EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER DISPOSITIONS RELATIVES A LA NATIONALITE ET A L'INTEGRATION
CHAPITRE UNIQUE

Article 2 (art. 21-24 du code civil) Conditions d'assimilation à la communauté française requises pour une naturalisation

Cet article vise à préciser la condition d'assimilation ainsi que les modalités du contrôle de son respect par le candidat à la naturalisation.

Il a été adopté par le Sénat dans la rédaction de votre commission, à l'exception du remplacement du renvoi à un décret simple pour définir les conditions d'évaluation de la connaissance de la langue française par le candidat à la naturalisation, par un renvoi à un décret en Conseil d'État, par adoption de l'amendement déposé par notre collègue M. Jacques Mézard.

Alors que la commission des lois de l'Assemblée nationale avait adopté le texte en l'état, les députés lui ont apporté trois modifications significatives en séance publique.

• L'ajout d'une condition d'assimilation liée aux connaissances historiques, culturelles et sociales de l'intéressé

À l'initiative de M. le député Dominique Tian et plusieurs de ses collègues, l'Assemblée nationale a adopté un amendement, sous amendé par le Gouvernement, ajoutant aux conditions permettant d'apprécier l'assimilation à la communauté française du candidat à la naturalisation, « la connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises sanctionnée par un examen », dont le niveau et les modalités seraient fixés par décret en Conseil d'État, à l'instar de ce qui est prévu pour l'évaluation de maîtrise de la langue française.

Exiger des intéressés une connaissance minimale en ces matières n'est pas dénué de fondements, dans la mesure où cette familiarité avec la culture française marque bien elle aussi la proximité qu'ils ont acquise avec la communauté française.

Votre rapporteur observe à cet égard que l'article 21-24 du code civil qui impose qu'un candidat à la naturalisation justifie de son assimilation à la communauté française, énumère certains des éléments qui en rendent compte 4 ( * ) , sans que cette liste soit exhaustive : d'autres ajouts pourraient être opérés, le risque étant, à force d'additions successives, de diluer dans la masse l'importance particulière de certains, comme la maîtrise linguistique, et de rendre le contrôle de l'assimilation trop complexe ou trop coûteux à cause de l'accumulation d'examens ou de tests en tous genres.

En outre, il convient de noter que l'addition d'une nouvelle condition lie plus rigoureusement le pouvoir d'appréciation de l'autorité administrative, ce qui impose au législateur d'épuiser sa compétence et lui interdit de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer des éléments essentiels de la nouvelle condition ajoutée.

Or, en évoquant, sans plus de précisions, la connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises, et en s'abstenant d'indiquer, comme cela est prévu pour les autres exigences, que cette connaissance s'apprécie en fonction de la condition de l'intéressé, la présente rédaction de l'article laisserait au pouvoir réglementaire le soin de choisir si cette maîtrise doit être examinée, objectivement, sans considération du niveau social ou culturel des candidats à la naturalisation, ou s'il convient de tenir compte de leur situation personnelle en y adaptant les exigences de l'examen.

Dans son rapport de première lecture, votre rapporteur avait déjà souligné combien était essentielle la prise en compte de la condition sociale, culturelle ou économique de l'intéressé, en ce qu'elle « interdit de soumettre à la même toise des personnes qualifiées, des personnes sans qualifications ou illettrées ou des personnes qui n'ont pas les moyens d'accéder aux cycles d'enseignements nécessaires » 5 ( * ) . La même remarque vaut, naturellement, pour l'évaluation du niveau de connaissance historique, culturelle et sociale des candidats à la naturalisation. C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement soumettant à cette exigence raisonnable la nouvelle condition d'assimilation ajoutée par les députés.

• La mention, dans la charte des droits et devoirs du citoyen français, des symboles de la République française

À l'initiative de M. le député Christian Estrosi et plusieurs de ses collègues, l'Assemblée nationale a ajouté au rappel des principes et valeurs de la République française prévu dans la charte des droits et devoirs du citoyen français celui des symboles essentiels de celle-ci. Plusieurs de ces derniers sont énumérés à l'article 2 de la Constitution, comme l'hymne national, la devise républicaine, le principe de la République et le drapeau tricolore. D'autres, comme les représentations de Marianne, dont les bustes décorent les mairies depuis 1877, personnifient traditionnellement la République sans pour autant bénéficier de cette mention constitutionnelle.

• Le rétablissement du principe de manifestation de volonté préalable à l'acquisition de nationalité des enfants résidant en France et nés en France de parents étrangers

Avec l'avis favorable du gouvernement, les députés ont adopté un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale supprimant le caractère automatique de l'acquisition de nationalité, à dix-huit ans, des enfants nés en France de parents étrangers, ayant eu leur résidence habituelle en France pendant au moins cinq ans depuis l'âge de onze ans.

Jusqu'à l'adoption de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 portant réforme du droit de la nationalité, la règle applicable dans cette situation était celle de l'acquisition automatique de nationalité, sauf opposition expresse de la part de l'intéressé.

La loi du 22 juillet 1993 a supprimé ce caractère automatique et imposé aux intéressés de manifester leur volonté de devenir Français.

La loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité est revenue, sur ce point, à l'état du droit antérieur et elle a rétabli à l'article 21-7 du code civil le principe de l'acquisition automatique de la nationalité, sauf à ce que l'intéressé, s'il possède une autre nationalité, décline la qualité de Français dans les six mois qui précèdent sa majorité ou dans les douze mois qui la suivent 6 ( * ) . Il s'agit du seul cas d'acquisition automatique de la nationalité française.

Le mineur peut, par un acte volontaire, anticiper l'acquisition de cette nationalité, par déclaration, à partir de seize ans. Avant cet âge et à partir de treize ans, ces parents peuvent réclamer pour lui la nationalité française, à la condition qu'il satisfasse à la condition de résidence de cinq ans, décomptés à partir de ses huit ans 7 ( * ) .

Cette procédure de déclaration anticipée est celle qui est la plus utilisée, les intéressés n'attendant pas leur majorité : ainsi, en 2009, on comptait 23 771 acquisitions de nationalité par déclaration anticipée et seulement 2 363 acquisitions automatiques de nationalité à la majorité des intéressés.

Il convient de relever que s'il est possible à l'intéressé d'anticiper l'acquisition de la nationalité française, il ne lui est pas offert de la décliner par anticipation avant les six mois qui précèdent sa majorité.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale modifierait cette procédure en précisant que l'acquisition de la nationalité à la majorité de l'intéressé ne pourrait intervenir qu'à sa demande. Cette demande prendrait la forme d'une lettre manuscrite à l'appui de la demande d'un certificat de nationalité, faite selon des modalités qui seraient précisées par décret en Conseil d'État.

Votre rapporteur constate que le dispositif retenu appelle des réserves d'ordre procédural.

Il apparaît ainsi, comme M. Claude Goasguen, rapporteur du texte pour la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'a lui-même observé, que l'irruption tardive de cette question nouvelle dans le débat, au stade de la seconde lecture, est contraire à la règle de l'entonnoir, puisqu'elle ne présente pas de lien direct avec une disposition du texte restant en discussion, seules les acquisitions de nationalité par déclaration ou par naturalisation étant visées dans le présent projet de loi. Son rattachement à l'article 2, relatif aux candidats à la naturalisation, semble d'ailleurs artificiel.

Cette difficulté juridique fait écho à une difficulté d'opportunité : intervenant tardivement dans le présent débat, sans pouvoir profiter du bénéfice de navettes parlementaires complètes, la présente addition anticipe les discussions qu'ouvrira la réflexion engagée à l'Assemblée nationale par la mission d'information relative à la nationalité.

Pour ces raisons d'ordre procédural, et sans trancher au fond la question soulevée par les députés, votre commission, a adopté deux amendements identiques, l'un de son rapporteur et l'autre de notre collègue Mme Jacqueline Gourault supprimant la disposition en cause.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé .

Article 2 bis (art. 21-2 du code civil) Conditions de connaissance suffisante de la langue française pour acquérir la nationalité en vertu du mariage

Cet article, introduit en première lecture par un amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, prévoit, comme pour les candidats à la naturalisation à l'article précédent, que le niveau et les modalités de l'évaluation de la connaissance linguistique des conjoints de Français désirant acquérir la nationalité française sont fixés par décret.

Adopté sans modification par votre commission, il a été amendé en séance publique à l'initiative de notre collègue M. Jacques Mézard aux fins de remplacer le renvoi au décret simple par un renvoi à un décret en Conseil d'État.

En seconde lecture, les députés ont supprimé, avec l'aval du gouvernement, mais contre l'avis de la commission des lois, la précision selon laquelle l'appréciation de la maîtrise de la langue par l'étranger doit s'effectuer en tenant compte de sa condition.

Votre rapporteur souligne, comme il a été amené à le faire à l'article précédent, combien cette mention est importante : elle assure que l'évaluation réalisée sera bien adaptée à la situation sociale, culturelle et économique des conjoints et qu'elle reposera, comme le prévoit d'ailleurs la circulaire du 29 décembre 2009 8 ( * ) , sur la capacité de l'intéressé à communiquer dans les actes de la vie courante plus que sur des exigences professionnelles qui n'ont pas forcément la même pertinence pour toutes les personnes concernées.

À cet égard, votre commission ne partage pas la conception, soutenue par l'auteur de l'amendement selon laquelle cette mention créerait une inégalité de traitement préjudiciable aux intéressés. La règle joue, bien au contraire, en faveur des candidats à la nationalité française, puisque, tout en leur imposant de fournir les efforts qui sont à leur portée pour atteindre le niveau de maîtrise linguistique suffisant pour établir leur assimilation à la communauté française, elle leur évite de se voir opposer des exigences d'un niveau inatteignable dans leur situation. Pour cette raison, elle a adopté un amendement de son rapporteur rétablissant le texte du présent article dans la rédaction issu des travaux du Sénat.

Votre commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé .


* 4 Comme la connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française ou des droits et devoirs du citoyen français.

* 5 Rapport n° 239 (Sénat 2010-2011), tome I, p. 50 ( http://www.senat.fr/rap/l10-239-1/l10-239-110.html#toc198 ).

* 6 Article 21-8 du code civil.

* 7 Article 21-11 du même code.

* 8 Circulaire relative à la procédure d'acquisition de la nationalité française en raison du mariage (n° NOR IMIC0900097C).

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