EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. 34-4-1 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques ; art. L. 121-83 du code de la consommation)
Principe du consentement de l'abonné téléphonique à l'utilisation de ses données personnelles à des fins de prospection

L'article premier de la proposition de loi propose une nouvelle rédaction de l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, pour inverser le principe de protection des personnes physiques, restreint aux seules fins de prospection.

Aujourd'hui, cet a rticle 38 prescrit le droit pour toute personne physique de s'opposer, pour des motifs légitimes, au traitement de ses données personnelles, sauf s'il est prévu par la loi ou si le droit d'opposition a été expressément écarté par l'acte autorisant le traitement.

Il prévoit aussi le droit d'opposition de la personne, sans frais, à l'utilisation des données la concernant dans le cadre d'un démarchage, notamment commercial, par le responsable actuel du traitement ou celui d'un traitement ultérieur. Il reprend donc la norme fixée par l'article 14 de la directive européenne du 24 octobre 1995.


De l'« opt-out » à l'« opt-in »

L'article premier de la proposition de loi inverse le principe retenu par l'article 38 mais en ne retenant curieusement que le seul dispositif concernant la prospection ( cf . alinéa 2).

Il impose donc au responsable du traitement, ou aux suivants, de recueillir l'accord exprès par écrit de la personne à l'utilisation de ses données à des fins de prospection, en pointant expressément le cas du démarchage commercial.

Notons qu'en tout état de cause, à défaut d'accord écrit, l'article premier interdit l'utilisation des données personnelles à des fins commerciales.

La rédaction de l'article premier supprime, toutefois, le premier alinéa de l'article 38 qui institue le droit, pour la personne, de s'opposer à tout moment au traitement de ses données personnelles. Ce faisant, cette disposition offre à celle qui y a consenti un droit de repentir en lui permettant ultérieurement de s'y opposer, lequel disparaît par l'effet de la rédaction de l'article premier de la proposition de loi.


Affirmer le principe du consentement actif de l'abonné

Votre rapporteur adhère à la démarche poursuivie par l'auteur de la proposition de loi : il convient, en effet, de renforcer la protection de la personne sans se contenter de lui accorder un simple droit d'opposition, lequel ne constitue souvent qu'une protection illusoire : en effet, soit par défaut d'information, soit faute d'enclencher la procédure, l'inaction prime ouvrant la porte au démarchage téléphonique ; cette technique de vente constitue pourtant une intrusion violente dans la vie privée.

C'est pourquoi la commission des lois a décidé de retenir le principe d'un accord manifeste.

Cependant, sur la proposition de son rapporteur, elle a choisi une autre voie que celle de l'auteur de la proposition qui lui apparaît trop large et pour cette raison moins aisément praticable et acceptable par toutes les parties.

Aussi, elle a resserré le dispositif proposé sur l'intention poursuivie par notre collègue Jacques Mézard qui l'a manifestée précisément auprès de votre rapporteur : lutter contre les nuisances vocales, les plus gênantes, constituées par ces appels téléphoniques qui, le plus souvent, surviennent à des moments spécialement inopportuns : le soir, à l'issue d'une longue journée de travail ou le samedi matin, à l'aube d'un repos bien mérité !

La commission propose un système simple, basé sur le fait générateur de la pratique contestée : l'ouverture d'une ligne téléphonique.

C'est pourquoi le texte adopté pour l'article premier impose à l'opérateur téléphonique de recueillir le consentement exprès de l'abonné , personne physique, pour l'utilisation par lui-même ou par un tiers, de ses données personnelles à des fins de prospection directe .

Ce consentement serait recueilli lors de la souscription du contrat d'abonnement téléphonique, fixe ou mobile.

Ce principe serait inséré dans la division du code des postes et des communications électroniques consacrée à la « protection de la vie privée des utilisateurs des réseaux et services de communications électroniques » ( cf . article L. 34-1 et suivants) dans un nouvel article L. 34-4-1.

Parallèlement, il serait conforté par son intégration dans le code de la consommation : sur proposition de son rapporteur, votre commission des lois a prévu de l'insérer au rang des informations qui doivent obligatoirement figurer sur un contrat de services de communications électroniques aux termes de l'article L. 121-83 dudit code.

Cette mention faciliterait l'information due au consommateur.

Précisons que suivant son rapporteur, votre commission a souhaité appliquer la protection nouvelle à toute forme de prospection directe, telles celles pratiquées dans le cadre de sondages pour des entreprises.

Votre rapporteur rappelle à ceux qui s'effrayent de ce passage de l'« opt-out » à l'« opt-in » que ce principe ne constitue pas une novation puisqu'il a été notamment retenu pour autoriser le démarchage par automate d'appel, télécopieur ou courrier électronique ( cf . article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques).

