui ne transmettront à Frontex que des données quantitatives et non des informations qualitatives.

Il existe aujourd'hui un gain potentiel d'efficacité dans une meilleure coopération entre Frontex et Europol. Actuellement l'accord stratégique entre les deux agences ne permet pas d'échange opérationnel optimal. Il s'agit donc d'une importante restriction.

Votre rapporteur spécial estime qu'il serait nécessaire que la coopération entre agences européennes se renforce. Dans ce cadre, pour reprendre des recommandations faites par les acteurs français rencontrés, « Frontex pourrait contribuer d'une façon significative à la lutte contre les filières d'immigration clandestine relevant du mandat d'Europol, en acquérant la possibilité de transmettre à l'office européen de police criminelle les données nominatives sur les organisateurs de filières recueillies  par les experts participant aux opérations conjointes coordonnées par l'Agence aux frontières extérieures maritimes en particulier. Ces données, précieuses sont en effet collectées lors des auditions d'identification des immigrants irréguliers » 32 ( * ) .

La France suggère d'ailleurs, dans le cadre de la révision en cours du règlement Frontex, d'introduire une disposition permettant le traitement de données personnelles par l'agence, aux fins de transmettre celles-ci à Europol pour exploitation judiciaire. On voit clairement qu'il est possible, à partir d'outils existants, d'améliorer encore un système déjà assez performant.

2. Un acteur essentiel à soutenir : Europol

Votre rapporteur spécial, lors de son déplacement effectué le 23 juin dernier à la Haye, a pu visiter les installations d'Europol, l'agence européenne chargée d'apporter son soutien aux services répressifs des États membres dans leur lutte contre la grande criminalité.

a) Une structure renforcée par sa communautarisation

Europol a pris une dimension nouvelle depuis le 1 er janvier 2010, avec la mise en oeuvre du traité de Lisbonne. Depuis le début de l'année, Europol est ainsi devenue une agence européenne communautarisée. Sa réglementation et son budget - environ 80 millions d'euros en 2010 - sont communautaires.

Europol voit son mandat élargi, au delà du crime organisé, aux crimes transnationaux. La nouvelle dimension d'Europol va d'ailleurs se concrétiser physiquement avec la localisation de l'agence sur un nouvel emplacement moderne, qui restera à la Haye.

Europol compte plus de 600 agents dont environ une centaine d'analystes criminologues, dont le rôle est de faciliter le travail des enquêteurs des États membres. En marge de ces services affectés strictement à Europol, sur les mêmes lieux se trouvent plus de 130 officiers de liaison détachés par les États membres de l'Union européenne et les partenaires tiers participant au travail d'Europol au sein de bureaux de liaison.

b) Une action qui ne se limite pas à la transmission de données

Le fonctionnement de l'analyse criminelle au sein d'Europol se fonde sur l'alimentation et la consultation de divers fichiers thématiques relatifs à certains types ou certaines géographies de criminalité. Les États membres participants à Europol peuvent participer à tout ou partie des 22 fichiers existants. Le seul cas pour lequel existe une obligation d'information d'Europol est, pour l'heure, la contrefaçon de l'euro . En ce qui concerne la France, notre pays a fait le choix d'une coopération totale qui se traduit par sa participation à tous les fichiers .

Ces fichiers, dont le champ est en cours de réforme, sont consultables par l'ensemble des membres qui y participent. Ceux qui n'y participent pas mais qui veulent les consulter peuvent, selon les cas, être autorisés à le faire.

Le fonctionnement d'un fichier repose sur un choix des demandeurs d'information. L'interface d'Europol permet aux différents bureaux de liaison de lancer des recherches, plus ou moins confidentielles, en direction de certains pays ou de demander à ce que certaines données entrées soient signalées. Chaque information entrée est ainsi assortie d'une notice de plus ou moins grande confidentialité.

Ainsi, dans des cas assez sensibles, les États membres peuvent demander uniquement à ce que leur soit signalée par le système Europol toute information concernant un dossier précis, sans que le fournisseur d'information en soit informé. Si les enquêteurs le jugent nécessaire, ils entreront par la suite en contact direct avec le bureau de liaison du pays concerné ou feront appel à l'expertise d'Europol.

