E. EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, LA POLITIQUE CONDUITE EN MATIÈRE DE TAUX RÉDUIT DE TVA DOIT ÊTRE COHÉRENTE : LES EXEMPLES DU LIVRE NUMÉRIQUE ET DE LA FILIÈRE ÉQUINE

En adoptant définitivement le 17 mai 2011 la proposition de loi de nos collègues Catherine Dumas et Jacques Legendre relative au prix du livre numérique , le Parlement français a manifesté son attachement à la cohérence de la politique conduite en faveur du livre et son souhait qu'elle ne soit pas remise en cause par les évolutions technologiques et le changement progressif du support sur lequel les livres sont lus. Cette adoption fait d'ailleurs suite aux débats relatifs à l'application d'un taux réduit de TVA pour le livre numérique lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011 10 ( * ) . A cette occasion, le président Jean Arthuis avait d'ailleurs souligné que « le cas particulier du livre numérique est (...) l'occasion de souligner [ce] défi et [ces] enjeux » relatifs à la politique conduite en matière de taux réduit de TVA. Ainsi, l'article 25 de loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 prévoit-il l'application du taux réduit de TVA aux livres quel que soit le type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement (livre numérique), dès lors que le fait générateur de la vente intervient à compter du 1 er janvier 2012 11 ( * ) .

Bien qu'elle n'en tire pas les mêmes conclusions, la Commission européenne est consciente de l'incohérence de la situation actuelle . Ainsi, dans son Livre vert, elle regrette qu' « il subsiste des incohérences dans les taux de TVA appliqués à des biens ou services comparables ». Elle cite à ce titre le cas de certains Etats membres appliquant un taux réduit à certains biens culturels, mais devant appliquer le taux normal aux services en ligne concurrents de ces biens, comme les livres ou les journaux électroniques.

De même qu'il y a incohérence à appliquer jusqu'alors un taux réduit de TVA au livre papier mais un taux normal pour le livre numérique, la présente proposition de résolution appelle notre attention sur une difficulté de même nature, dans un domaine dans lequel le besoin de modifier le droit communautaire est encore plus urgent : la filière équine .

Cette filière est en effet considérée à juste titre, en France comme dans d'autres Etats de l'UE, comme faisant partie intégrante de la filière agricole. Dans notre pays, les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation constituent des activités de nature agricole. En application des articles 278 bis , 278 ter et 257 du code général des impôts (CGI), elles sont donc soumises à la TVA selon les modalités du régime agricole et bénéficient du taux réduit de 5,5 % quels que soient le mode d'exploitation et la situation au regard de l'imposition des bénéfices :

- activités d'entraînement, de préparation (prédébourrage, dressage...) et de prise en pension de chevaux de course exercées, ensemble ou séparément, par les éleveurs, les propriétaires ou les entraîneurs ;

- activités d'enseignement de l'équitation, de prise en pension de chevaux, de location d'équidés quelle que soit leur finalité (sports équestres, promenades, randonnées, travail...), de dressage (débourrage notamment) et d'entraînement de chevaux exercées par les centres équestres, les éleveurs, les agriculteurs ou les cavaliers professionnels.

La doctrine fiscale précise que ce taux de 5,5 % est également applicable aux activités hippiques (DB 3 C 212). En outre, un taux de TVA de 2,1 % (article 281 sexies du CGI) est appliqué à la vente d'animaux vivants par des non assujettis à la TVA. Par la doctrine administrative (DB 3 I 1326), il est également appliqué à la vente d'« équidés de grande valeur ».

Cependant, la Commission européenne conteste cette application du taux réduit . Aussi a-t-elle a engagé un certain nombre de procédures en manquement contre des Etats, dont la France, et plusieurs arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) semblent lui donner raison. Ainsi, par son arrêt C-41/09 « Commission européenne/Royaume des Pays-Bas » du 3 mars 2011, la CJUE a estimé qu'« en appliquant un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée à l'ensemble des livraisons, des importations et des acquisitions intracommunautaires de chevaux, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 12, lu en combinaison avec l'annexe H, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ». Cette position a encore été très récemment confirmée par les arrêts C-441/09 « Commission européenne/Autriche » et C-453/09 « Commission européenne/Allemagne », rendus tous deux le 12 mai 2011.

Pour autant, dans le souci de cohérence qui la guide en matière d'application du taux réduit de TVA, votre commission des finances s'associe au souhait de la commission des affaires européennes que le taux réduit de TVA, ou un éventuel taux intermédiaire, puisse continuer d'être appliqué à l'ensemble de la filière .


* 10 Sénat, Compte rendu intégral des débats du 22 novembre 2010.

* 11 Adopté en commission mixte paritaire, cet article fait suite à l'adoption initiale au Sénat de trois amendements identiques de, respectivement, MM. Serge Lagauche et Jacques Legendre au nom de la commission de la culture, Mme Catherine Morin-Desailly et des membres du groupe Union centriste, et de M. Jean-Pierre Plancade et les membres du groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen. Ces amendements prévoyaient une application du taux réduit de TVA au livre numérique dès 2011, et non pas à compter de 2012 comme le fait l'article 25 de la loi de finances pour 2011.

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