EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 13 AVRIL 2011

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M. François Pillet , rapporteur . - La proposition de loi déposée par MM. Jacques Mézard, Yvon Collin et les membres du groupe du RDSE vise à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique. Peu d'entre vous pourraient dire qu'ils n'ont jamais été agressés ainsi.

Doit-on conserver l' opt-out ou retenir l' opt-in ? Pour répondre à cette question, il convient d'abord de vérifier quelle protection assure la législation en vigueur. Outre l'intervention de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, cette protection résulte de la directive du 24 octobre 1995 transposée le 6 août 2004, qui prévoit le droit de la personne de s'opposer gratuitement au traitement de données la concernant.

Peut-on ériger en principe général le droit d'opposition de la personne à l'utilisation de ces données ? A l'heure actuelle, la personne qui a pris connaissance de son droit, est tenue d'accomplir une action positive pour se protéger. Peut-on être engagé par son silence ? C'est une question de nature juridique... Dans un avis du 18 mai 2010, le Conseil national de la consommation a souhaité une mise en oeuvre simple et rapide, grâce à une compréhension par tous les acteurs car « l'efficacité de la protection des données et de la vie privée est devenue autant une condition du développement de la liberté individuelle qu'un facteur important de la confiance des consommateurs ».

Ce faisant, bouleverserions-nous les principes juridiques ? Non, puisque la proposition de loi a des précédents : l'article L-34-5 du Code des postes et des communications électroniques interdit la prospection directe au moyen d'un automate d'appel, d'un télécopieur ou d'un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d'une personne physique qui n'a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen. C'est bien la technique de l' opt-in .

M. Jean-Pierre Sueur . - Ne peut-on utiliser une expression française ?

M. François Pillet , rapporteur . - Tout abonné au service public de téléphone a le droit de figurer gratuitement dans l'annuaire, mais il peut choisir de ne pas y figurer (liste rouge) ou d'interdire l'utilisation de ses données personnelles (liste orange). Cependant, je ne suis pas sûr que tous les membres de la commission le sachent, à plus forte raison, tous nos compatriotes...

Le projet Pacitel du gouvernement revient à admettre la proposition de certains professionnels s'engageant à ne plus démarcher les consommateurs qui s'y sont inscrits. Cette proposition du groupe de travail qu'avait mis en place Hervé Novelli, ne rassemble pas toutes les sociétés de démarchage, de sorte que cette amélioration n'est toujours pas satisfaisante. D'une manière significative, les professionnels du démarchage ont pris en compte les excès constatés en s'engageant à ne plus appeler tôt le matin ou tard le soir (20 h 30 en semaine, 18 heures le samedi).

Les professionnels du démarchage par téléphone emploieraient 260 000 personnes mais je ne sais pas comment ce chiffre est calculé et je ne suis pas sûr que tous les salariés soient en France.

Je vous recommanderai d'accepter la logique de la proposition et d'inverser le principe général en passant de l' opt-out à l' opt-in . Les amendements que je vous soumettrai tout à l'heure respectent, je le crois, l'esprit des dispositions initiales.

M. Jacques Mézard . - Les pratiques des centres d'appel ont provoqué des réactions de nos concitoyens. Nous avons eu des remontées, y compris d'associations de consommateurs. Pacitel ne changera pas grand-chose parce qu'il faudra, pour en profiter, être inscrit sur une liste et répondre à des critères. Ne mettons pas trop d'espoir dans ce projet. Il faut un dispositif législatif.

M. Jean-Paul Amoudry . - D'accord sur le principe, je crains que l'article premier, qui oblige la société à recueillir un accord exprès écrit, ne soit bien complexe. Je songe notamment aux données transmises aux banques. Cela ne mérite-t-il pas d'être précisé ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Cette proposition, dont je partage la philosophie, suscite trois questions. La première résulte du rapprochement du titre, relatif au « démarchage téléphonique » et de l'article 2, visant les « communications électroniques ou téléphoniques » : l'Internet est-il compris dans le champ de la loi ?

Deuxièmement, les sondages, sur lesquels M. Portelli et moi avons travaillé, sont-ils concernés par ce texte ? Nous avons proscrit les gratifications des personnes sondées qui existent aujourd'hui, mais, comme nous apprenons toujours plus sur ce sujet, nous découvrons que neuf personnes sur dix ne répondent pas aux sondages par téléphone : il sera bien difficile aux instituts de réunir les quotas et autres échantillons.

Troisièmement, une nouvelle pratique se développe à l'occasion des élections : il paraît que le phoning est décisif aux États-Unis. L'article 1 er , traitant de prospection « notamment commerciale », ne s'applique-t-il pas dans ce cas ?

M. Pierre-Yves Collombat . - Si je souscris à l'objectif, je rappelle que les banques et sociétés financières collectent nécessairement des données personnelles, qu'elles sont même parfois tenues de déclarer à Tracfin. Il me semble que les sondages ne relèvent pas de la proposition de loi, non plus que la prospection politique.

M. Jean-Jacques Hyest , président . - Le rapporteur a anticipé des réponses par ses amendements.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat . - On ne peut empêcher des militants de téléphoner...

