B. PRÉCISER LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS EN RESPECTANT L'AUTONOMIE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

1. Réaliser des ajustements pragmatiques

• La limitation du nombre de ministres au sein du gouvernement de la Polynésie française

La limitation du nombre de ministres répond aux observations du rapport de la mission d'assistance à la Polynésie française et vise à réduire les dépenses consacrées au fonctionnement des pouvoirs publics. Votre commission considère toutefois que cette limitation doit permettre de créer un nombre de portefeuilles approprié aux compétences et à l'étendue de la Polynésie française.

Elle a donc adopté un amendement de son rapporteur prévoyant, pour la Polynésie française, un effectif gouvernemental compris entre sept et dix ministres ( article 5 ).

• La limitation de l'effectif des cabinets ministériels

Votre commission souhaite que la limitation de l'effectif des cabinets des ministres de Polynésie française respecte l'autonomie de la collectivité. Aussi a-t-elle choisi de donner à l'assemblée de la Polynésie française la compétence pour fixer le nombre maximum de collaborateurs de cabinet du président de la Polynésie française, du vice-président et des ministres ( article 7 ).

L'assemblée fixerait cet effectif maximum sur proposition de sa commission de contrôle budgétaire et financier. Elle devrait en outre inscrire les crédits nécessaires à la rémunération des emplois de collaborateur de cabinet sur un chapitre spécifique, ces dépenses ne pouvant excéder 20 % des dépenses consacrées au fonctionnement du gouvernement de la Polynésie française.

Votre commission a en outre précisé les conditions dans lesquelles prennent fin les fonctions de collaborateur des autorités politiques de la Polynésie française. La fin de mandat ou de fonctions mettrait ainsi un terme aux contrats des collaborateurs de cabinet du président de la Polynésie française, du président de l'assemblée, des ministres et des représentants de l'assemblée.

• Le plafonnement des indemnités et rémunérations perçues par les membres de l'exécutif local

Votre commission a inséré un article 7 bis définissant, sur le modèle des dispositions applicables aux parlementaires, un plafonnement des indemnités perçues par le président de la Polynésie française et par les autres membres du gouvernement de la Polynésie française en cas de cumul de mandats ou de fonctions.

En effet, un plafonnement paraît nécessaire dans le cas où le président de la Polynésie française, ou un membre du gouvernement local, exercerait un mandat local ou siègerait au conseil d'administration d'un établissement public local, au conseil d'administration ou au conseil de surveillance d'une société d'économie mixte locale ou présiderait une telle société.

• Les conditions d'adoption des motions de défiance

Votre commission a précisé les conditions de vote des motions de défiance ( article 10 ). En effet, le projet de loi organique prévoit que le vote de la motion de censure ne pourrait intervenir que 48 heures après le dépôt de la motion, alors que le statut prévoit déjà un délai de trois jours avant que l'assemblée de la Polynésie française ne se réunisse de plein droit, pour permettre aux élus de l'ensemble des archipels de la Polynésie française de rejoindre Papeete.

Il paraît plus cohérent de prévoir que le vote sur la motion doit intervenir dans les quarante-huit heures suivant la réunion de plein droit de l'assemblée.

Par ailleurs, votre commission a maintenu les conditions actuelles d'adoption d'une motion de défiance. En effet, porter aux trois cinquièmes des représentants la majorité requise pour son adoption pourrait conduire à des blocages institutionnels, en maintenant en fonction un président dépourvu de majorité. Il semble préférable de conserver une majorité absolue des représentants pour l'adoption d'une telle motion, dès lors que le nombre de signatures requis est porté du quart au tiers des représentants.

Enfin, votre commission a réduit à une seule motion de défiance le nombre de motions que chaque représentant à l'assemblée de la Polynésie française peut signer au cours de chaque année civile, contre deux depuis la loi organique de décembre 2007.

• Les conditions de discussion du budget et d'adoption des motions de renvoi budgétaire

Votre commission a retenu la majorité des trois cinquièmes des membres de l'assemblée pour l'adoption d'une motion de renvoi budgétaire, car il paraît indispensable que l'exécutif de la collectivité ait les moyens de faire adopter son budget. Le dispositif serait ainsi similaire à celui qui s'applique en Nouvelle-Calédonie.