Europol apporte une expertise et une analyse qui la différencie d'autres agences. Ainsi, à la différence de ce que peut faire par exemple Interpol, Europol participe activement à l'avancée opérationnelle des dossiers . L'agence, en plus de ses analyses fournies aux acteurs nationaux de répression, peut envoyer ses experts auprès des unités nationales . Europol organise aussi, dans le cas de grande opérations, des réunions opérationnelles et de coordination. Ces réunions sont fréquentes et mettent en relation plusieurs services concernés par un même dossier transnational. Elles sont parfois élargies à Eurojust afin de mieux appréhender les obligations légales de chaque membre .

Au delà de la dimension originelle de la structure Europol, la localisation de l'ensemble des bureaux de liaison dans un même lieu permet aux différents services des États participants de développer des relations informelles et de mieux comprendre les impératifs de chacun. Ainsi, dans chaque pays, les délais d'intervention des forces de police sont encadrés par des législations différentes, d'où peuvent naître certaines incompréhensions. Une coopération efficace et une information réciproque de qualité peut permettre de lever ces incompréhensions et de faciliter la mise en oeuvre d'opérations de police coordonnées.

Les réunions communes réalisées à Europol dans le cadre, par exemple, du démantèlement d'une filière impliquant plusieurs pays permettent, dès l'origine, de réunir les unités de police des différents pays concernés et de connaître précisément le moment où légalement les interpellations devront être effectuées.

c) Une efficacité probante en matière de lutte contre les réseaux de passeurs de clandestins

Europol est une agence dont la structure interne est à géométrie variable ; elle souhaite pouvoir faire évoluer son organisation et mieux répartir ses moyens en fonction des besoins des États membres , les moyens consacrés à la lutte contre les passeurs étant dépendants de l'implication opérationnelle des pays concernés.

En matière de lutte contre le trafic des êtres humains, quatre pays sont plus particulièrement impliqués. Il s'agit de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne et du Royaume-Uni. Europol possède un fichier d'analyse spécifique dénommé « Checkpoint » . En ce qui concerne les moyens humains, le nombre de spécialistes mis à la disposition des États membres est stable depuis cinq ans. Aujourd'hui, l'unité en charge de la lutte contre l'immigration irrégulière organisée autour du projet « Checkpoint » est composée de trois experts et de quatre analystes. Deux d'entre eux ont été mis temporairement à la disposition de cette unité pour répondre à l'augmentation de la charge de travail depuis la fin 2009.

Les acteurs français, en particulier l'Ocriest, participent activement à ce fichier d'analyse. Cette relation débouche sur une coopération efficace qui n'a pu être obtenue que par la confiance qu'a su générer Europol . D'après les représentants de notre bureau de liaison dirigé par le commissaire Martine Bednarczyk, qui se compose de cinq autres unités des différents services répressifs français, Europol est parvenue à faire la démonstration qu'elle était digne de confiance en matière de sécurisation des données fournies , qu'elle apportait une réelle plus-value en termes d'analyse des données et de croisement de celles-ci et que cette plus-value était orientée vers les enquêteurs et leurs besoins et non pour le propre compte d'Europol.

A titre d'exemple de l'efficacité des services d'Europol, votre rapporteur spécial était présent dans les locaux de l'agence le 23 juin dernier, au lendemain d'une série d'interpellations concernant un réseau clandestin d'immigration vietnamienne. Cette opération était gérée par les services britanniques en relation avec les polices allemande, française et hongroise, en étroite coopération avec Europol.

Ce sont ainsi 31 suspects, membres présumés d'un réseau de passeurs, qui ont été arrêtés le 21 juin dernier, ainsi que 66 migrants illégaux venant principalement du Vietnam. Parmi les membres du réseau, 13 ont été interpelés en France.

Cette opération, menée conjointement dans plusieurs pays, et pour laquelle Europol avait déployé à Budapest un centre opérationnel, a été la dernière phase d'un long processus, débuté quatorze mois plus tôt. Dans cette phase amont, la coopération avec Eurojust a également été primordiale .

