N° 236

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi de Mme Françoise FÉRAT et M. Jacques LEGENDRE relative au patrimoine monumental de l' État ,

Par Mme Françoise FÉRAT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Pierre Plancade, Jean-Claude Carle , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Catherine Dumas , secrétaires ; M. Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Pierre Fauchon, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, M. Alain Le Vern, Mme Christiane Longère, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mmes Mireille Oudit, Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, André Reichardt, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

68 et 237 (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La question de la dévolution du patrimoine monumental n'est pas nouvelle et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'en est toujours préoccupée. En 2008 M. Philippe Richert avait déjà souhaité initier un débat en déposant une proposition de loi. Le dispositif qu'il proposait avait inspiré l'article 52 du projet de loi de finances pour 2010, identifié ensuite comme cavalier budgétaire par le Conseil Constitutionnel qui l'avait censuré. Aussi dès la fin de l'année 2009, M. Jacques Legendre, président, a décidé de constituer un groupe de travail sur le sujet. Ses conclusions, présentées dans le rapport de Mme Françoise Férat, ont été adoptées à l'unanimité le 30 juin 2010.

Ainsi depuis plus d'un an, la commission de la culture s'est penchée sur les conditions de la relance des transferts de monuments historiques de l'État aux collectivités territoriales. Ses travaux ont permis de définir les grandes lignes d'un principe de précaution appliqué au patrimoine monumental que traduisent les dispositions de la proposition de loi. Ce texte va d'ailleurs bien au-delà de la question de la dévolution aux collectivités car il définit les conditions d'une utilisation du patrimoine respectueuse des exigences culturelles d'intérêt public.

Comme le rappelait René Rémond lors de la présentation des travaux de la commission qu'il avait présidée en 2003 à la demande du ministre de la culture, certains monuments historiques appartenant à l'État français incarnent la mémoire de la Nation ou constituent un élément du patrimoine européen ou universel. Ce sont donc des éléments constitutifs de notre identité, de notre histoire. Leur protection doit être un impératif pour que soit transmis aux générations futures ce patrimoine inaliénable garant de la mémoire collective.

L'enjeu réside aujourd'hui dans la définition d'outils et de principes qui permettront à l'État de mener une politique patrimoniale cohérente et exemplaire : elle doit être à la fois protectrice de cet héritage inaliénable, et capable d'encourager ou de s'appuyer sur les compétences et le dynamisme des collectivités territoriales comme des personnes privées.

C'est dans cette logique que s'inscrit l'examen de la présente proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État.

I. LÉGIFÉRER SUR LE PATRIMOINE MONUMENTAL : UNE URGENCE

A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, votre commission a constaté que la relance de la dévolution du patrimoine monumental de l'État aux collectivités territoriales était proposée sans qu'aucun bilan préalable de la première vague de transferts n'ait été réalisé. En effet, le Gouvernement avait introduit un article 1 ( * ) relançant le processus de décentralisation opéré en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. En outre, le texte proposé rompait avec la logique de l'article 97 de cette loi. En effet, il n'encadrait la procédure d'aucune précaution susceptible de garantir une politique patrimoniale cohérente et respectueuse des impératifs de protection du patrimoine constitutif de l'histoire et de la mémoire collective. Cette carence mettait en danger l'avenir du Centre des monuments nationaux (CMN), établissement public auquel sont confiés une centaine de monuments historiques répartis sur l'ensemble du territoire.

A l'initiative de votre président, M. Jacques Legendre, un groupe de travail a été chargé d'analyser la mission et les perspectives d'avenir du CMN dans l'hypothèse d'une relance de la dévolution aux collectivités territoriales. Les résultats de ces travaux ont été présentés dans le rapport d'information de Mme Françoise Férat 2 ( * ) , adopté à l'unanimité de votre commission le 30 juin 2010.

Les points suivants y sont soulignés :

- le Centre des monuments nationaux est un opérateur incontournable pour la mise en oeuvre de la mission de service public culturel de l'État. Cet établissement public garantit en effet l'ouverture au public des monuments qui lui sont confiés grâce à la mise en oeuvre d'un système de péréquation, c'est-à-dire de solidarité financière entre les monuments, les plus rentables garantissant le fonctionnement des autres monuments historiques. Aussi une relance de la dévolution qui ne tiendrait pas compte de ce principe fondateur du CMN serait dangereuse pour la cohérence de la politique patrimoniale ;

- la dévolution ne peut être utilisée par l'État comme un moyen de se « débarrasser » du patrimoine dont l'entretien est coûteux. Les considérations économiques, certes tout à fait importantes notamment en période de restrictions budgétaires, ne peuvent être appréhendées qu'au regard des enjeux de la mission de service public culturel de l'État. La dévolution aux collectivités territoriales nécessite alors une évaluation précise des coûts inhérents à la prise en charge d'un monument et donc une information complète de ce que la collectivité devra assumer pour entretenir le patrimoine dont elle demande la propriété. Des carences ont malheureusement été constatées dans ce domaine à l'issue des premiers transferts. Aussi le risque existe de voir des collectivités ne plus pouvoir entretenir leur patrimoine, surtout dans un contexte budgétaire incertain. La revente peut alors apparaître comme une solution, mais elle implique que des mesures de précaution soient définies pour que le patrimoine ainsi cédé ne puisse être utilisé à des fins incompatibles avec la vocation culturelle du monument ;

- au-delà des questions soulevées par la décentralisation, c'est le risque du dépeçage et d'une conception exclusivement immobilière qui pèse sur le patrimoine monumental de l'État. La nouvelle politique immobilière de l'État pilotée par l'agence France Domaine n'offre pas les garanties attendues au regard des exigences culturelles que devraient imposer la prise en considération du patrimoine monumental de l'État. En effet, le programme des opérations de cession de 1 700 biens, en cours depuis 2009, n'a jamais identifié la catégorie des immeubles classés ou inscrits qui sont dès lors intégrés dans le lot des ventes au même titre que les immeubles de bureaux. La polémique de l'Hôtel de la Marine est la conséquence de cette dérive dont on mesure aujourd'hui les risques. Les réactions suscitées par le projet de vente, puis de bail emphytéotique administratif, montrent qu' il devient urgent de légiférer sur la dévolution des monuments historiques de l'État afin de garantir une approche respectueuse du patrimoine, de la mémoire collective et des citoyens qui rejettent les méthodes pouvant laisser penser que l'État « brade » son patrimoine .


* 1 Censuré ensuite par le Conseil Constitutionnel qui le qualifie de cavalier budgétaire dans sa décision n° 2009-599 du 29 décembre 2009.

* 2 Rapport n° 599 (2009-2010), fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, « Au service d'une politique nationale du patrimoine : le rôle incontournable du Centre des monuments nationaux ».

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