Votre commission a néanmoins souhaité clarifier la rédaction de l'article 156-1 du statut. En effet, le statut laisse à penser qu'il faudrait attendre la date du 31 mars pour que le président de la Polynésie française puisse présenter un nouveau projet de budget après le rejet du premier. Votre commission a donc précisé que dès le premier vote de rejet du budget, quel que soit le moment auquel il a été émis et au plus tard le 30 mars, le Président de la Polynésie est dans l'obligation de présenter un nouveau projet.

Par ailleurs, votre commission a complété les dispositions relatives à l'adoption du nouveau projet de budget, afin de rappeler que la volonté du législateur organique en décembre 2007 était bien d'instaurer une procédure de vote bloqué.

Dans ce cadre, le président de la Polynésie française présente un nouveau projet modifié, le cas échéant, par des amendements soutenus lors de la discussion par l'assemblée du projet de budget initial. Pour l'examen de ce nouveau projet de budget, s'applique la procédure de vote bloqué, selon laquelle l'assemblée se prononce sur les projets présentés par le président de la Polynésie française, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui.

Enfin, par coordination avec la création d'une section spécifiquement consacrée au régime contentieux des lois du pays fiscales (article 180-1 nouveau de la loi organique, inséré par un amendement de votre rapporteur créant un article 16 ), votre commission a supprimé, au sein de l'article 156-1, les dispositions rappelant les conditions dans lesquelles ces actes peuvent être contestés devant le Conseil d'État après leur promulgation.

• Le contrôle de l'assemblée de la Polynésie française sur l'attribution d'aides financières par la collectivité

L'article 157-2 du statut, issu de la loi organique du 7 décembre 2007, dispose que le président de la Polynésie française transmet à l'assemblée tout projet de décision relatif à l'attribution d'une aide financière à une personne morale, la commission de contrôle budgétaire et financier de l'assemblée devant ensuite émettre un avis sur le projet.

La définition d'un seuil au-dessous duquel les aides financières ne seraient pas soumises à l'avis de la commission de contrôle budgétaire et financier paraît pertinente, afin d'éviter que cette commission ne soit débordée par des projets de décision portant sur de faibles montants. Ce seuil doit cependant être défini dans le respect de l'autonomie de la Polynésie française.

Aussi votre commission a-t-elle prévu que le seuil à partir duquel les aides financières attribuées par la collectivité doivent faire l'objet d'un avis de la commission de contrôle budgétaire et financier de l'assemblée serait fixé par l'assemblée de la Polynésie française, sur proposition de sa commission de contrôle budgétaire et financier, et non par un décret (article 12).

• L'organisation du conseil économique, social et culturel

Votre commission approuve l'inscription dans le statut de la Polynésie française d'un principe garantissant la représentation des archipels au conseil économique, social et culturel. Toutefois, il paraît difficile de concilier cet objectif avec le plafonnement à 43 du nombre de membres du CESC.

Votre commission a donc adopté un amendement fixant l'effectif maximal du CESC à 51, soit son effectif actuel. Elle a en outre souhaité indexer les dépenses du CESC, selon un dispositif similaire à celui prévu pour l'assemblée de la Polynésie française (article 129, dernier alinéa, de la loi organique statutaire du 27 février 2004). La progression d'une année sur l'autre du budget de fonctionnement du conseil économique, social et culturel ne pourrait, à représentation constante, excéder l'évolution prévisible des recettes ordinaires telle qu'elle est communiquée au conseil économique, social et culturel, au plus tard le 1 er octobre, par le président de la Polynésie française.

Enfin, l'assemblée de la Polynésie française pourrait préciser les règles afférentes aux garanties dont disposent les membres du conseil économique, social et culturel de Polynésie française en ce qui concerne les autorisations d'absence et le crédit d'heures, ces garanties ne pourraient excéder celles applicables aux membres d'un conseil économique, social et environnemental régional.