Le résultat a été le démantèlement d'un réseau qui permettait, pour un coût moyen de 40 000 euros, un « passage garanti », c'est-à-dire avec une assurance donnée par le passeur de recommencer le passage, autant de fois que nécessaire, jusqu'à son plein succès, entre le Vietnam et l'Europe de l'ouest. Les candidats au départ étaient munis de visas valides grâce à la complicité de personnels consulaires. Ils empruntaient ensuite des vols réguliers à destination de l'Autriche, la Hongrie et la République tchèque, pour une première route, ou la Bulgarie et la Roumanie, pour une seconde route. Les clandestins étaient ensuite conduits en Allemagne et en France, cachés dans des camions, avec, pour la plupart, le Royaume-Uni comme destination finale.

Cet exemple illustre parfaitement le rôle de coordination que joue Europol dans des affaires aux ramifications complexes.

Votre rapporteur spécial a cependant noté avec regret que plusieurs pays membres de l'Union européenne ne participaient pas activement au fichier « Checkpoint » et en particulier les deux derniers pays ayant accédé à l'Union européenne, la Bulgarie et la Roumanie.

d) Une coopération privilégiée des services de police français avec Europol

Le bureau de liaison français estime que la participation de nos services aux opérations visant les réseaux d'immigration clandestine est du meilleur niveau. Les services participent activement et, parmi toutes les formes de luttes contre les visées criminelles dans lesquelles notre pays est impliqué, c'est dans la politique de lutte contre l'immigration illégale que notre action est la plus efficace au niveau d'Europol . Il en résulte que le bureau de liaison français montre en exemple cette coopération avec Europol pour tenter de la décliner dans d'autres champs d'intervention.

De l'avis même des différents services interrogés et plus particulièrement de l'Ocriest, il existe de la part de la France un partenariat privilégié avec Europol. La France est, en juin 2010, le premier pays pour les consultations.

Votre rapporteur ne peut qu'encourager le rapprochement plus actif encore des services de police français avec Europol . Ce qui fonctionne très bien au niveau de la lutte contre l'immigration clandestine doit pouvoir se vérifier dans toutes les branches de la lutte contre la grande criminalité.

3. Une réflexion à mener sur nos relations bilatérales

Au delà d'une implication plus ou moins directe au travers d'institutions européennes et internationales, la France entretient des contacts privilégiés et soutenus avec les attachés de sécurité intérieure et les officiers de liaison en poste à l'étranger au travers du réseau SCTIP, déjà évoqué. Des échanges interviennent avec les pays partenaires avec l'objectif d'identifier et de tisser des liens avec des interlocuteurs privilégiés et de les sensibiliser à nos priorités et à nos pratiques. Des membres des différents offices, dans les domaines qui les concernent, sont régulièrement dépêchés à l'étranger afin d'y représenter nos intérêts, tant opérationnels que stratégiques.

Il ne faut pas perdre de vue que la lutte contre les réseaux de passeurs de clandestins ne peut être efficace que si tous les acteurs internationaux concernés décident d'agir avec détermination pour mettre un terme à ces trafics. La lutte contre les filières passe par le développement des actions de formation et les échanges avec les services étrangers concernés afin de les aider à créer une législation adaptée, monter avec eux des opérations conjointes, effectuer des bilans réguliers et organiser des réunions internationales entre pays concernés par une même problématique géographique.

Le sentiment de votre rapporteur spécial, à l'issue des multiples auditions qu'il a pu mener, est que la coopération avec les États sources de l'immigration irrégulière et dans lesquels une partie des réseaux de passeurs de clandestins prospèrent n'est pas optimale . Un certain nombre de pays ne semblent pas vouloir jouer le jeu de la coopération pour des raisons qui peuvent être diverses : absence de volonté politique, absence de prise de conscience des implications économiques et sécuritaires de l'enjeu, inefficience des services devant s'engager pour la résolution de ce problème, etc.

Il n'est pas possible d'en rester à ce constat d'une coopération inefficace avec les pays d'origine. Des marges de progrès doivent pouvoir être exploitées.


* 31 Règlement CE n°2007/2004 du Conseil en date du 26 octobre 2004.

* 32 Réponse au questionnaire transmis par votre rapporteur spécial.

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