2. L'insuffisante prise en compte de la diversité des outre-mer et, notamment, des spécificités guyanaises

Votre rapporteur estime que le texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale ne prend pas suffisamment en compte la diversité des DOM et, plus précisément, les spécificités de la Guyane.

Plusieurs personnalités auditionnées par votre rapporteur ont ainsi reconnu que le texte est formaté pour les Antilles . L'ensemble des interlocuteurs guyanais rencontrés par votre rapporteur l'ont confirmé : il en est ainsi de Mme Sophie Charles, adjointe au maire de Saint-Laurent du Maroni et trésorière de l'Association des communes et collectivités d'outre-mer (ACCDOM) que votre rapporteur a auditionnée, ou encore de M. Rodolphe Alexandre, président du conseil régional de Guyane, qui lui a fait parvenir une contribution écrite.

La meilleure illustration en est la non prise en compte de l'ampleur de l'immigration clandestine à laquelle est confrontée la Guyane, mais également Mayotte. La commission d'enquête sénatoriale constatait ainsi en 2006 que :

- en Guyane, on compte près de 30 000 à 35 000 étrangers en situation irrégulière, soit 20 à 25 % de la population locale , un chiffre en progression constante 47 ( * ) ;

- à Mayotte, on compte près de 45 000 étrangers en situation irrégulière, soit plus du quart de la population. Le ministre de l'outre-mer déclarait à la commission d'enquête que « avec une proportion identique, la métropole aurait sur son sol, si on fait une déclinaison par rapport aux ratios et à la taille du pays, plus de 18 millions d'immigrés clandestins » 48 ( * ) .

L'immigration clandestine est donc une question majeure dans ces deux départements , comme l'a rappelé la mission commune d'information sur la situation des DOM 49 ( * ) .

Elle est d'ailleurs, comme votre rapporteur l'a souligné précédemment, à l'origine du développement de l'habitat informel : comme l'indiquait la commission d'enquête, « à Mayotte et en Guyane, l'ampleur de l'immigration clandestine aboutit à une multiplication des constructions illicites et à la reconstitution de véritables bidonvilles » 50 ( * ) .

La proposition de loi n'exclut pas les étrangers en situation irrégulière du bénéfice potentiel de l'aide financière prévue par sa section 1. Elle permet certes ainsi de débloquer les opérations de RHI en Guyane, où une large majorité des occupants sans titre sont des étrangers en situation irrégulière. Mais elle présente le risque de créer un « appel d'air » pour l'immigration clandestine .

La résorption de l'habitat insalubre en Guyane impose donc que, parallèlement, la lutte contre l'immigration clandestine y soit renforcée . Comme l'indiquait la mission d'audit de modernisation sur la politique de RHI mise en oeuvre outre-mer, « la lutte contre l'immigration clandestine est une condition sine qua non de l'efficacité de la politique de logement social comme de toute politique publique dans les DOM » 51 ( * ) .

Autre dimension que le texte ne prend pas en compte : la situation spécifique du foncier en Guyane . Près de 90 % du foncier y est en effet possédé par l'État.

Une partie importante de l'habitat illicite se constitue donc sur des terrains appartenant à l'État. Les opérations de RHI lancées par les communes guyanaises concernent ainsi des terrains cédés par l'État et sur lesquels ce dernier a laissé subsister des occupations sans titre.

Dès lors, comment justifier que les communes guyanaises engagent des opérations de RHI sur ces terrains si , comme le prévoit la proposition de loi, on met à leur charge l'aide financière ainsi que le relogement des occupants concernés ?


* 47 Rapport n° 300 (2005-2006), Ibid., p. 45.

* 48 In : Rapport n° 300 (2005-2006), Ibid., p. 46.

* 49 Cf. « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France. 100 propositions pour fonder l'avenir », Ibid., p. 288.

* 50 Rapport n° 300 (2005-2006), Ibid., p. 165.

* 51 « Rapport sur la contribution de l'État à la politique de résorption de l'habitat insalubre mise en oeuvre outre-mer », Ibid., p. 5.

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