III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : RESSERRER LE DISPOSITIF SUR L'INTENTION AFFICHÉE PAR LES AUTEURS DE LA PROPOSITION DE LOI

Votre rapporteur a souhaité adapter le dispositif proposé à l'objet poursuivi par les auteurs de la proposition de loi.

Notre collègue Jacques Mézard lui a exposé sa volonté de réguler résolument les appels téléphoniques intrusifs à des fins de prospection directe par l'application du principe du « opt-in ».

Tenant compte de l'encadrement existant et de l'objectif poursuivi, votre rapporteur a proposé à la commission des lois de retenir un système protecteur à la source. C'est pourquoi a été retenue une nouvelle règle pesant sur les opérateurs téléphoniques désormais soumis à la règle du consentement exprès.

Les trois articles de la proposition de loi ont été réécrits en ce sens, en s'inscrivant principalement dans le code des postes et des communications électroniques :

- l' article 1 er crée un nouvel article dans le CPCE ; il prescrit le principe du recueil du consentement exprès de l'abonné à un service téléphonique au public, fixe ou mobile, pour l'utilisation de ses données à caractère personnel à des fins de démarchage que l'utilisateur soit l'opérateur lui-même ou un tiers.

Précisons que serait visée toute prospection directe qui peut émaner d'instituts de sondages notamment intervenant pour le compte d'entreprises commerciales.

Parallèlement, le nouveau droit de l'abonné devrait figurer sur le contrat d'abonnement téléphonique au titre des informations obligatoires fixées par l'article L. 121-83 du code de la consommation.

Le dispositif retenu par votre commission présente l'avantage de ne pas modifier la rédaction de l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 : il préserve donc la faculté, pour la personne concernée, de manifester son refus à tout moment, au traitement de ses données, même après y avoir consenti ;

- l' article 2 est supprimé par voie de conséquence de l'adoption de l'article 1 er ;

- l' article 3 sanctionne d'une peine d'amende de 45.000 € le non-respect du consentement préalable de l'abonné à l'utilisation de ses données personnelles à des fins de démarchage ;

- un nouvel article 4 applique le nouveau principe aux abonnements téléphoniques en cours : il prévoit des dispositions exceptionnelles destinées à recueillir l'accord de l'abonné à l'utilisation de ses données personnelles pour démarchage dans le délai d'un an à compter de la publication de la loi.

Il confie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les moyens les plus appropriés au recueil du consentement.

Afin de ne pas bloquer indéfiniment la pratique du démarchage par l'inaction de l'abonné, l'accord de celui-ci serait considéré comme acquis à défaut de réponse dans un délai de deux mois.

La violation, par les opérateurs, de l'obligation fixée par le législateur serait punie de la peine prévue à l'article 2.

Votre rapporteur ne prétend pas régler ainsi définitivement la question du démarchage téléphonique agressif mais il considère que cette pratique devrait être normalisée et régulée par l'application des nouvelles dispositions.

Ces propositions constituent une avancée juridique en retenant le principe de l'« opt-in » pour alimenter la source normale du démarchage téléphonique : les listes d'abonnés. Elles impliquent activement les personnes concernées puisque celles-ci devront consentir à l'utilisation de leurs coordonnées téléphoniques. Ce système est donc plus protecteur que celui de l' « opt-out », lequel est encore aggravé par l'absence fréquente d'information claire et d'une procédure simple pour faire valoir ses droits.

Rappelons à cet égard la préoccupation exprimée par nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier dans leur rapport d'information sur « La vie privée à l'heure des mémoires numériques. Pour une confiance renforcée entre citoyens et société de l'information» : « Encore faut-il que chacun ait pleinement conscience des implications en termes de respect de la vie privée que sous-tend l'utilisation des nouvelles technologies : de ce point de vue, la question de l'éducation des individus à la maîtrise de leurs propres données constitue aux yeux de vos rapporteurs la condition sine qua non de l'effectivité du droit au respect à la vie privée. » 2 ( * )

Les opposants à l'introduction de l'accord de l'abonné ont fait valoir à votre rapporteur les outils déjà existants : droit d'opposition, liste orange, dispositif PACITEL.

Convenons, cependant, que si l'utilité de ces divers instruments n'est pas contestable, ils ne résolvent pas la question essentielle du consentement à ces diverses pratiques qui entament la vie privée de chacun, et doivent requérir, dans tous les cas, une démarche volontaire du consommateur.

Par ailleurs, le texte adopté par votre commission des lois responsabilise les opérateurs et prive les démarcheurs indélicats des données recueillies en dépit du désaccord de l'abonné mais grâce à sa négligence. Ceux-ci, désormais, devront vérifier auprès de l'opérateur téléphonique que le consommateur a exprimé son accord à l'utilisation de ses coordonnées.

*

* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte qu'elle a établi.


* 2 Cf rapport d'information n° 441 (2008-2009). http://intranet.senat.fr/notice-rapport/2008/r08-441-notice.html

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