M. Richard Yung . - La liste orange, dont je découvre l'existence, ne constitue-t-elle pas une meilleure solution ? Mettre le citoyen lambda au courant serait peut-être plus efficace que de légiférer. Nous devons penser aux 260 000 emplois de ce secteur, qui ne sont pas tous à l'étranger. A-t-on mesuré l'impact de la disposition ?

M. François Pillet , rapporteur . - Je me suis interrogé sur la rédaction de l'article 1 er , mais les auteurs m'ont expliqué que le titre marquait l'objectif, et que la rédaction pouvait être légèrement différente, ce qui sera l'objet d'un premier amendement, resserrant l'objet sur la fourniture de service téléphonique.

M. Jean-Pierre Sueur . - Il ne s'agit donc pas d'Internet.

M. François Pillet , rapporteur . - Internet, c'est moins intrusif, aussi les organisations de consommateurs nous ont-elles dit qu'il n'y a guère de difficulté pour Internet : c'est la pollution par le téléphone qui constitue la plus grande nuisance. Les sondages commerciaux réalisés par des sociétés commerciales ne sont pas exclus...

M. Jean-Pierre Sueur . - Cela rend très difficiles les sondages.

M. François Pillet , rapporteur . - La question des élections est plus délicate car il peut arriver que le phoning soit confié à une entreprise ; à mon sens, il faudrait alors que ce soit compris dans le champ d'application de la loi. L'article L. 34-5 exclut seulement le démarchage électronique. Le paquet électoral, que nous venons de voter, interdit le phoning le jour du vote.

M. Charles Gautier . - C'est incontrôlable.

M. Alain Anziani . - Nous avons appliqué le droit commun des campagnes électorales : le phoning est interdit à partir du vendredi à minuit.

M. André Reichardt . - On parle de protection du consommateur, mais le chef d'entreprise est aussi une personne physique : le texte interdirait-il de les démarcher ?

M. François Pillet , rapporteur . - Sur sa ligne privée, mais pas sur celle de l'entreprise.

M. André Reichardt . - Un entrepreneur en EURL est une personne physique.

M. Jean-Jacques Hyest . - Mais une EURL n'est pas une personne physique.

M. François Pillet , rapporteur . - Pourquoi le contrat entre la société et un abonné profiterait-il à un tiers ? La solution que je propose permet d'exclure l'utilisation des données personnelles à des fins commerciales si l'abonné n'y a pas consenti.

M. Jean-Pierre Sueur . - Ne serait-il pas utile de limiter le dispositif à la prospection commerciale ? Je crains aussi que la combinaison des amendements n° 1 rectifié et 3 rende bien difficiles les sondages par téléphone : il faut faire attention à maintenir un équilibre.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

M. François Pillet , rapporteur . - J'ai déjà présenté l'amendement n° COM-1 rectifié, qui respecte l'objectif d'un consentement exprès de l'abonné à l'utilisation des données à caractère personnel à des fins de prospection directe : les contrats nouveaux devront le prévoir. Je précise que la loi emploie déjà à l'article L. 34-5 l'expression « prospection directe » qu'il définit.

M. Jacques Mézard . - Tout à fait d'accord.

L'amendement n° 1 rectifié est adopté et devient l'article 1 er .

Article 2

L'amendement de cohérence n° COM-4 est adopté ; en conséquence l'article 2 est supprimé.

Article 3

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement n° COM-2 réduit les pénalités proposées par la proposition de loi. Je précise qu'elles s'appliqueront pour chaque infraction : 45 000 euros l'appel ; quand il y une centaine d'appels, cela fait beaucoup... En outre une peine de prison est inapplicable à une société.

L'amendement n° COM-2, adopté, devient l'article 3.

Article additionnel après l'article 3

M. François Pillet , rapporteur . - L'amendement n° COM-3 traite des contrats en cours. Dans un délai d'une année, l'opérateur recueillera le consentement de l'abonné ; afin d'éviter un blocage, son consentement sera réputé acquis si l'abonné n'a pas répondu dans les deux mois. L'information pourra être assurée sur les factures ou par un jingle , un indicatif au début des appels pour démarchage.

M. Jean-Jacques Hyest , président . - Des messages importants sont parfois mêlés à des publicités : désormais, la préfecture annonce les inondations par un message dont nous devons accuser réception.

M. Alain Anziani . - A-t-on prévu tous les cas ? Que se passe-t-il quand la personne change d'avis ?

M. François Pillet , rapporteur . - Elle peut toujours revenir sur sa décision, mais il lui faut alors accomplir une démarche.

M. Alain Anziani . - Cela ne figure pas dans le texte.

M. François Pillet , rapporteur . - Parce que la loi prévoit déjà ce droit.

L'amendement n° COM-3, adopté, devient un article additionnel 4.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er

Principe du consentement de l'abonné téléphonique à l'utilisation de ses données personnelles à des fins de prospection

M. PILLET, rapporteur

1

Recueil du consentement lors de la conclusion d'un contrat d'abonnement téléphonique

Adopté

Article 2

Condition d'utilisation des coordonnées téléphoniques en matière de prospection commerciale directe

M. PILLET, rapporteur

4

Suppression de conséquence

Adopté

Article 3

Sanctions pénales

M. PILLET, rapporteur

2

Fixation d'une peine d'amende

Adopté

Article additionnel après Article 3

M. PILLET, rapporteur

3

Dispositif transitoire pour les contrats en cours

Adopté

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