La commission des lois a adopté l' article premier ainsi rédigé.

Article 2
(art. 38-1 [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978)
Condition d'utilisation des coordonnées téléphoniques en matière de prospection commerciale directe

L'article 2 de la proposition de loi crée un nouvel article 38-1 dans la loi du 6 janvier 1978 consacré aux coordonnées téléphoniques figurant dans les annuaires.

Il interdit l'utilisation, dans des opérations de prospection commerciale directe, des données personnelles figurant dans les listes d'abonnés ou d'utilisateurs de communications électroniques ou téléphoniques sans l'accord préalable et écrit de la personne physique intéressée.

L'article 2 encadre précisément le mode et le champ du recueil du consentement : celui-ci doit être expressément adressé à l'opérateur de communications. Sont concernés non seulement les nouveaux abonnés mais également les abonnements en cours.

Cette disposition ayant été reprise, sous une autre forme, aux articles premier et 4 ( cf infra ), votre commission, sur la proposition de son rapporteur, a supprimé l'article 2 .

Article 3
(art. 39-3-2 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques)
Sanctions pénales

L'article 3 procède par coordination au « renversement » de l'infraction réprimée par l'article 226-18-1 du code pénal.

Rappelons que celui-ci punit de 5 ans de prison et de 300.000 € d'amende le traitement de données personnelles concernant une personne physique, malgré le refus de celle-ci, pour des opérations de démarchage, commercial notamment, d'une part, ou lorsque son opposition répond à des motifs légitimes, d'autre part.

Suivant l'article premier, l'article 3 conserve les mêmes peines mais les applique à la violation du principe de l'accord préalable et écrit à l'utilisation des données personnelles dans le cadre d'un traitement à visée de prospection commerciale.


Retenir une sanction proportionnée et dissuasive

Sur la proposition de son rapporteur, la commission des lois a retenu le principe d'une pénalisation des infractions au principe de l'accord exprès à l'utilisation de ses données personnelles dans le cadre d'un démarchage.

Elle a souhaité, pour ce faire, retenir une sanction suffisamment dissuasive mais proportionnée à la nature du comportement répréhensible au regard de l'échelle des peines du code pénal.

C'est pourquoi elle a décidé de punir ces infractions d'une amende délictuelle d'un montant de 45.000 euros.

Cette disposition répressive sera insérée au titre des sanctions pénales fixées par le code des postes et des communications électroniques pour réprimer les comportements contraires aux dispositions de son livre II consacré aux communications électroniques.

La commission des lois a adopté l' article 3 ainsi rédigé.

Article 4 (nouveau)
Dispositif transitoire pour les contrats en cours

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un nouvel article 4 destiné à permettre la mise en oeuvre du principe fixé par l'article premier pour les abonnements déjà souscrits.


Régler le sort des abonnements en cours

Suivant la préoccupation de notre collègue Jacques Mézard de protéger l'ensemble des abonnés actuels et futurs, la commission des lois, à l'initiative de son rapporteur, a prévu d'étendre l'application du principe posé à l'article premier à l'immense masse des contrats téléphoniques en cours.

A cette fin, elle a prévu un dispositif spécifique souple et non codifié, destiné à recueillir l'accord de l'abonné :

- obligation, pour l'opérateur téléphonique, de recueillir le consentement de ses clients dans le délai d'un an à compter de la publication de la loi ;

- remise au pouvoir réglementaire du soin de déterminer les modalités de mise en oeuvre de cette prescription.

Il apparaît opportun, en effet, de retenir cette souplesse qui permettra de choisir le moyen le plus approprié techniquement : prochaine facture, message vocal au début d'un appel, ... ;

- principe d'un consentement tacite de l'abonné s'il ne répond pas, dans un délai de deux mois, à la demande de l'opérateur.

Cette commodité permet de concilier les intérêts opposés des deux parties : le client aura été sollicité et donc sera en mesure de se prononcer en connaissance de cause ; en revanche, son inaction ne bloquera pas indéfiniment l'activité du secteur professionnel ;

- la violation, par l'opérateur téléphonique, de son obligation vis-à-vis de son client, est sanctionnée par une amende de 45.000 €.

Le montant de cette peine qui s'appliquera à chaque infraction -pour chaque client- et donc autant de fois qu'elle aura été commise, apparaît suffisamment dissuasif pour permettre l'application de cette nouvelle protection des abonnés.

La commission des lois a adopté l'article 4 ( nouveau ) ainsi rédigé.

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Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

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