D. LES PROGRÈS ET LES PRIORITÉS DE LA MISSION « JUSTICE »

1. Des avancées notables

Au sein de la mission « Justice », de nombreux progrès ont été enregistrés au cours des dernières années.

Tout d'abord, comme l'a souligné votre rapporteur spécial dans son rapport d'information sur la formation des magistrats et des greffiers en chef à la gestion 2 ( * ) , il faut saluer le développement d'une culture de gestion conforme à l'esprit de la LOLF au sein de l'institution judiciaire dans son ensemble.

En outre, les efforts de la loi n° 2002-1138 du 29 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) en faveur des effectifs ont tout particulièrement porté leur fruit s'agissant des emplois de magistrat dans le cadre du programme « Justice judiciaire ». Le nombre de magistrats en juridiction répond désormais de façon plutôt satisfaisante aux besoins .

Enfin, la mise en oeuvre de la LOPJ a également permis de dégager des moyens conséquents en faveur de la rénovation et de la construction d'établissements pénitentiaires . Les traductions concrètes de cet effort budgétaire conséquent commencent à se faire sentir au regard des conditions de détention.

2. Des difficultés et des points d'interrogation subsistent

Malgré ces avancées, la mission « Justice » se caractérise aussi par un certain nombre de lacunes et d'interrogations persistantes.

Le principal point « noir » réside dans la vétusté de certains établissements pénitentiaires ainsi que le grave problème de la surpopulation carcérale. Ce constat renvoie à des dizaines d'années d'insuffisance. Mais force est de constater que ces lacunes, trop bien connues et depuis trop longtemps, se conjuguent pour créer une situation tout à la fois attentatoire à la dignité humaine et source de promiscuité , c'est-à-dire facteur de « contagion » de la délinquance , contraire à l'objectif premier de la peine, à savoir l'amendement du condamné.

Il est de l'honneur de la République de poursuivre son effort, notamment budgétaire, en vue de parvenir à surmonter cette terrible impasse .

Par ailleurs, depuis 2009, l'institution judiciaire renoue malheureusement avec la difficulté de maîtriser la dynamique à la hausse des frais de justice . Après avoir connu une progression exponentielle analysée par votre rapporteur spécial dans ses rapports d'information sur « La LOLF dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion » 3 ( * ) et dans celui consécutif à l'enquête demandée à la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF 4 ( * ) , ces frais avaient été contenus, entre 2006 et 2008, sous le double effet bénéfique de mesures volontaristes décidées par la Chancellerie et d'une prise de conscience salutaire de la part des magistrats prescripteurs. Cette maîtrise avait été obtenue sans remise en cause de la liberté de prescription du magistrat.

Cependant, depuis deux ans maintenant, les fins d'exercice budgétaire se caractérisent par des problèmes de paiement dans les juridictions . Ainsi, par exemple, selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, la Cour d'appel d'Angers souffre actuellement d'un retard de paiement s'élevant à 1,5 million d'euros, qu'une récente délégation de crédits supplémentaires à hauteur de 0,7 million d'euros ne pourra que partiellement couvrir. Dans son ressort, le tribunal de grande instance (TGI) du Mans déplore pour sa part un stock de mémoires pour un montant de 0,45 million d'euros non payés avec, qui plus est, deux mois (novembre et décembre) qui ne sont pas, en l'état, couverts.

L'évolution des effectifs en juridiction et, plus particulièrement, le nombre de greffiers représentent également un sujet de préoccupation de votre rapporteur spécial. Si la LOPJ a débouché sur un niveau de créations d'emplois de magistrat satisfaisant, le rythme de sortie et le volume des promotions de l'école nationale des greffes (ENG) ne permet, en revanche, toujours pas de compenser le manque actuel de greffiers au regard du nombre de magistrats. L'allongement de la durée de scolarité à l'ENG (passée de 12 à 18 mois en 2003) ainsi que la pyramide des âges des greffiers (avec de nombreux départs à la retraite dans les années à venir) constituent autant de circonstances aggravantes au regard de ce déséquilibre relatif des effectifs.

Au rang des interrogations majeures, la pérennité du système existant de l'aide juridictionnelle (AJ) demeure sujette à caution. Ainsi que l'a souligné votre rapporteur spécial dans son rapport d'information 5 ( * ) , le dispositif, confronté à un accroissement considérable du nombre des bénéficiaires depuis 1991, court un risque d'asphyxie budgétaire appelant une remise à plat de son mécanisme. Seule une réforme en profondeur pourra permettre de préserver l'esprit même de ce « filet de sécurité » pour les justiciables les plus démunis.

Enfin, les retombées de la réforme en cours de la carte judiciaire demeurent encore incertaines. Si l'ensemble des acteurs de la justice s'accordent aujourd'hui à considérer que cette réforme était nécessaire 6 ( * ) , elle représente, pour l'heure, un coût important pesant sur le budget de l'institution. La rationalisation des moyens de la justice sur l'ensemble du territoire doit toutefois, à terme, se traduire par une efficacité accrue du service public de la justice.


* 2 Sénat, rapport d'information n° 4 (2006-2007) : « La justice, de la gestion au management ? Former les magistrats et les greffiers en chef à la gestion ».

* 3 Sénat, rapport d'information n° 478 (2004-2005).

* 4 Sénat, rapport d'information n° 216 (2005-2006) « Frais de justice : l'impératif d'une meilleure maîtrise ».

* 5 Sénat, rapport d'information n° 23 (2007-2008) : « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle ».

* 6 Aucune réforme de structure n'avait été engagée depuis 1958.

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