2. Conforter la cohérence du statut

Adoptant plusieurs amendements présentés par son rapporteur et par M. Richard Tuheiava, votre commission a :

- prévu que l'assemblée de la Polynésie française serait destinataire, le cas échéant, des éléments constituant l'étude d'impact, afin d'améliorer les conditions de consultation de l'assemblée de la Polynésie française sur les projets de loi qui introduisent, modifient ou suppriment des dispositions particulières à la collectivité ( article 5 A nouveau ) ;

- souhaité permettre aux établissements publics de la Polynésie française de participer au capital de certaines sociétés privées et définir l'autorité compétente pour désigner les représentants de la collectivité et de ses établissements publics au conseil d'administration ou au conseil de surveillance des sociétés privées au capital desquelles ils participent ( article 5 B nouveau ). Cette désignation incomberait au conseil des ministres de la Polynésie française ou au conseil d'administration de l'établissement public actionnaire ;

- étendu à la Polynésie française une disposition permettant à son président de demander à l'État d'engager des négociations avec l'Union européenne, en vue d'obtenir des mesures spécifiques, utiles au développement de la collectivité ( article 5 D nouveau ). Cette disposition reprend celle qui s'applique à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et à la Nouvelle-Calédonie ;

- inséré un article 8 ter précisant les compétences du président de l'assemblée de la Polynésie française pour organiser et diriger les services de cette assemblée, sur le modèle de l'article 34 de la loi organique du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. En outre, le texte adopté prévoit que le président de la Polynésie française gère les biens de l'assemblée et les biens qui lui sont affectés ;

- limité le champ de la rétroactivité des lois du pays prises en matière fiscale aux seuls actes relatifs aux contributions directes, en excluant de facto les actes relatifs aux contributions indirectes qui y avaient été intégrés par la loi organique du 7 décembre 2007 ( nouvel article 8 quinquies ) ;

- précisé le régime contentieux du budget de la Polynésie, qu'elle a souhaité soumettre au Conseil d'État en premier ressort ( article 8 quater ) ;

- simplifié le fonctionnement des délégations de signature, afin d'éviter que celles-ci ne prennent fin du seul fait de la démission d'un membre du gouvernement ( article 7 ter ) ;

- raccourci le délai de « viduité » qui sépare la démission d'un membre du gouvernement issu de l'assemblée de la Polynésie française de son retour au sein de cette même assemblée : elle a ainsi fait passer ce délai de trois à un mois ( article 6 bis ) ;

- clarifié la rédaction de certaines dispositions de la loi organique du 27 février 2004 qui, dans certaines matières, comportait des lacunes et des imprécisions dommageables à sa lisibilité ;

- inséré dans le statut de la Polynésie française un nouvel article 170-2, permettant à l'État et à la collectivité d'exercer leurs compétences respectives au sein d'un même service, transposant ainsi à la Polynésie française un dispositif que la loi organique du 3 août 2009 a introduit en Nouvelle-Calédonie ( article 13 nouveau ). Une convention signée par les représentants respectifs de l'État et de l'exécutif de la Polynésie française devrait préciser les modalités de fonctionnement de ces services mixtes ;

- adopté un article additionnel précisant que l'ensemble des délibérations prises par la commission permanente de l'assemblée de la Polynésie française seraient transmises au haut-commissaire de la République ( article 14 nouveau ).

3. Permettre à la Polynésie française de créer une autorité de régulation de la concurrence

Le rapport de la mission d'assistance à la Polynésie française des inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales, publié en septembre 2010, relève que le droit de la concurrence est quasi inexistant en Polynésie française et souligne l'intérêt, pour la Polynésie française, de mettre en place une autorité de régulation.

La création d'une telle autorité est possible dans un domaine qui relève de la compétence de la Polynésie française, comme la concurrence.

Toutefois, afin de lui donner un pouvoir réglementaire et de sanction, il apparaît nécessaire de modifier la loi organique statutaire.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un article additionnel permettant à la Polynésie française de créer, par une loi du pays, des autorités administratives indépendantes, dont elle devrait définir les garanties d'indépendance et d'expertise ( article 5 C nouveau ).

La loi du pays pourrait attribuer à l'autorité un pouvoir réglementaire, par dérogation aux dispositions du statut qui confient l'exercice de ce pouvoir à l'exécutif de la collectivité. L'ensemble des pouvoirs confiés à l'autorité -à savoir des pouvoirs d'investigation, de contrôle, de recommandation, de règlement des différends et de sanction- devraient être strictement nécessaires à l'exercice de ses missions.

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